Echange, rencontres et éducation, ce lieu de pratiques culturales participe à l’animation de la vie sociale locale.
En février dernier, des jardins partagés ont vu le jour à Sainte-Maxime, la plus grande ville de la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez, avec 14.300 habitant.e.s au dernier recensement. Prétexte à l’échange, aux rencontres et à l’éducation, ce lieu de pratiques culturales participe à l’animation de la vie sociale locale. L’association “Je fais ma part” – ex “Colibri 83 Golfe de Saint-Tropez” – est en charge de la gestion et l’animation. Rencontre.
Un principe : faire sa part
“Je fais ma part” est une association issue du mouvement Colibris – Faire sa part, créé en 2007 sous l’impulsion de Pierre Rabhi, encourage toute action promouvant l’éducation à l’écologie et au respect de l’humain. L’origine seule du nom du mouvement suffirait à expliquer dans quelle démarche il s’inscrit. Sur le site officiel, on apprend en effet que le nom provient d’une légende : “un jour, dit la légende, il y eut un immense incendie de forêt. Tous les animaux terrifiés, atterrés, observaient impuissants le désastre. Seul le petit colibri s’activait, allant chercher quelques gouttes avec son bec pour les jeter sur le feu. Après un moment, le tatou, agacé par cette agitation dérisoire, lui dit : “Colibri ! Tu n’es pas fou ? Ce n’est pas avec ces gouttes d’eau que tu vas éteindre le feu !” Et le colibri lui répondit : “Je le sais, mais je fais ma part”. L’association part du principe selon lequel les changements individuels conditionnent la transformation – souhaitable, en termes écologiques et sociaux – de la société.
“On ne peut pas dissocier la démarche environnementale de la démarche sociale dans l’association”, explique Marie Navarro, présidente de “Je fais ma part”. “Pour l’ensemble de nos projets, l’objectif est de dresser un pont entre les univers et entre les personnes, tout environnement confondu, toute classe sociale confondue. Cela permet l’apparition d’un liant proposant à chacun de s’activer et de créer d’autres projets d’avenir pour le Golfe de Saint-Tropez”.
À Sainte-Maxime, le pari fait par l’association et l’équipe municipale est que la transition dans les comportements pouvait – entre autres actions – passer par les jardins partagés. L’équipe de “Je fais ma part” active dans la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez, dont les quatre ans d’existence seront fêtés en septembre prochain, s’assure aujourd’hui du bon fonctionnement de ces jardins, apparus dans le paysage urbain en février dernier.
Jardins partagés : pour quoi faire ?
Le fonctionnement des jardins partagés est relativement simple : 35 parcelles, de 30 à 50 m2, sont attribuées individuellement pour une durée d’un an, à raison d’un euro par mètre carré pour l’année entière. Les parcelles peuvent être exploitées par la personne seule, sa famille, un groupe d’amis… Aujourd’hui, on compte environ 300 jardiniers sur ces terrains. “Le critère principal était de ne pas avoir de terre, et de vouloir absolument cultiver son jardin”, précise Marie Navarro.
Apprentis ou confirmés, les Maximois n’ayant pas la possibilité d’avoir un jardin chez eux peuvent donc venir cultiver leurs propres légumes sur ces parcelles à taille humaine. Des rencontres sont organisées pour apprendre à celles et ceux qui le souhaitent les rouages de la culture de légumes bio, les façons d’optimiser la production, et plus encore : “Le prix du terrain au mètre carré étant très bas, nous sommes obligés de partager l’eau qui est utilisée”, explique la présidente de l’association. “Par conséquent, on fait venir des intervenants qui apprennent aux jardiniers à utiliser l’eau différemment, par exemple en permaculture – même si ce terme est un peu galvaudé, mais c’est pour simplifier”. La pédagogie est donc de mise, et tout le monde apprend non seulement à avoir un jardin qui soit productif très vite, mais aussi à agir de façon responsable vis-à-vis de l’environnement. À moyen terme, ces jardins bénéficieront également à l’éducation des plus petits, puisqu’il est prévu qu’une parcelle soit réservée aux visites scolaires.
Bénéfiques pour l’environnement et enrichissantes pour les riverains qui en jouissent, ces jardins partagés permettent aussi, à leur manière, de relier les personnes entre elles d’une façon originale. Les relations provoquées ici sont en effet différentes des relations tissées dans le monde scolaire, familial ou professionnel, conditionnées par des mécanismes sociaux souvent inévitables. “Ici se retrouvent des gens qui ne se seraient jamais rencontrés ailleurs“, se réjouit Marie Navarro. “Un lien existe entre des gens qui sont d’univers différents. Tous les mois, un apéro est organisé entre tous les jardiniers. Ils s’expliquent mutuellement ce qu’ils ont appris, ce qu’ils ont découvert, et c’est en partie ce qui fait le lien. Chacun y apporte ce qu’il a produit : la dernière fois, on a fait une ratatouille avec les produits qui avaient été plantés par les jardiniers. L’idée est de participer, partager, de ne pas juger, de respecter son voisin. C’est fascinant de voir des gens que rien ne réunit au départ s’accepter et s’entendre aussi bien“.
