Au Canada, la sous-représentation des femmes en politique reste forte, le groupe Femmes, Politique et Démocratie lutte pour la parité.

Alors qu’en France, les différentes lois sur la parité en politique ont – plus ou moins – amélioré la représentation des femmes dans le milieu politique, au Québec, aucune loi n’impose cette parité. De fait, le nombre de femmes en politique reste limité. C’est là le cheval de bataille du Groupe Femmes, Politique et Démocratie.

Entretien avec Gaëtane Corriveau, politologue et formatrice, chargée de projets et de développement, Femmes et gouvernance et membre du groupe.

La situation des femmes politiques québécoises 

Le droit de vote y a été accordé aux femmes 4 ans avant la France, il a cependant fallu attendre 21 ans avant qu’une première femme députée soit élue. Puis c’est 40 ans plus tard que leur nombre a dépassé les 20%. Aujourd’hui, ce sont plus d’une centaine de pays qui ont adopté des lois et des initiatives concrètes pour atteindre la parité en politique. Le Quebec lui n’a cependant pas de loi sur l’égalité femmes / hommes et occupe le 50e rang en matière de représentation féminine dans les parlements.

Une situation d’inégalité qui est répandue dans toutes les strates décisionnelles politiques : « dans les instances tant municipales, provinciales que fédérales, on constate une sous-représentation des femmes. Au Québec, Nous avons toujours que 17,3 % de mairesses [sic] donc il y a toujours beaucoup de travail à faire étant donné que nous sommes plus de 50 % de la population ».

Cette inégalité génère bien évidemment une forte frustration : « au niveau municipal, nous avons 32 % de conseillères et lorsqu’on arrive au niveau provincial, on arrive à 28 % de représentation féminine chez les députés. Au niveau fédéral, on est à 28 % aussi. Nous avons le droit de vote depuis 1940 la progression est extrêmement lente. Nous avons subi malheureusement des reculs et des années de stagnation ».

« Comme on sait que la parité en politique n’adviendra pas naturellement, qu’il faut poser des gestes [sic], la démarche En marche vers la parité est un de ces gestes forts que le groupe entend faire dans ce chemin vers la parité », Gaëtane Corriveau.

C’est ainsi que la députée Karine Vallières a déposé un mandat d’initiative à l’Assemblée Nationale pour demander que soit initié le chantier vers davantage de parité pour les instances politiques. La vigilance est de mise : très attentif à ce qui se passe en France, le groupe réclame des obligations de parité à tous les échelons de la vie politique (exécutifs, décisionnels, désignations des candidats…).

« Aujourd’hui, il y a un momentum [sic], la parité est réclamée par plusieurs secteurs : culturel, affaires… Les femmes nous soutiennent et sont actives car elles voient qu’au sein de leurs instances, la parité est loin, loin d’être atteinte », Gaëtane Corriveau.

Le combat pour la parité continue

Evénement phare du groupe, la démarche En marche vers la parité a été initié il y a un an, c’est un événement qui fait référence à l’histoire des suffragettes québécoises. Leur combat, « c’est ce qui a inspiré les membres de notre conseil d’administration et de l’équipe ». L’action En marche vers la parité est donc une action en référence « à toutes celles qui nous ont précédées, qui pendant 14 ans à partir des années 1926 jusqu’en 1940 faisaient une sorte de pèlerinage à Québec, au Parlement [ndlr : un monument y a d’ailleurs été érigé en hommage aux suffragettes] derrière lequel elles remettaient un projet de loi entre les mains de différents députés, année après année, pour demander que les femmes aient accès au droit de vote et d’éligibilité ».

Un long combat finalement couronné de succès : « au bout de 14 ans, grâce à leur ténacité et leur détermination, nous avons, au Québec, obtenu le droit de vote. Nous leur devons énormément, et c’est en hommage à leur action que nous souhaitons faire ce geste fort. D’année en année, tant que nous n’aurons pas la parité en politique dans toutes les instances décisionnelles, tant politiques qu’administratifs ».

 « Nous réclamons une loi contraignante pour atteindre la parité au niveau politique, tant au Québec qu’à l’Assemblée Nationale », Gaëtane Corriveau.

C’est pourquoi l’action En marche vers la parité a été créée l’an dernier, action co-présidée par l’ex-Première Ministre Pauline Marois qui, avec l’ex-Premier Ministre Jean Charest, « ont été les premiers alliés, les premiers à soutenir cet événement ».

En parallèle, avait été mise en ligne une déclaration reprenant les engagements portés par la démarche En marche vers la parité, « nous invitions tous les citoyens et citoyennes à la signer », les deux anciens Premiers Ministres précités et différentes personnalités l’avaient également signée. Une simple loi n’est pas réclamée, c’est bien un véritable chantier qui est demandé par le groupe, un chantier réunissant l’ensemble des acteurs de la vie politique afin de pouvoir améliorer la situation en profondeur, qu’une loi sur la parité ne soit pas aussi faiblement efficace qu’en France. Il est important « de réfléchir ensemble aux différentes options, aux différentes mesures ».

