De la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain à la mise en place de la « trame verte et bleue », la loi Alur contient plusieurs dispositions capitales permettant…

De la lutte contre l’artificialisation des sols et l’étalement urbain à la mise en place de la « trame verte et bleue », la loi Alur contient plusieurs dispositions capitales permettant aux collectivités d’inscrire dans leurs documents d’urbanisme la protection de la biodiversité. Une perspective, certes peu connue, mais plus sympathique que la protection contre les pics de pollution.

Loi Alur, nouveau bouclier de la biodiversité ?

En règle générale, les gens ont surtout retenu de la loi Alur ses volets concernant le logement, notamment sur l’encadrement des loyers ou sur les modifications dans le fonctionnement des copropriétés. Or, diverses dispositions permettant de protéger la biodiversité lors de la préparation des documents d’urbanisme du territoire se sont glissées dans les textes.

Si certaines associations de défense de la Nature estiment qu’elle aurait pu aller plus loin, la loi Alur représente néanmoins une réelle avancée permettant, par exemple, que le Règlement National d’Urbanisme puisse désormais identifier des éléments ayant un intérêt écologique.

Premier maillon de cette protection de la biodiversité dans les documents d’urbanisme : le SCoT ou Schéma de Cohérence Territoriale. Celui-ci doit dorénavant proposer un projet de développement s’appuyant clairement sur un diagnostic qui prend en compte les enjeux de biodiversité du territoire et qui garantit la préservation et la protection des espaces naturels. Le rapport de présentation du PLUi est soumis à la même obligation.

Dans son Document d’Orientations Générales, le SCoT doit définir les grandes lignes des mesures à mettre en place en faveur de la protection de la biodiversité. L’article L. 122-1-2 du code de l’urbanisme a été modifié par la loi Alur et impose que le rapport de présentation du SCoT décrive les besoins en matière d’environnement, « notamment en matière de biodiversité », mettant de facto cette problématique au cœur des réflexions. Les dérogations au principe d’urbanisation limitée ne pourront être accordées qu’uniquement si le projet « ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques ».

Ainsi, le SCoT doit :

  • Définir les principes d’aménagement tout en cherchant à éviter, réduire ou compenser les atteintes aux espaces naturels ;
  • Concilier les besoins de croissance et les objectifs de préservation de la biodiversité de la commune.

Deuxième maillon de la chaîne, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) va être développé au niveau communal ou intercommunal et va édicter les grandes lignes que traduira en pratique le PLUi. Il affirme comme objectif « de promouvoir un développement durable qui assure la préservation des atouts patrimoniaux du territoire […] ».

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Enfin, dernier maillon de la défense et non des moindres, le PLUi va traduire de façon bien plus précises les grandes orientations définies par le PADD. Il va prévoir des mesures en faveur de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers. Il pourra d’ailleurs aller au-delà des prescriptions du SCoT et l’approfondir. Le PLUi  doit mettre en avant les enjeux de la biodiversité, en précisant désormais que « les orientations [du PLUi] peuvent définir les actions et opérations nécessaires pour mettre en valeur l’environnement, notamment les continuités écologiques ». Par exemple, au moment du zonage, il faudra préciser les secteurs agricoles faisant partie du réseau écologique et les prescriptions qui s’y appliquent, mais aussi classer les espaces naturelles en zone dite N (pour Naturelle, ndlr). La loi Alur confirme notamment l’intercommunalité comme l’échelle pertinente pour la protection de la biodiversité au sein d’un territoire.

Des textes à la pratique

Financé par une taxe sur les permis de construire, le CAUE (Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement de la Gironde) va ainsi pouvoir proposer un accompagnement gratuit aux collectivités en amont de la construction des documents d’urbanisme.  En effet, travailler en amont est très important dans la bonne marche du processus car le PLUi n’est au final “que” la « traduction » de bon nombre d’études et de documents préalablement élaborés.

La loi Alur est venue renforcée une démarche déjà entamée par les « lois Grenelles puis la loi SRU [loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains] et qui consistait à d’abord identifier et prendre en compte les zones qui ont de la valeur en biodiversité sur son territoire, avant de penser à s’étendre et d’urbaniser » nous a-t-on expliqué au CAUE. En effet, auparavant, les questions de développement économique et d’urbanisation, notamment dans un but économique à l’image de la multiplication des zones d’activités, monopolisaient les réflexions de beaucoup d’élus. Aujourd’hui, les questions de protection de la biodiversité sont un préalable à toute nouvelle démarche d’urbanisme.

