16 ans après la loi « tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (6 juin 2000), la nécessité de légiférer pour imposer…

16 ans après la loi « tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (6 juin 2000), la nécessité de légiférer pour imposer une égalité RÉELLE entre les hommes et les femmes (Loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014) pose clairement une question : n’est-elle pas la preuve d’un constat d’échec pour le principe de parité ?

parité en franceMalgré quelques têtes de gondoles (Nathalie Kosciusko-Morizet, Anne Hidalgo, Najat Vallaud-Belkacem, Ségolène Royal…), pensée comme instaurant des quotas voire une égalité numérique pour une meilleure représentativité, décriée dès le projet de loi en 1999, la parité semble avoir échoué à établir l’égalité entre les hommes et les femmes.

Lors de notre récente enquête, plus de 90% des femmes élues interrogées estimaient encore rencontrer davantage de difficultés que les hommes, elles parlaient toujours de l’éternel sexisme de leurs collègues masculins, des difficultés pour être reconnue pour ses compétences… La parité n’aurait eu qu’un impact superficiel, sur la forme, guère sur le fond…

Bien évidemment, cet article n’a pas pour ambition d’apporter LA réponse à la problématique de la remise en cause de la parité, mais plutôt de fournir quelques éléments de réflexion.

Un combat qui raterait sa cible

Dès 1999, des voix féminines (et féministes) s’élevaient pour refuser ce principe de parité. Le besoin d’encore et toujours légiférer aujourd’hui montre qu’elles n’avaient pas vraiment tort…

  • Principal grief : la discrimination.

On retrouve là le problème inhérent au principe de discrimination positive et aux quotas : ils ne feraient que renforcer la fracture, ils ne changent pas le fond, les gens ne sont pas là pour leurs compétences mais parce qu’ils sont noirs, handicapés, femmes…

Elisabeth BadinterEn souhaitant pallier une insuffisance démocratique, on ne ferait que séparer, discriminer (car le terme est parfaitement justifié : on écarterait alors un homme en raison de son sexe, non de sa moindre compétence par rapport à une femme) et, au final, figer la rupture hommes-femmes dans une relation qui ne peut pas être améliorée sans le secours d’une loi. La parité instituerait deux catégories de citoyens distincts, les hommes et les femmes, les figeant dans leur différence sexuelle alors que l’évolution des mœurs plaidait déjà pour l’indifférenciation des rôles, des métiers et des fonctions.

Elisabeth Badinter prévenait déjà que « la mise en place de la parité hommes/femmes dans les assemblées rompt avec ce premier principe de toute émancipation : le refus d’enfermer les êtres humains dans des distinctions naturelles. Ce faisant, on reconstruit les vieilles barrières entre le monde des femmes et celui des hommes ».

L’historienne Mona Ozouf considérait que « cela constituerait un précédent considérable. La notion de représentativité est un gouffre. Et pourquoi les jeunes et les vieux ne réclameraient-ils pas à leur tour d’être représentés ? », une question de représentativité que notre société n’est peut-être toujours pas prête à étudier compte tenu des récentes et profondes tensions sociales…

  • Autre grief, et non des moindres, le principe de parité serait tout simplement vue comme une « insulte », dévalorisant pour celles qui en bénéficient.Beaucoup de femmes ont l’impression d’être là pour « faire le nombre », pour respecter l’obligation légale de parité. Elles ne seraient pas là pour leur compétence mais juste leur sexe (entraînant également une suspicion permanente chez le public masculin, ce qui risque de saper l’autorité de la femme élue)… En insistant sur la différence sexuelle, la parité finit par l’exacerber.Parité Françoise Cachin, alors directrice des Musées de France, la voyait comme « humiliante pour les femmes, qui ne sont pas une espèce à protéger », une « fausse bonne idée qui a l’apparence d’aider les femmes, mais les dessert ».Patricia Barbizet, alors directrice générale d’Artémis estimait de son côté que « si on en déduit qu’il faut contraindre le pays à la parité par la loi, je suis contre, car il s’agit d’un quota. Je ne voudrais pas qu’on me réserve une place, comme si j’étais inapte. Chaque fois qu’une femme sera nommée par ce biais, elle sera la cible d’une suspicion sur ses mérites ».

« La parité me semble une erreur stratégique colossale […]. C’est court. C’est frappant. C’est la clef pour un monde merveilleusement égalitaire. Cela relève de la pensée magique. Bref, l’égalité arithmétique est absurde. […] La vraie mixité ne se crispe pas à 50-50 : la parité est un hochet. D’ailleurs, la véritable égalité entre les hommes et les femmes commence dans les buanderies, dans les cuisines, au chevet des enfants. Et par l’égalité réelle des salaires », Florence Montreynaud, écrivaine (1999).