Ces bienfaits environnementaux et sociaux ne sont pas destinés à rester cantonnés à la fréquentation de ces jardins partagés. En principe, chaque jardinier doit en effet adhérer à l’association ainsi qu’à sa charte : “Les jardins partagés de Sainte-Maxime ne sont pas une association indépendante. Ils sont partie intégrante de l’association“. Autrement dit, l’engagement écologique et humain des Maximois en question a vocation à exister au-delà des seules parcelles.
Une municipalité séduite et impliquée
Depuis sa création, l’association “Je fais ma part”, a rapidement agi de concert avec les municipalités. Beaucoup de maires de la communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez se sont associés à ses idées et à son projet. Les premières collaborations entre l’association et les collectivités ont permis d’identifier les producteurs locaux et d’offrir aux consommateurs des produits bios et locaux. “Pour nos projets en général, l’association fait des enquêtes, et montre la possibilité de faire“, explique la présidente de “Je fais ma part”. Si la décision finale reste à la mairie, l’association possède un rôle d’information et d’expertise.
Tout au long du projet des jardins partagés, de son lancement à sa stabilisation, les relations avec la municipalité ont été essentielles, témoigne Marie Navarro. “Nous avons d’abord fait la proposition à la mairie. Cela s’est fait sous forme de réunions et de rencontres pendant lesquelles nous expliquions l’importance de ces jardins pour la commune. Nous avons également repéré les terrains qui étaient appropriés. Puis la mairie nous a aidés à construire le lieu. Comme le terrain n’était pas suffisamment structuré et très cabossé par endroits, la mairie a amendé le terrain, c’est à dire qu’elle a fait en sorte que tout soit mis en état pour qu’on puisse produire normalement. Elle a aussi installé des grillages pour fermer le terrain, car il y a beaucoup de sangliers“. Et la mairie est restée présente par la suite : “Pour que chacun puisse voir sa consommation d’eau, on a installé des compteurs indépendants sur chaque terrain. L’année prochaine, on compte aussi acheter une serre pour que les jardiniers puissent reproduire leurs semences. Il y a donc des petits investissements à faire. La mairie, pour nous aider, a proposé de nous subventionner à hauteur de 3.000 euros“.
La communauté de communes du Golfe de Saint-Tropez, quant à elle, fournit le compost et les composteurs gratuitement. Cela n’empêche pas l’association de rester autonome dans la gestion des parcelles, et il est par exemple prévu pour l’année prochaine d’obtenir des tarifs préférentiels sur l’achat des graines en les achetant en commun avec tous les jardiniers.
La présidente de “Je fais ma part” est, en attendant, consciente du rôle joué par les élu.e.s dans cette initiative : “Nous devons remercier tous les élus locaux qui très vite se sont rendus compte de l’urgence de la situation et de l’importance de l’existence de notre association. Nous leurs sommes reconnaissants de nous ouvrir les portes, car ça nous permet de faire ce que nous avons à faire”.
À l’avenir, l’objectif pour l’association est d’obtenir d’autres terrains, dans d’autres communes du Golfe. “On espère avoir d’autres propositions. La priorité, c’est d’avoir des terrains qui soient disponibles, et sur le Golfe de Saint-Tropez, autant dire qu’il n’y a plus grand-chose“. Le partage des sols semble en effet soumis à des dynamiques touristiques qui font préférer la construction immobilière à la préservation des espaces naturels pourtant à l’origine de l’attractivité territoriale. “Si des touristes du monde entier viennent ici, c’est parce qu’il y a des collines protégées, une mer protégée, c’est parce que beaucoup d’actions sont menées pour protéger l’environnement“, considère Marie Navarro. “Nous tentons de mettre en garde contre les périls qui menacent ces espaces protégés. A Sainte-Maxime, une zone industrielle a été créée. De notre côté, nous tentons de contrebalancer cela“.
Aussi important soit l’enjeu, les jardins partagés de Sainte-Maxime, en popularisant des pratiques culturales respectueuses de l’environnement, en encourageant le lien social entre des personnes venues d’horizons sociaux différents et en participant à la réappropriation des espaces urbains par les habitant.e.s, séduisent celles et ceux qui souhaitent faire leur part.