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C’est lors de cette étape préalable que va intervenir le CAUE aux côtés des collectivités. Sa mission : « essayer de révéler un état des lieux, faire un diagnostic du territoire, aider à prendre la mesure des choses avant la prise de décision ». La structure va établir une cartographie du territoire et un diagnostic qui vont être synthétisés dans une traduction graphique : la « trame verte et bleue ».

Celle-ci répertorie :

  • Les « continuités écologiques » qui représentent les zones où les espèces animales circulent et où s’opère le bon déroulement du transport des sédiments. La continuité entre amont et aval peut être entravée par les constructions humaines ;
  • Les « réservoirs de biodiversité », espaces dans lesquels la biodiversité est la plus riche ou la mieux représentée, où les espèces peuvent effectuer tout ou une partie de leur cycle de vie et où les habitats naturels peuvent assurer leur fonctionnement en ayant notamment une taille suffisante ;
  • Les « corridors écologiques », connexions entre des réservoirs de biodiversité, offrant aux espèces des conditions favorables à leur déplacement et à l’accomplissement de leur cycle de vie ;
  • Les cours d’eau et les zones humides.

Soit autant de zones à protéger afin de permettre à la biodiversité de continuer à se développer.

Si ces démarches de la loi Alur semblent moins connues par le grand public que d’autres, elles n’en sont pas moins obligatoires. En effet, l’obligation émanant de la loi se retrouve dans le processus d’affinage qui aboutit au PLUi : le SRCE, Schéma Régional de Cohérence Ecologique, « sorte de trame verte et bleue à l’échelle de la Région » puis sa déclinaison à l’échelle du département dans le SCoT qui s’impose à son tour au PLUi, sont tous concernés par la mise en oeuvre de mesures de protection de la biodiversité.

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La réforme territoriale devient ici très bénéfique selon le CAUE car les PLUi permettent de fonctionner à une plus grande échelle que la seule commune, une échelle plus cohérente afin de protéger la biodiversité sur un territoire, ces démarches ne se faisant « plus tout seul dans son coin mais à plusieurs ».

Biodiversité et urbanisme, récente avancée

Récemment, toutes ces dispositions ont été complétées par la loi du 8 août 2016 « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » (dite loi Biodiversité) qui comportait encore de nouvelles modifications du droit de l’urbanisme :

  • Le Code de l’urbanisme voit son article L. 153-31 renforcé par un nouvel alinéa imposant qu’en cas d’ouverture à l’urbanisation d’une zone qui ne l’avait pas été depuis neuf ans, l’EPCI devra revoir son PLUi. Une disposition déjà présente au sein de la loi Alur mais entrée en vigueur que le 1er juillet 2015, donc ignorée lors la recodification du code de l’urbanisme ;
  • Dorénavant, les établissements commerciaux d’une surface de vente supérieure à 1000 m² ne pourront construire de nouveaux bâtiments qu’à la condition que ceux-ci intègrent des « procédés de production d’énergies renouvelables, soit un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, soit d’autres dispositifs aboutissant au même résultat ».

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De plus, sur les aires de stationnement, « revêtements de surface », « aménagements hydrauliques » ou « dispositifs végétalisés » devront être installés dans le but de favoriser « la perméabilité et l’infiltration des eaux pluviales ou leur évaporation et [préserver] les fonctions écologiques des sols ».

  • Enfin, l’article 156 de cette loi d’août 2016 vient permettre aux collectivités de se « réserver », « instituer des servitudes » selon la loi, certains terrains qu’elles destinent à devenir des espaces verts.

Au final, si l’on peut rester dubitatif sur la capacité des collectivités, fortement impactées par la baisse des dotations de l’Etat et en bouleversement organisationnel suite à la réforme territoriale et aux transferts de compétences, à s’approprier cet outil, l’initiative mérite d’être saluée et a déjà inspiré quelques collectivités qui restent minoritaires. Alors, à vous de jouer !