Que faire des milliards de bouteilles plastiques produites chaque année depuis de nombreuses décennies, des 6,5 milliards de kilos de déchets plastiques déversées dans les océans chaque année (206 kilos…

Pollution - IndonésieQue faire des milliards de bouteilles plastiques produites chaque année depuis de nombreuses décennies, des 6,5 milliards de kilos de déchets plastiques déversées dans les océans chaque année (206 kilos par seconde…) et qui ont une durée de dégradation estimée entre 500 et 1 000 ans ? Cette question est chaque jour davantage une problématique majeure du développement durable.

La production d’emballages plastiques consomme des produits pétroliers, de l’eau, de l’énergie et émet des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique et constituent ainsi une menace grave pour notre environnement et pour la santé humaine durant tout leur cycle de vie. Ces déchets non biodégradables nécessitent donc une attention particulière de la part de tous/

La plus connue des solutions est le recyclage. Tout le monde connaît le recyclage de bouteilles plastiques en laine polaire, cartes à puce, couettes ou réutilisation pour produire d’autres objets plastiques. Au Cameroun, deux jeunes en font un produit original : des pavés !

Un constat préoccupant

pollution - déchets

En créant l’association Cœur d’Afrique, l’ancienne immense star du foot africain Roger Milla (2e meilleur joueur africain du siècle, double Ballon d’or africain, double vainqueur de la CAN…) avait plusieurs objectifs : promouvoir la protection de l’environnement et le développement durable, lutter contre la pollution (et notamment le problème majeur que devenait les déchets plastiques jetés dans la nature bouchant les caniveaux et encombrant les rivières au Cameroun) et, en même temps, créer des emplois pour les jeunes désœuvrés.

10 % des 6 millions de tonnes d’ordures produites chaque jour au Cameroun sont des déchets plastiques. Malgré l’interdiction en 2014 de la fabrication, l’importation, la commercialisation et l’utilisation des emballages plastiques non-biodégradables de moins de 61 microns, bon nombre de bouteilles ou d’emballages continuent de circuler ou d’être produits en toute illégalité…

Dès lors, le concept développé par Pierre Kasoumloum (entrepreneur à Yaoundé) et soutenu par l’association présente un fort potentiel : recycler des déchets plastique pour en faire un liant qui remplace le ciment dans la production de pavés…

Un procédé à la portée de tous

Le procédé est au final assez simple : il s’agit de collecter des emballages et des bouteilles plastiques dans les poubelles de Yaoundé. Après la phase du tri (il faut éliminer le plastique contenant du chlore qui sera toxique si transformé), c’est la phase de transformation, en plusieurs étapes.

Au « laboratoire » de la capitale, Elvis et Robert, deux anciens enfants de la rue venus à l’origine en tant que stagiaires au sein de cette fabrique mise sur pied par la fondation « Cœur d’Afrique » vont procéder à la fonte des matières plastique placées dans une cuve chauffée à plus de 200 degrés et posée sur du feu de bois. Tout d’abord, c’est au tour des emballages plastiques. Armés de malaxeurs et protégés de l’odeur toxique par des cache-nez, ils vont remuer le mélange jusqu’à l’obtention d’une pâte homogène d’où émergent des flammes. Ensuite, c’est le tour des bouteilles plastiques.

Enfin, trois seaux de cinq litres de sable bien tamisés sont versés dans la cuve. Une fois le plastique fondu, il s’agit de disposer le tout dans des moules, à chaud. L’eau ne rentre pas dans la production et le produit sèche à l’air ambiant. Le séchage prend généralement quinze minutes alors que, pour un pavé à base de ciment et de sable, cette opération peut nécessiter vingt-quatre heures.

Un réel intérêt majeur

Les résultats sont bluffants : une fois le plastique versé dans des moules puis séché, les pavés peuvent supporter jusqu’à 50,5 tonnes de charges (résultats du laboratoire du génie civil camerounais) ! Pour comparaison, un pavé du même usage en ciment ne supporte qu’entre 6 et 12 tonnes.

L’immense profusion de la matière première en fait un produit particulièrement abordable : environ 6,5 € le m3 (qui correspond à entre 26 et 33 pavés) contre jusqu’à 38 € pour ses concurrents. De plus, imperméables, ils peuvent être utilisés dans les zones marécageuses ou pour construire des fosses septiques notamment.

déchets plastiqueCette initiative touche du doigt un enjeu social et environnemental majeur : permettre de nettoyer les villes, la nature et les océans tout en offrant à moindre coût des matériaux encore plus performants que ses concurrents pour la construction et la réhabilitation des routes et des voiries. Elle s’accompagne de campagnes de sensibilisation dans les écoles de la capitale Yaoundé, les invitant à collecter des déchets plastiques dans leurs quartiers (3 tonnes ont été récoltées en une semaine !). À terme, Cœur d’Afrique compte former 2 500 jeunes à la collecte au tri et à la transformation des déchets plastique.

 

Lorsque l’on observe que de nombreux discours d’experts identifient, comme frein à l’essor de l’Afrique, le manque d’infrastructures, de routes… (la Fédération camerounaise de handball s’est déjà laissé séduire et sa cour a été tapissée de ces pavés écolos), ces deux jeunes camerounais ont peut-être mis la main sur une belle idée dont de nombreuses collectivités françaises pourraient bien s’inspirer…