City-stades, skate-parks, terrains de basket… C’est un fait indéniable, la plupart des équipements sportifs installés par les collectivités sont généralement accaparés par les garçons. Ce constat fait ressortir un autre…
City-stades, skate-parks, terrains de basket… C’est un fait indéniable, la plupart des équipements sportifs installés par les collectivités sont généralement accaparés par les garçons. Ce constat fait ressortir un autre problème : les budgets sont très fortement déséquilibrés en faveur des garçons. Car en voulant canaliser la supposée violence des garçons, les filles sont laissées de côté. Dès lors, quelle politique sportive peut être mise en place par les élus pour encourager les filles à reconquérir les équipements sportifs et ainsi l’espace public ?
Les garçons monopolisent l’équipement ? Pas une fatalité
François-Emmanuel Vigneau, chargé de mission au ministère chargé des sports de 1991 à 2014, notait récemment que « le sport peut être un facteur d’épanouissement individuel et de cohésion sociale – à condition que l’espace sportif s’y prête. C’est loin d’être le cas, les équipements sportifs publics ayant longtemps été conçus pour le sport de compétition des jeunes adultes masculins ». Une analyse confirmée par Yves Raibaud qui souligne que les offres de loisirs « sportifs, culturels ou généralistes proposés par les municipalités », voulues neutres, se révéleraient assez vite destinées à un public masculin. De fait, « les filles décrochent à partir de la classe de la 6e des activités de loisir sportif, culturel… » et seraient « moins bien insérées dans la ville et dans leur environnement social et professionnel ».
Cette situation problématique n’est pourtant pas nouvelle ! En 2004, le rapport Femmes et Sport demandé par Jean-François Lamour, alors ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Vie Associative et Nicole Ameline, alors ministre de la Parité et de l’Egalité Professionnelle, alertait déjà sur ces inégalités et présentait quelques pistes de politique sportive.
Élément essentiel, la politique sportive doit soutenir la pratique du sport à l’école. Alors que les heures de sport s’amenuisent au fur et à mesure des années, on constate très régulièrement un abus de dispenses de sport au collège ou au lycée. Il est donc primordial d’enrayer ces pratiques notamment par la valorisation des sports féminins, des grandes sportives telle une Christine Arron en athlétisme ou une Amandine Henry en football – des sports où les hommes sont plus souvent mis en avant – ou l’intervention des associations sportives locales. Si les filles prennent goût au sport à l’école, prennent confiance en elles en s’inspirant des grandes championnes, elles seront plus susceptibles d’en faire en club voire spontanément dans l’espace public, d’autant plus que les garçons auront vu vanter d’autres modèles que leurs modèles masculins.
Deuxième levier et non des moindres, les collectivités doivent chercher à encourager la pratique sportive mixte : alors que très peu d’épreuves sont mixtes aux Jeux Olympiques traditionnelles, les Jeux Olympiques de la Jeunesse, considérés comme un « laboratoire d’innovation et de promotion des valeurs du sport » par le CIO, proposent 14 disciplines mixtes sur 28. Dans les clubs de football par exemple, les équipes mixtes s’arrêtent vers 13-15 ans selon l’existence ou non d’une section féminine. Aller plus loin dans la promotion de la mixité permettrait sans nul doute de solidement ancrer cette possible mixité dans les pratiques libres et ramener les jeunes filles/femmes vers les city-stades notamment.
« Jouer au foot avec les gars, ça forge le caractère », amandine henry, une des meilleures footballeuses actuelles
Parlons de sous maintenant. La politique sportive possède un autre levier : instaurer la parité dans les financements. C’est le gender budgeting, c’est-à-dire équilibrer l’offre sportive et les budgets consacrés aux filles et aux garçons. Alors que pour les collectivités locales, le critère principal de financement des clubs est souvent le nombre de licenciés, il est indispensable qu’il soit pondéré par leur rôle dans l’intégration sociale du public femme et jeunes filles.
