A chaque pic de pollution, les collectivités réagissent dans l’urgence, les administrés semblent peu informés. Comment améliorer l’action ?

Difficile d’ignorer cet inquiétant constat : les pics de pollution, enjeux majeurs de santé publique, se multiplient. En revanche, le manque de réactivité de beaucoup d’administrés et le désordre découlant régulièrement des mesures prises par les collectivités témoignent des carences dans l’information des populations et dans la cohérence des dispositifs. Comment être encore plus efficace ?

Éduquer et informer

Le constat semble être sans appel : il y a une réelle marge d’amélioration de la communication. Les populations ne sont pas toutes bien informées des risques encourus par ces épisodes de pollution ni des dispositifs mis en place par les collectivités. Pourtant, les informations sont disponibles, oui mais où ? A ce jour, les préfectures ne diffusent pas toutes les informations nécessaires pour communiquer auprès de la population ou n’envoient l’information qu’à une liste restreinte d’abonnés à une newslettre dédiée au climat…autant dire, une cible très mince ! Les collectivités se trouvent désarmées quand il faut diffuser l’information auprès des citoyens.

> Les panneaux lumineux

Si les sites dédiés existent, l’information n’est pas toujours évidente à récupérer et à diffuser. Où communiquer ? En premier lieu, l’affichage sur les panneaux lumineux des communes, ceux des rocades ou sur les autoroutes est essentiel afin de prévenir les principaux concernés d’un pic de pollution, et des éventuelles réductions de vitesse. Alors que limiter les vitesses en centres-villes ne présente que peu d’intérêt, l’Ademe estimait en 2012 qu’une baisse de 10 % de la vitesse maximale permettait de réduire les émissions de polluants jusqu’à 20 %. Ainsi, au-delà de 80-90 km/h, toute diminution de vitesse commence à présenter de réels bénéfices.

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La réduction de la vitesse sur les rocades : assez efficace

> Les réseaux sociaux

En revanche, la diffusion de l’information sur les réseaux sociaux présente une situation paradoxale. La rapidité de la communication, permise par les réseaux sociaux, qui peut être partagée par tous ceux qui le désirent, se heurte à l’obstacle inhérent à Facebook et Twitter : le flot continu d’informations et de contenus divers qui contribuent à noyer l’important message des autorités, n’hésitez pas alors à poster plusieurs fois le message.

> Les médias locaux

La presse est un relais d’information absolument indispensable. Alors que de très nombreux articles sont rédigés à chaque épisode de pollution, il est vivement recommandé de travailler main dans la main avec les médias locaux. La diffusion des informations utiles permettra d’atteindre les citoyens, que cela soit dans des bulletins d’actualités, dans les articles répondant aux inquiétudes des administrés ou encore dans les informations pratiques.

> Les sites dédiés

La diffusion des informations via des sites dédiés pose problème : si les informations y sont on ne peut plus claires et fournies, il est permis de douter que beaucoup de citoyens les consultent et se tiennent vraiment informés. Ainsi, à Paris, lors de la première journée d’entrée en application du dispositif de « circulation différenciée » qui interdisait la circulation à certains véhicules ou à ceux ne disposant pas de vignette City’Air, bon nombre de citoyens ne semblaient tout simplement pas au courant comme le rapporte cet article du Parisien : «  La circulation différenciée ? Je n’en ai jamais entendu parler… C’est quoi ça ? Ça me fait peur, je vais me renseigner », « je ne savais même pas qu’il y avait un pic de pollution aujourd’hui, je ne savais pas que sans ces vignettes je ne pouvais pas rouler ».

Alors, comment faire ? Des sites dédiés tels que atmo-nouvelleaquitaine.org ou www2.prevair.org comportent toutes les données utiles à diffuser et fourmillent d’informations précieuses sur les enjeux de santé, de précautions à prendre, de conseils ou encore d’incitations au covoiturage, aux mobilités douces. N’hésitez pas à partager leurs données sur vos propres sites, souvent consultés par les habitants de vos communes ils sont un idéal relais d’information, mais n’hésitez pas non plus à alimenter les sites des intercommunalités, les réseaux sociaux, les panneaux d’affichages près des écoles, en mairie ou dans tous lieux publics.

> Quel contenu ?

Plus que les informations techniques voire les éléments chimiques que composent les particules fines ce sont les informations pratiques qui concernent les dispositions à prendre lors d’un pic de pollution que recherches les citoyens, telles que :

  • les enjeux de santé : publics vulnérables, la pratique du sport, l’aération des maisons,…
  • les dispositions mises en place par les autorités locales : baisse de la vitesse,…
  • les organisations à mettre en place : covoiturage, télétravail, transport en commun,…

Soutenir avec des solutions applicables rapidement

En cas de pic de pollution, la variable la plus « facile » sur laquelle agir pour les collectivités est le nombre de véhicules polluants en circulation. Or, il ne faut pas non plus entraver complètement les déplacements. Les collectivités doivent donc être armées de solutions applicables rapidement et veiller à ce que des dispositifs alternatifs aux véhicules polluants soient aisément accessibles.

Grenoble, Paris, Lyon… Plusieurs métropoles ont ainsi récemment imposé des mesures de restrictions de circulation afin de limiter le nombre de véhicules en circulation et ont donc fortement incité au covoiturage.

Ainsi, en mars 2014, suite à un épisode de pic de pollution à Paris et à la mise en place d’une circulation alternée, le site de covoiturage BlaBlaCar avait constaté une hausse de 17 % d’annonces pour des trajets dans Paris ou sa proche banlieue quand le site concurrent Carpooling.fr notait une augmentation de près de 42 % sur le même secteur, soit une forte hausse des trajets domicile-travail effectués en covoiturage. Les trajets de la proche banlieue vers Paris ont même augmenté de plus de 157 % en une semaine.

