A l’occasion de la Journée des Femmes Elues, Laurence Rossignol revient sur ses différents mandats et sa vie de femme politique. Témoignage.
Laurence Rossignol, nommée en février 2016 Ministre de la Famille, de l’Enfance et des Droits des femmes, revient sur son parcours de femme élue. Elle soutient la démarche d’Elueslocales.fr, depuis 2012. A l’occasion de la première édition des Journées Nationales des Femmes Elues, elle revenait sur ses différents mandats et sa vie de femme politique. Témoignage.
On ne doit jamais tout à quelqu’un, ni rien à personne. Mon entrée en politique, je la dois d’abord à moi-même. Elle s’est imposée comme une évidence au fil de mon parcours de militante. Contrairement aux énarques pour qui la politique peut être une option de carrière, je ne l’ai pas choisi. Je suis entrée en politique à 15 ans, et à 18 ans, je n’avais pas idée de devenir un jour sénatrice. Ce sont les causes à défendre qui m’ont amenée là, essentiellement parce que la politique c’est l’endroit où s’exprime la contestation. Quand on met un pied en politique, on finit par ne plus en sortir. Mais je n’oublie pas toutes les rencontres avec des personnes qui m’ont donné envie de continuer, m’ont donné un cadre pour le faire et m’ont permis d’avancer. La politique c’est un sacerdoce individuel dans une aventure collective.
Bien sûr, j’ai failli renoncer de nombreuses fois à poursuivre cette carrière. A chaque fois que j’ai perdu des élections, j’ai pensé à renoncer. C’était trop dur et trop injuste. Ce n’est pas uniquement la qualité du travail accompli qui fait que l’on perd ou que l’on gagne les élections. C’est un concours permanent dans lequel il n’y a qu’un seul vainqueur et être le premier des recalés ne donne rien. Une campagne c’est aussi un investissement énorme qui peut déboucher sur l’humiliation. On parle souvent de gros egos en politique mais combien de blessés pour combien de satisfaits ? Entre la satisfaction narcissique et la blessure d’ego, le rapport est de 1 à 10.
J’apprends tous les jours de la politique. Un responsable politique au niveau parlementaire doit être « multicartes » qu’il s’agisse de discuter de travaux publics, de budget hospitalier ou de réforme de la justice. Il n’y a pas une semaine au cours de laquelle je n’accrois pas ma compétence sur un sujet connu ou nouveau. Un parlementaire doit tout le temps être au courant de tout et au final, le politique peut rarement dire « Je ne sais pas ». En parallèle, on développe un réel savoir-faire relationnel en termes de diplomatie, de négociation, de pédagogie, ou encore d’habileté. Durant ce parcours, j’ai aussi appris sur moi-même, notamment sur le fait que le sentiment d’être seule contre tous ne m’aidait pas à bien travailler. J’en ai donc conclu que j’avais tout intérêt à me détendre et à éviter la paranoïa.
Au-delà du sentiment d’injustice, ce que je déteste dans ce métier c’est l’arrogance des gagnants et son corollaire « Vae victis » (Malheur aux vaincus), même si de ce point de vue il a dû aussi m’arriver d’être détestable ! C’est aussi l’obligation de présence physique dans des moments où il ne se passe rien : Combien d’heures passées, et peut-être perdues, dans ma vie, à faire le pot de fleurs ? Juste parce que les absents se voient parfois plus que les présents. Enfin, que dire de ces réunions interminables où des hommes pérorent et répètent des choses déjà dites 3 fois simplement pour occuper l’espace.
La dépendance à un parti ou à un chef se vit comme toute dépendance à tout cadre qu’il soit conjugal, familial ou social. Il est parfois contraignant mais tellement plus épanouissant que la solitude. Et, contrairement à une idée reçue, c’est l’engagement qui donne la liberté de parole. Cette parole devient bien plus forte et bien plus entendue en faisant de la politique qu’en n’en faisant pas. Même si parfois la politique s’apparente à un « métier de chien », tous ceux qui le pratiquent n’ont aucune envie de faire autre chose.