Florence la ville culturelle très connue des amateurs d’art continue de faire parler d’elle mais cette fois pour une décision politique. A une heure où les notions de circuits courts…

Florence la ville culturelle très connue des amateurs d’art continue de faire parler d’elle mais cette fois pour une décision politique. A une heure où les notions de circuits courts et d’agriculture bio ne cessent de gagner des partisans, la municipalité du berceau de la Renaissance a imposé 70% de produits locaux dans ses restaurants !

Circuits de proximité = cercle vertueux ?

Tout d’abord, distinguons clairement circuit court et circuit de proximité (s’ils sont étroitement liés, ils sont néanmoins différents) : le circuit court est la vente directe des produits agricoles du producteur au consommateur (vente à la ferme, marché de producteurs), ou indirecte, à condition qu’il n’y ait qu’un seul intermédiaire entre l’exploitant et le consommateur (commerçants détaillants de type épicier, boucher, ou restaurateur).

De son côté, le circuit de proximité correspond à l’idée d’une distance spatiale maximale mesurant le chemin à parcourir entre le lieu de production et celui de vente (en l’absence de définition officielle, cette distance peut varier selon le type de production concernée : d’environ 30 km pour des produits agricoles simples, comme les fruits et légumes, à 80 km pour ceux nécessitant une transformation).

Or, le récent Rapport sur les circuits alimentaires et la relocalisation des filières agricoles et alimentaires (juillet 2015) présenté par Brigitte Allain, députée de la Dordogne, souligne clairement qu’aujourd’hui, les modes de consommation évoluent drastiquement : il y a une grandissante exigence de qualité et une forte demande de produits locaux. Cette évolution serait due à :

  • Une demande de lien social : de plus en plus de citoyens français souhaitent mettre davantage de sens dans leurs actes de consommation ;
  • Une demande en termes de santé  et de protection de l’environnement (un nombre grandissant d’études sur les effets sur l’Homme mais aussi sur le reste de la faune et de la flore des différents pesticides massivement utilisés sont très médiatisées, rappelons le succès du Cash Investigation sur les pesticides…) ;
  • Un renouveau du patriotisme alimentaire (corollaire à la crise agricole) : « 97 % des Français qui consomment local disent le faire pour soutenir la production locale et par là, l’activité de leurs voisins ».

Ainsi, ce rapport indique clairement que « tous les signaux sont au vert pour développer les circuits courts, de qualité et de proximité ».

circuits courtsLa relocalisation de l’alimentation doit être pensée au-delà des circuits courts et de proximité, comme un projet alimentaire de territoire. Cela implique une mise en réseau des acteurs (collectivités, consommateurs, entreprises, organisations…), la réalisation d’un diagnostic commun et la définition d’objectifs partagés. Cette vision systémique, encouragée par les orientations nationales, devra se concrétiser dans des politiques volontaristes d’accompagnement local.

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Ainsi, impulsé au niveau du territoire, de la région ou de la commune ou par une concertation avec les différents acteurs locaux, un cercle vertueux peut être développé : les producteurs locaux sont vivement encouragés à une production de qualité, d’autant plus qu’ils seront à peu près sûrs de pouvoir la vendre aux restaurateurs ou commerçants locaux (grâce aux circuits courts, on limite le nombre d’intermédiaires, les revenus n’en seront que plus grands pour les producteurs) qui peuvent alors eux-aussi proposer des produits locaux de qualité à des consommateurs qui semblent en demande. L’offre et la demande se rencontrent favorablement, il est alors possible d’élaborer des campagnes de promotion sur ses produits locaux, « du terroir », et l’identité du territoire afin d’attirer davantage de touristes et générer encore davantage de dynamisme local.


Attention : produits locaux ne signifiant pas produits de qualité, il serait dommage de ne pas exiger des critères de qualité afin que tout le monde soit gagnant.


Si cette initiative ne peut répondre à elle seule la crise agricole, elle peut néanmoins représenter un coup de pouce loin d’être négligeable.

Le produit local, atout touristique

A Florence, cette initiative est avant tout justifiée par une volonté de préserver son patrimoine exceptionnel, source d’un afflux massif de touristes chaque année. Capitale de la Toscane, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, Florence présente une richesse artistique exceptionnelle : églises, musées, palais, ponts, places… Mais, ce tourisme et la mondialisation qui l’accompagne effraient les toscans qui voient en cette mondialisation une possible altération de leur patrimoine.

local

Cette décision d’imposer ces produits locaux dans les restaurants et commerces locaux vise à continuer à faire vivre les petits artisans et commerces locaux qui font le charme de la ville. Il s’agit d’empêcher que ces petits artisans locaux soient chassés par les chaînes alimentaires « sans âmes » (telles McDo, Starbucks…) ou par des cuisines qui rompraient avec l’héritage culturel florentin (kebabs ou gastronomies asiatiques notamment).

Il faut y voir une volonté de résister à la mondialisation et à l’uniformisation qu’elle engendre. C’est un enjeu fondamental en termes de protection d’un patrimoine, d’une identité locale qui sont valorisés pour le tourisme. Il est vital de garder une ville/territoire au patrimoine culturel, gastronomique, architectural identifiable et valorisable, de conserver fortes ses racines, sa spécificité locale.

Au-delà de cet aspect de protection du patrimoine, une stratégie d’ensemble peut être notée : faire vivre les petits artisans, commerçants, producteurs locaux contribuent au dynamisme local, à l’identification forte et à la valorisation du territoire. L’afflux de touristes attirés par l’image, l’aura, le patrimoine farouchement conservés de Florence va continuer d’alimenter le dynamisme du territoire, le cercle vertueux perdure.

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Le droit italien et le droit français n’étant pas les mêmes, une consultation d’un expert juridique est vivement conseillée s’il faut « imposer » cette mesure (qui risquerait d’ailleurs d’être attaquée au niveau de l’Europe comme violant les règles sur la concurrence). En revanche, étant donné qu’il s’agit d’une démarche qui ne peut que bénéficier au plus grand nombre, il est préférable d’agir en concertant l’ensemble des acteurs afin de les convaincre du bien-fondé de celle-ci et de les impliquer dans le projet.

Si la critique d’ethnocentrisme et de rejet des autres cultures peut être très pertinente, il serait dommage de se mettre des œillères et d’écarter d’emblée cette initiative. Rappelons, au cas où, que Florence capitalise énormément sur son extraordinaire patrimoine qui attire chaque année près de 16 millions de touristes, la Toscane est une région particulièrement riche dans de nombreux domaines (architecture, gastronomie, histoire, culturel, paysages…), il est donc parfaitement cohérent que la municipalité veuille solidement protéger et cultiver son identité. De nombreux territoires français pourraient être séduits par une telle démarche…