Pilier structurant des actions engagées, l’idéal démocratique est au centre des actions du groupe, « la démocratie représentative mais aussi la démocratie participative et délibérative ». Le combat sur le front de la démocratie représentative est fondamental afin de pallier « au déficit démocratique de la sous-représentation des femmes dans toutes les instances de pouvoir ». Nation relativement jeune, au Canada, « il n’y pas encore une culture de la participation », c’est pourquoi le volet démocratie participative est présent dans les formatons. Progressivement, « les citoyens et les citoyennes comprennent le rôle qu’ils ont à jouer dans la démocratie […] on essaye de maintenir de façon très dynamique le rôle du citoyen et de la citoyenne ».

La force du groupe est d’aussi pouvoir compter comme soutiens et/ou intervenants sur des universitaires ou des élu(e)s ou ex-élu(e)s qui amènent toute leur expertise et leur expérience, « ce sont des personnes qui connaissent ce dont elles parlent, elles ont cette expertise politique ou dans le domaine [concerné] ».

Un combat qui passe par une meilleure formation

A l’instar de bon nombre de femmes politiques françaises, les élues ou candidates canadiennes témoignent d’un vrai besoin de formations pour pouvoir mieux lutter. C’est pourquoi le Groupe Femmes, Politique et Démocratie, comme Elueslocales, propose toute une batterie de formations à l’intention des femmes politiques canadiennes désireuses d’avoir de meilleures armes dans leur lutte.

« La mission du groupe, c’est d’éduquer, promouvoir et soutenir », Gaëtane Corriveau.

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Essayant de coller au plus près du calendrier électoral, le calendrier des formations est fait de façon à pouvoir préparer au mieux les candidates aux joutes électorales mais aussi à leurs futurs mandats. Afin de les former au mieux, le groupe propose des formations abordant de nombreuses facettes de la vie politique, « afin de coller au mieux à leurs besoins » :

  • Planifier sa campagne et communiquer efficacement : acquisition des outils d’organisation et de communication nécessaires au succès de sa campagne électorale ;
  • Créer son espace d’influence avec tact et confiance : exploration des savoir-être et des savoir-faire qui permettent d’augmenter d’un cran ou plus son tact et sa confiance dans ses rapports aux autres et ainsi obtenir des gains avec respect et satisfaction ;
  • Lecture politique d’un budget : « bien des femmes disent trouver aride le langage comptable et l’analyse des chiffres, laissant ainsi à d’autres le choix de priorités budgétaires. Or pas besoin d’être une experte pour saisir les grands enjeux d’un budget. Il faut avant tout en comprendre la structure et se familiariser avec son vocabulaire » ;
  • Interface entre la politique et l’administratif : cette formation vise à sensibiliser les participantes à la nécessaire conciliation de la logique politique (qui anime les politiciens) et de la logique administrative (incarnée par les fonctionnaires) ;
  • Décoder la rhétorique visuelle des données (graphiques) : bien souvent rapports, bilans ou budgets sont présentés via de nombreux graphiques, il est donc important de savoir décoder ces nombreux chiffres et graphiques qui peuvent régulièrement n’être que des écrans de fumées ;
  • etc.

Le groupe propose également des thématiques plus originales, permettant d’avoir une approche différente :

  • Éthique et gouvernance : formation axée sur les règles d’éthique à respecter dans sa gouvernance, « l’aspect éthique est extrêmement important : au Québec, il y a une obligation légale pour les nouveaux élus de suivre une formation en éthique afin de contrer les phénomènes de corruption et de collusion » ;
  • Compétences et féminisme : en partant du combat et des acquis des grandes figures du féminisme, la formation essaye de faire évoluer les mentalités de femmes qui régulièrement doutent que la politique puisse être une carrière envisageable pour elles, de faire acquérir des compétences, des savoir-faire et des savoirs-être ;
  • Les pouvoirs de l’humour : cette formation vise à faire valoir l’emploi stratégique de l’humour dans les communications interpersonnelles et publiques, « c’est un atout intéressant pour se sortir de situations pas très agréables. C’est aussi une carte qui permet déconstruire des stéréotypes » ;
  • Un visage vaut mille mots, à qui j’ai affaire :  la formation permet d’identifier, comprendre et jouer des quatre critères de base sur lesquels l’inconscient des électeurs s’appuie pour juger son interlocuteur ou interlocutrice et d’ainsi adapter son discours ;
  • etc.

Le prix Egalité 2015 était venu récompenser SimulACTIONS, une action de formation qui consiste en des simulations in situ de conseils municipaux précédées de formations, « l’objectif était que 30 % des participantes briguent ensuite des postes électifs [sic] aux élections municipales de 2013 et nous en avons près de 60 % ».

C’était la deuxième fois que le groupe avait remporté ce prix pour les projets de « centres Femmes et Gouvernance » dont les activités visaient à soutenir le développement des compétences et des habiletés des femmes afin qu’elles accèdent plus nombreuses aux postes de pouvoir et d’influence, « c’était des formations intensives sur 4 jours dont la programmation visait à préparer les aspirantes candidates à briguer des postes électifs [sic] tant municipales que provinciales ou fédérales ».

Des succès qui viennent encore alimenter la motivation des femmes engagées dans le mouvement.