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Il appartient donc aux collectivités de veiller à ce que le covoiturage soit une solution attractive sur son territoire avec, par exemple, la mise en place d’une diffusion d’information auprès des citoyens sur les plateformes existantes, mais aussi par la création d’aires de covoiturages sécurisées et faciles d’accès et surtout en informant régulièrement la population des avantages de cette alternative.

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Collectivités, rendez attractif le covoiturage

Autre solution pour inciter les administrés à ne pas prendre la voiture, doper l’attractivité des transports en commun. Ainsi, à Dunkerque et dans la communauté urbaine d’Arras, le réseau de bus a été rendu gratuit pendant quelques jours fin janvier lors d’un pic de pollution. A Paris, le Syndicat des transports d’Ile-de-France a plutôt opté pour la mise en place d’un « forfait antipollution » dans les transports en commun : un ticket valable toute la journée dans toutes les zones, sur les métros, bus et RER, au prix réduit de 3,80 €. Une solution qui serait, selon le syndicat, quatre fois moins coûteuse qu’une simple gratuité.

> Favoriser l’électrique et les mobilités douces

Au cours du pic de pollution de 2014, le service de partage de véhicules électriques Autolib’ a observé une hausse considérable, de 60 %, des locations à Paris. Les villes peuvent donc anticiper et encourager ces choix de déplacement en facilitant l’accès à des véhicules électriques. Ainsi, à Bordeaux, le nombre de bornes de charge rapide est en hausse constante, venant s’ajoutant à la quarantaine de stations d’autopartage de véhicules électriques installées dans la CUB. En parallèle, la mairie a également commencé à mettre des véhicules électriques à la disposition de ses agents.

> Point sur l’interdiction de brûlage

Le site Atmo-nouvelleaquitaine.org rappelle clairement que le chauffage au bois et le brûlage dans les jardins – incinération de végétaux, papiers, … à ciel ouvert – sont prohibés lors d’un épisode de pic de pollution.
En effet, bien que le bois soit une énergie renouvelable neutre en carbone, selon le ministère de l’environnement, environ 90% des émissions de particules fines du secteur résidentiel sont liées au chauffage expliquant ainsi en partie ces épisodes de pollution survenant en hiver. Il faut donc que les collectivités informent clairement les particuliers et les incitent à remplacer leurs anciens appareils de chauffage à bois par de nouveaux appareils plus performants via notamment des crédits d’impôts.

Début avril 2016, un arrêté est venu permettre d’accélérer la mise en place de dispositifs permettant de lutter contre les pics de pollution. Si cet arrêté donne le pouvoir aux préfets de déclencher certaines mesures bien plus rapidement que par le passé, ses détracteurs soulèvent une faille : il ne permet d’agir qu’une fois que le pic de pollution est constaté, il ne permet pas d’anticiper.

A minima, lors d’un épisode de ce type, les collectivités peuvent rappeler toutes ces interdictions sur tout type de support d’information qui sont à leur disposition : réseaux sociaux, site web, panneaux lumineux, affichage dans les lieux publics, etc.

Anticiper l’avenir, organiser les territoires

Outre le développement de solutions de transports moins polluantes telles que faciliter les solutions de covoiturage, développer des flottes de véhicules propres ou faire l’acquisition de bus peu polluants, les collectivités ont aujourd’hui d’autres leviers d’actions afin de réduire les risques de pic de pollution.

Tout d’abord, il est possible d’inclure les attendus relatifs à la qualité de l’air dans les plans locaux d’urbanisme (PADD, PLU, PLUI) et dans les plans de déplacements urbains (PDU). En effet, la qualité de l’air doit être prise en compte dès l’étape du diagnostic car les choix d’urbanisme sont déterminants pour réduire les impacts en maîtrisant les pollutions à la source et en éloignant les populations de celles-ci. Ainsi, la protection de l’air deviendra une donnée fondamentale dans les documents d’urbanisme.

Ensuite, il est possible d’édicter un PPA, un Plan de Protection de l’Atmosphère. Ceux-ci définissent les objectifs et les mesures qui vont permettre de ramener les concentrations en polluants atmosphériques à un niveau inférieur aux valeurs limites réglementaires. Ils sont destinés aux agglomérations de plus de 250 000 habitants.

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Les collectivités peuvent aujourd’hui édicter plusieurs documents pour anticiper les pics de pollution

Adopté par arrêté préfectoral, le PPA va concerner tous les secteurs émetteurs de polluants atmosphériques : les transports, l’industrie, l’agriculture et le résidentiel. Ses mesures vont être élaborées en concertation avec un grand nombre d’acteurs et la plupart sont portées par les collectivités territoriales. Il s’agira concrètement de, par exemple, la réduction de la vitesse sur certains tronçons d’autoroute ou encore de l’interdiction de feux de forêts dans un périmètre donné.

Enfin, les collectivités vont pouvoir mettre en place un plan climat air énergie. Celui-ci sera d’ailleurs obligatoire en 2018 pour les EPCI de plus de 20 000 habitants. C’est un outil qui va définir « les objectifs stratégiques et opérationnels afin d’atténuer le changement climatique, le combattre efficacement et de s’y adapter, de développer les énergies renouvelables ». A partir d’un diagnostic du territoire, la collectivité va identifier ses priorités et ses objectifs, ainsi qu’un plan d’action, outil opérationnel de coordination de la transition énergétique sur le territoire.

Ainsi, il existe à la fois de nombreuses solutions et de réelles marges d’amélioration des dispositifs actuelles afin d’aider à limiter l’arrivée de futurs pics de pollution. Les collectivités doivent donc anticiper et agir en amont pour ralentir la multiplication de ces épisodes, véritables risques majeurs pour la santé publique.