Parité : la route est encore longue ! Elueslocales.fr a rencontré Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne, membre du bureau politique du PPE et vice-présidente de la commission des droits des femmes…
Parité : la route est encore longue !
Elueslocales.fr a rencontré Elisabeth Morin-Chartier, députée européenne, membre du bureau politique du PPE et vice-présidente de la commission des droits des femmes et de l’égalité des genres. Elle répond à nos questions sur l’égalité femmes-hommes en politique.
Elueslocales.fr : Peut-on parler de parité au niveau européen ?
Elisabeth Morin-Chartier : Ce qui me frappe au niveau du Parlement européen, c’est que la représentation féminine y est beaucoup plus importante que dans les Parlements nationaux ! Nous sommes 40% de femmes alors que tous les pays n’ont pas de loi sur la parité, et les femmes élues y sont beaucoup plus jeunes, particulièrement celles qui arrivent des nouveaux pays entrants !
Nous avons aussi une crèche pour les enfants des député-es : cela pourrait n’être qu’un détail, mais c’est révélateur d’une présence plus importante des femmes. Tout ce qui peut être fait pour faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie privée permet aux femmes d’être actives et de participer à la vie sociale et politique.
Par ailleurs, le secteur privé est toujours montré du doigt, on lui impose des quotas, des plans d’égalité professionnelle, etc… mais quand vous regardez dans le secteur public, la question de la parité relève d’une vue de l’esprit. Dans la pyramide de l’emploi, les emplois de haut niveau de l’administration publique sont majoritairement pourvus par des hommes. Même si nous avons fait des progrès en imposant aussi des quotas à l’administration publique, nous sommes très loin de la parité, très loin d’accorder une place égale aux hommes et aux femmes dans monde du travail.
Il faut faire attention ! Dans l’histoire des femmes, il y a toujours eu des périodes et lieux où les femmes ont eu une place importante et reconnue dans la société, tout comme des phases de régression. Je ne peux pas laisser dire que nous sommes aujourd’hui dans une phase de conquête. Cette conquête doit être mise en œuvre car nous sommes dans une phase de régression !
Elueslocales.fr : On constate qu’il y a peu de femmes politiques à l’UMP : quel est votre point de vue sur la parité dans le fonctionnement interne du parti ?
Elisabeth Morin-Chartier : Si nous avons eu besoin d’entériner une loi, c’est qu’il y a des freins. La culture de la France n’est pas paritaire. Le non-respect de la parité coûte à l’UMP près de 4 millions d’euros par an ! Aujourd’hui l’UMP préfère payer cette amende plutôt que de favoriser l’émergence de femmes, voire d’accompagner celles qui exercent des mandats.
Pour les hommes, l’égalité est dans les textes, donc pourquoi faire plus ! Il n’y a pas de prise de conscience de leur part et j’ai parfois peur que ce soit la volonté de ne pas voir combien notre monde a évolué. Les femmes ont une place pleine et entière à prendre. De quoi ont-ils peur ?
Au niveau européen, on travaille beaucoup plus dans la mixité. Les partis politiques peuvent être un bon laboratoire de cette conciliation. Aujourd’hui, sur ce sujet, ils ne sont pas en pointe, mais en retard sur la société.
Elueslocales.fr : Que tirez-vous de votre expérience de femme dans le milieu politique ?
Elisabeth Morin-Chartier : Avant d’être députée européenne, j’ai été présidente de région. Quand les quotas de parité en politique ont été imposés en France, j’étais contre, car je croyais que la valeur des femmes suffirait. Mais aujourd’hui, force est de constater que sans cela nous n’aurions pas évolué. Comme nous l’avons vu, certains préfèrent encore payer des amendes plutôt que de mettre en œuvre la parité : la route est encore longue !
En tant que femme je dois avouer que les hommes m’ont mise en situation de devoir toujours faire mes preuves. Un soupçon d’incapacité à assumer leur rôle pèse toujours sur les femmes.
Aujourd’hui encore, après 15 ans d’action politique, certains aimeraient encore que je me mette en situation de leur devoir ce que je suis devenue !
De tout cela je tire un constat : c’est un milieu éminemment masculin, dont les codes de fonctionnement sont faits par les hommes pour les hommes. C’est un milieu très dur. Les femmes dans ce milieu, ne doivent pas jouer ni se mettre à jouer dans le même registre que les hommes. Elles doivent jouer leur registre propre. Elles sont très travailleuses, présentes et compétentes. Une femme ne va jamais à une réunion sans l’avoir préparée. C’est de cette richesse et de cette diversité de comportement que la société a besoin pour ramener de l’éthique en politique.
Elueslocales.fr : Merci pour ces réponses