16 ans plus tard, bon nombre de ces inquiétudes semblent avoir été confirmées…

baupinCampagnes de sensibilisation, beaux discours, lois et règlements se sont succédés mais les mentalités évoluent lentement semble-t-il, le champ politique restant un lieu où le machisme s’affiche sans grands complexes : rappelons les scandales Dominique Strauss-Kahn et, beaucoup plus récent, Denis Baupin ou encore les accusations visant Michel Sapin (pourtant ministre) qui illustraient clairement une misogynie décomplexée au sein de la classe politique masculine.

Si au moins elle était bien appliquée…

La parité, pensée alors comme un bon remède (les anti-parités étaient très critiqué(e)s en 1999), aurait pu être ce « mal nécessaire » si au moins elle était réellement pratiquée. Et c’est là que le bât blesse : malgré toutes les lois et les discours engagés, il n’y a même pas un tiers de députées à l’Assemblée nationale…

De plus, dès lors que la loi n’oblige pas à la parité, la proportion de femmes élues s’effondre immédiatement illustrant de manière navrante que les mentalités n’ont guère évolué malgré l’instauration légale de la parité.

paritéCertaines stratégies électorales peuvent aussi jouer avec les règles de la parité et en limiter les effets : par choix politiques douteux, par manque de volonté ou par manque de forces vives compétentes (ou en tout cas reconnues comme compétentes…), certains partis politiques préfèrent se priver de subventions publiques plutôt que de présenter des candidates. Un dirigeant de l’UMP reconnaissait, au moment de l’annonce des difficultés financières de son parti, que si l’organisation avait respecté la loi sur la parité en 2012, le déficit aurait été résorbé. De plus, les chiffres sont éloquents, lorsque l’alternance sexuée des listes est obligatoire, on constate que les hommes sont plus souvent à leur tête (83% des listes dans les communes de plus de 1 000 habitants lors des dernières municipales étaient conduites par des hommes).

Afin d’éviter la dissidence de certains de leurs membres qui ne peuvent être investis du fait de la parité (leur place est “réservée” à une femme), certains partis préfèrent présenter plusieurs listes (donc des listes “dissidentes” de “sortants” qui préfèrent emmener leur liste propre plutôt que de se voir reléguer en troisième ou cinquième position) tout en faisant campagne ensemble et en appelant les électeurs à partager leurs voix. La “dissidence organisée”, telle qu’elle se pratique pour les municipales ou pour la part des sénateurs élus au scrutin de liste à la proportionnelle, vise à ménager et conserver ses ” sortants” mais contribue à limiter l’accès des femmes à la politique

Enfin il est évident que des plafonds de verre existent toujours pour les femmes : il reste, en politique comme ailleurs, des domaines « masculins », plus valorisés et supposés plus techniques, comme les finances, les affaires étrangères ou les transports, et des secteurs « féminins » comme le social, la culture et la petite enfance, moins valorisés et pensés comme ne mettant pas en œuvre de compétences spécifiques mais des qualités « naturelles ». De plus, le renouvellement du personnel politique féminin est bien plus rapide que celui masculin : les femmes politiques sont rapidement remplacées par d’autres femmes, elles quittent leur mandat plus rapidement et pour des raisons moins évidentes que les hommes et, dès lors, laissent une empreinte moins profonde.Plafond de verre - femmes

Il est possible qu’une erreur stratégique ait été commise en 1999-2000 (et après), au moment de légiférer : selon Elisabeth Badinter et les co-signataires de sa tribune, la parité était inutile. Elles s’interrogeaient alors sur le pourquoi d’imposer par la loi une mixité que les mentalités plébiscitaient de plus en plus clairement. Il est possible qu’en imposant les principes de parité et en les renforçant par des mesures ultérieures alors que les mentalités évoluaient, cela ait cristallisé des frustrations et généré des blocages dans la volonté de certains de laisser davantage de place aux femmes.

Dans de plus en plus de collectivités (la MEL par exemple), voire de pays (en Belgique, le gender mainstreaming est une obligation légale), on commence à abandonner cet idéal numérique de la parité au profit d’une compréhension approfondie des inégalités femmes-hommes et des obstacles entravant le parcours des femmes en politique afin de s’attaquer aux problèmes en amont et d’enfin mettre les hommes et les femmes sur un pied d’égalité.

Solution pour ouvrir plus de places aux femmes, la parole est à feue Françoise Cachin qui dès 1999 pointait du doigt le vieux serpent de mer du cumul des mandats