Les collectivités peinent à financer le passage au développement durable. Comment financer la transition énergétique ?

Limiter le réchauffement climatique en dessous des 2 °C est l’objectif imposé par les Accords de Paris. Cependant, l’urgence du passage au développement durable se heurte à un important obstacle en France : la baisse des dotations de l’Etat aux collectivités qui doivent pourtant prendre ce virage de la transition énergétique.  Dès lors, comment réussir à financer des investissements souvent conséquents alors que la marge de manœuvre des collectivités ne cesse d’être réduite ?

Loi sur la transition énergétique de 2015 : principes et failles

Votée en 2015, la loi sur la transition énergétique se voulait ambitieuse : objectif d’une réduction de 50 % de la part du nucléaire dans la production d’électricité à horizon 2025, de 30 % en 2030 de celle tirée des énergies fossiles, augmenter à 32 % à horizon 2030 la part des énergies renouvelables, réduire la facture énergétique de la France, faire émerger des activités génératrices d’emplois.

Une batterie de mesures financières a été mise en place :

  • Introduction d’une « fiscalité écologique » : elle vise à intégrer, dans les coûts supportés par les acteurs économiques (entreprises, ménages, secteur public…) le coût des dommages environnementaux causés par leurs activités. Elle représente ainsi un moyen économiquement efficace pour modifier le comportement des acteurs, conformément au principe de « pollueur-payeur » ;
  • Introduction de l’ISR : l’Investissement Socialement Responsable constitue un mécanisme de financement au service de la transition écologique et peut accélérer la mutation des modes de production, en ne choisissant de financer, par exemple, que les entreprises les plus vertueuses en matière de développement durable. A ce titre, il apparaît comme un des leviers d’actions à activer pour encourager les entreprises à adopter des pratiques de responsabilité sociétale avancée ;
  • Financer la transition énergétique grâce aux prêts de la Caisse des Dépôts : le fonds d’épargne de la Caisse des Dépôts accompagne les projets structurants du secteur public local, via des prêts de long terme. Les prêts accordés servent notamment à financer les initiatives contribuant à la transition énergétique dans les territoires : rénovation énergétique et bâtiments à énergie positive / transports propres / énergies renouvelables. Depuis le 1er août 2014, 5 milliards d’euros sont réservés pour financer à taux avantageux les projets contribuant à la transition énergétique ;
  • Utiliser le fonds chaleur comme levier financier de la transition énergétique :  il soutient le développement de l’utilisation de la biomasse, de la géothermie, du solaire thermique, des énergies de récupération, ainsi que le développement des réseaux de chaleur utilisant ces énergies. Les secteurs concernés sont l’habitat collectif, le tertiaire, l’agriculture et l’industrie, secteurs pour lesquels l’objectif de production supplémentaire de chaleur renouvelable d’ici 2020 représente près de 5,47 millions de tonnes équivalent pétrole (tep), soit plus du quart de l’objectif global fixé à l’horizon 2020 au niveau européen dans le cadre du paquet énergie-climat. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte vise à favoriser la chaleur renouvelable grâce à un soutien financier renforcé et à la priorité donnée au raccordement aux réseaux.
  • Plan de 10 milliards d’euros répartis sur 3 ans (nous y reviendrons).

Cependant, depuis la loi sur la transition énergétique et celle portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTre), toutes les intercommunalités de plus de 20 000 habitants ont désormais l’obligation d’élaborer un plan climat-air-énergie territorial (PCAET). Et les régions doivent quant à elles réaliser un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire (Sraddet). Or, ces nouvelles compétences ne se sont accompagnées d’aucun financement spécifique…

Transfert d’une partie des revenus de la Taxe Carbone ?

Le plan de 10 milliards d’euros répartis sur 3 ans prévu par la loi sur la transition énergétique est jugé bien léger pour de nombreux acteurs locaux (diverses estimations existent tournant autour de 2500 milliards pour l’Europe, d’ici 2050, et de 2500 milliards par an pour le monde), d’autant plus que les baisses de dotations de l’Etat s’amenuisent régulièrement. Le recours à des emprunts ou à du financement participatif n’étant pas une solution pérenne, ne permettant pas un engagement sur du long terme (l’animation des plans climat et des schémas d’aménagement durable nécessite aussi des dépenses d’ingénierie et de fonctionnement sur le terrain), il est nécessaire de trouver d’autres solutions.

Quatre grands réseaux de collectivités (Association des régions de France, Assemblée des communautés de France ou AdCF, France urbaine, Amorce) et le Réseau Action Climat proposent d’utiliser une partie des revenus de la taxe carbone prélevée sur les consommations d’énergie fossile pour soutenir la transition énergétique dans les territoires.

De quoi parle-t-on ? Depuis 2014, une composante de cette taxe, dite « contribution climat-énergie », est prélevée sur les taxes appliquées aux énergies fossiles, les taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques. Cette composante carbone est appelée à augmenter chaque année, selon une trajectoire fixée dans la loi de finance de 2016. Dès lors, affecter une partie des recettes liées à la hausse de cette contribution énergie n’aurait pas une grande incidence sur le budget de l’Etat, celle-ci rapportant entre 1 et 1,5 milliards d’euros chaque année.

La demande de ces 5 groupes et donc qu’un milliard (sur les 5,5 milliards d’euros que devrait générer la contribution climat-énergie en 2017) soit ainsi affecté aux collectivités sous forme de dotation additionnelle pour combler les manques dus aux failles des lois présentées précédemment.

Cette dotation d’un milliard d’euros représenterait 15 euros par habitant et par an. Et elle pourrait être répartie à raison de 10 euros par habitant pour les intercommunalités et de 5 euros par habitant pour les régions. Avec ce mécanisme, une intercommunalité de 20 000 habitants recevrait 200 000 € par an. Une somme non négligeable en période de restriction budgétaire…

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