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Enfin, point particulièrement important, il est indispensable de mener de réelles enquêtes afin d’identifier les freins à la pratique du sport par les jeunes femmes, notamment à l’adolescence où sont elles sont plus nombreuses que les garçons à abandonner un sport sans reprendre d’autres activités sportives. Incompatibilité d’emplois du temps avec les devoirs, peur du regard des autres, ambiances décourageantes, matériels jamais neufs et toujours déjà utilisés par des garçons, attitudes d’intimidation de certains, inertie des encadrants… Autant de freins à identifier et à réellement prendre en compte pour essayer d’améliorer la situation.
Des collectivités qui s’engagent, une pratique sportive en hausse
Malgré l’irréfutable constat que les garçons monopolisent les équipements sportifs publics, collectivités, fédérations et clubs s’engagent depuis quelques temps à féminiser la pratique sportive et des tendances positives sont constatées, laissant augurer un avenir plus égalitaire.
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A Montpellier par exemple, afin d’inciter les jeunes filles et les adolescentes à faire du sport, la ville a mis en place une offre sportive abondante tout au long de l’année grâce à la Carte Montpellier Sports qui donne accès à plus d’une quarantaine de sports proposés par la Ville et ses partenaires associatifs, organisés dans les 270 équipements sportifs de la ville.
La petite carte permet, contre 5 €, d’accéder à des sports variés traditionnels, individuels ou collectifs, comme le football, le rugby, le handball, la gymnastique… mais aussi plus originaux comme le hockey sur glace, la pêche ou encore la spéléologie. Afin de bien favoriser la mixité et habituer dès 6 ans garçons et filles à faire du sport ensemble, « toutes les activités sont aussi bien dédiées aux garçons qu’aux filles. Même dans des sports plutôt pour les garçons comme le flag-football [initiation au football américain, ndlr] ou la boxe, on a beaucoup de filles » nous certifie-t-on au Service des sports de Montpellier.
Même chez les adolescentes, période charnière selon les experts où les jeunes filles commenceraient à déserter l’espace public pour des sports « d’intérieur » comme la gymnastique ou la danse, le constat est plutôt optimiste : « on n’a jamais fait d’enquête mais, bien qu’il semble que les jeunes filles s’orientent plutôt vers la danse, les claquettes… et les garçons vers le foot ou le rugby, on reste satisfait de la fréquentation qui continue d’être à peu près moitié-moitié » assure-t-on au service des sports.
Dans un rapport sur les chiffres clés de la féminisation du sport en 2012-2013 publié par le Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, 87 % des femmes de plus de 15 ans avaient déclaré avoir pratiqué au moins une activité physique ou sportive dans l’année, soit une hausse de 11 points par rapport à 2000. Dans le même temps, le nombre de sportifs n’avait augmenté que de 5 points, signe d’une féminisation de la pratique sportive. Cette tendance s’est ainsi traduite par une hausse des licenciées en clubs de 13,46 %, soit un peu plus de 660 000 licenciées supplémentaires.
En revanche, la période 14-20 ans reste la période où beaucoup de jeunes filles arrêtent de faire du sport (- 45%). Cette période est donc clairement celle où les efforts doivent être ciblés.
Cette évolution positive a sans nul doute été facilitée par les succès médiatisés des sélections nationales féminines en football mais aussi en basket, notamment lors des derniers Jeux Olympiques, qui ont réussi à mettre en lumière la pratique sportive féminine et susciter un réel engouement populaire.
Après une loi pour « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » qui concernait principalement les domaines professionnelles et politiques, pour « l’égalité réelle outre-mer », l’égal accès aux sports et aux équipements sportifs publics est un vaste chantier sur le chemin de l’égalité entre les femmes et les hommes. Espérons qu’une loi pour une « égalité réelle dans le sport » soit bientôt à l’ordre du jour.