En Israël, les femmes marchent pour la paix ! Mouvement apolitique et pacifiste, Women Wage Peace milite pour la paix dans le pays.

Oubliées par les manuels d’histoire en France, de nombreuses femmes se sont fortement engagées pour la paix et la fin des combats avant et pendant la Première Guerre Mondiale. La Conférence internationale des femmes socialistes et le Congrès international des femmes à La Haye de 1915, points d’orgue d’un mouvement pacifiste et féministe qui dénotait considérablement dans l’Europe troublée de 14-18, ont des héritières aujourd’hui en Israël : les Women Wage Peace.

La marche blanche pour la paix

Héritières de Bertha von Suttner, prix Nobel de la paix 1905 et fondatrice de la Société autrichienne pour la paix, de nombreuses femmes israéliennes issues de l’ensemble de la société israélienne, toutes religions et ethnies d’origines confondues, ont décidé de se regrouper au sein du mouvement Women Wage Peace avec un but clair : obtenir une relance des négociations de paix.

« Women Wage peace travaille à obtenir un accord de paix viable. Nous réussirons à mettre  l’opportunité d’une résolution diplomatique comme la tâche prioritaire de l’agenda politique car elle est la seule solution qui propose vie et espoir »

Beaucoup ont souffert de l’éternel conflit en Israël et sont convaincues que la voix des femmes, des mères, peut être puissante. C’est ce refus d’un positionnement religieux ou politique qui donne au mouvement une voix universelle, qui dépasse les clivages, une voix qui tranche avec les réguliers discours très sécuritaires.

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La Marche de l’Espoir, des milliers de femmes de l’ensemble de la société israélienne marchent en blanc pour la paix

L’engagement de Women Wage Peace se veut donc un fort message aux dirigeants israéliens, palestiniens ou du reste du monde pour enfin obtenir une paix qui semble lointaine. Une militante explique ainsi que « pendant l’opération Bordure Protectrice [ndlr : opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, qui causa la mort de près de 2 100 Palestiniens et de 73 Israéliens (dont 66 soldats) en cinquante jour en 2014], mon fils était dans l’armée, engagé à Gaza. Tout d’un coup, je me suis senti comme si je n’arrivais plus à respirer. Je n’y arrivais vraiment plus. Heureusement, cette immense douleur a été une sonnette d’alarme pour beaucoup d‘autres femmes. Et aujourd’hui, ensemble, nous essayons de faire changer les choses ».

Convaincues que le respect et la tolérance sont des ciments bien plus solides pour la paix que les armes et la répression, ces milliers de femmes ont organisé la Marche de l’Espoir (« March of Hope ») du 4 au 19 octobre 2016. Débutée de Rosh Hanikra près de la frontière libanaise, théâtre notamment de la guerre libano-israélienne de 2006, la longue marche a été accompagnée de nombreuses rencontres avec des associations ou des élus locaux. En parallèle, des 4 coins d’Israël, dans le monde arabe, Maroc, Jordanie, Tunisie, Egypte…, mais aussi de par le monde comme aux USA, en France ou encore au Mexique, d’autres marches ont été organisées en solidarité. Au terme du périple de 14 jours, la longue procession de milliers de femmes (et d’hommes) vêtues de blanc s’est engagée dans les rues de Jérusalem dans une grande manifestation pour la paix pour s’arrêter en face de la résidence du Premier Ministre Netanyahou.

« J’ai vu personnellement que les hommes savent comment faire la guerre. Maintenant, je me rends compte que nous, les femmes, on peut faire autre chose », une militante Women Wage Peace

Soutenu par des dons privés mais aussi de l’UE ou de la Fondation Heinrich Böll, fort de près de 23 000 bénévoles, le mouvement revendique de porter la voix des femmes tout en refusant un positionnement strictement féministe d’où la participation de beaucoup d’hommes et de garçons. Il se veut inspiré par l’engagement de milliers de femmes au Libéria afin de mettre fin à la guerre civile qui aboutira à la fin du régime de Charles Taylor (reconnu coupable de crimes contre l’Humanité notamment) en 2003.

Un engagement courageux

Cet engagement dénote dans un climat israélien particulièrement tendu, notamment depuis l’arrivée au pouvoir de Benyamin Netanyahou et le sérieux virage vers l’extrême-droite qui a suivi. Alors que la multiplication des colonies israéliennes ces dernières années a soulevé de vives protestations de la communauté internationale, la récente résolution de l’ONU, qui pourrait représenter une frêle lueur d’espoir dans un conflit qui n’en finit pas, pourrait bien avoir encore crispé les débats dans le pays.

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Women Wage Peace, un mouvement sans étiquette religieuse et politique dans un seul but : la paix

Alors que 64 % des israéliens interrogés estimaient en octobre dernier qu’un accord de paix entre les deux peuples n’arrivera jamais, que le processus de paix est au point mort depuis avril 2014 et que 75 % des israéliens interrogés en novembre 2014 étaient opposés à un Etat palestinien sur les frontières proposées en 1967, l’engagement pour la paix entre israéliens, palestiniens et cisjordaniens ne fait pas que des émules.

Il suffit d’observer les commentaires particulièrement agressifs de certains en réponse à un article du Jerusalem Post (ndlr : journal fondé dès 1932 et positionné plutôt centre-gauche) sur le mouvement : « All of these nutty women should be deported to Gaza. They will be happy making peace in Gaza. Ladies go for it » (« toutes ces cinglées devraient être expulsées à Gaza. Elles seront contentes d’essayer d’y faire la paix. Allez-y mesdames »), « These women and male camp followers deserve profound contempt » (« Ces femmes et leurs sympathisants hommes méritent un mépris profond »).
Des réactions extrêmes qui démontrent toute l’importance du mouvement dans l’espoir que le processus de paix renaisse.

Un engagement qui a inspiré une belle chanson Prayer of the Mothers, la Prière des Mères, par l’artiste israélienne Yael Deckelbaum accompagnée de nombreux autres artistes tels que Lubna Salame, Daniel Rubin, Miriam Tukan, etc., chanteurs et chanteuses issus de toutes les religions de la société israélienne. Une ode à la paix, qui tente de faire naître l’espoir d’un dénouement pacifiste.