Face aux nombreuses difficultés, l’école se réinvente et l’innovation pédagogique est encouragée dans chaque collectivité
Confrontés à des difficultés institutionnelles et une crise de résultats soulignée la semaine dernière par les résultats annuels de l’étude internationale PISA, l’Education Nationale cherche à se réinventer à tous les niveaux. À l’école, jamais l’innovation pédagogique n’a été autant encouragée, comme en témoigne l’engouement autour des derniers travaux sur ce sujet. Mais entre une politique nationale centralisée et la réalité locale, pas toujours facile de faire le lien. Quelques collectivités se sont pourtant lancées avec succès dans l’exercice.
Recréer du lien social autour de l’école
A Trébédan, dans les Côtes-d’Armor, une institutrice et son équipe ont réussi à souder le petit village de 400 âmes autour d’une rénovation écologique et artistique de l’école.
Adeptes de la pédagogie Freinet (lire ci-dessous), et dans un contexte économique difficile qui pénalisait l’ambiance dans les salles de classe, les institutrices ont décidé de faire de l’école un nouveau moteur de lien social.
Première étape : une bourse aux plantes et une exposition d’objets anciens ont permis de mettre en valeur les savoir-faire des habitants du village et le patrimoine local, et de faire venir les citoyen.ne.s dans l’école.
Deuxième étape : reconstruire l’école de façon à en faire un nœud de lien social. A l’occasion de travaux de restructuration et d’agrandissement déjà planifiés, l’équipe pédagogique a sollicité l’appui du programme « Nouveaux commanditaires » de la Fondation de France, qui vise à démocratiser l’accès à l’art contemporain. Après avoir convaincu Didier Ibagne, maire de la commune, de l’intérêt du projet, l’équipe pédagogique a fait appel à une designer française, Matali Crasset, qui a conçu des nouveaux espaces plus accueillants, plus ouverts, et plus vivants, grâce à des espaces ouverts à toutes et à tous qui permettent d’ouvrir l’école à l’ensemble de la population.
La nouvelle école accueille désormais une bibliothèque ouverte à tous les habitants après la classe. Les bâtiments sont passifs, chauffés par la présence des enfants. Quant à la cantine, elle se transforme l’après-midi en local associatif, notamment pour le club des retraités.
L’équation financière du projet a également fait la preuve de son réalisme : la rénovation de 1,38 million d’euros a été financée aux deux tiers par des subventions publiques et privées, le dernier tiers faisant l’objet d’un prêt.
Favoriser la coopération plutôt que la compétition
A Mulhouse, la direction du lycée a accepté de faire partie du programme de démocratie participative lancé par la collectivité depuis plusieurs années. Dans le cadre de cette démarche, qui fait appel à la “méthode spiral” mise au point par l’Union Européenne, les élèves ont co-défini ensemble des “indicateurs de bien-être”, qui ont été mis en place une année plus tard, en 2009.
Depuis, le lycée vit au rythme de la participation active de chacun et chacune : la rentrée s’organise autour d’une “Journée de cohésion” qui implique la participation de tous autour de jeux qui marquent le début de l’année scolaire ; la “semaine du coeur”, organisée pendant l’année, a permis aux lycéens de prendre des initiatives et de développer des partenariats avec des associations locales comme les Restos du Coeur ; enfin, la “Journée de paroles”, qui concluait l’année scolaire sur des réflexions autour des projets à venir, s’est transformée en “Journée des talents” associée à un moment festif qui clôture ces actions communes.
Si le programme est mené par la direction du lycée, et notamment par Véronique Goettelmann, proviseure adjointe, le projet s’inscrit dans une liste d’initiatives pilotes lancées par la ville de Mulhouse et qui inclut également le zoo, un hôpital, un quartier…
Autant d’initatives qui échangent entre elles à l’occasion de différentes rencontres sur ces bouleversements démocratiques et ces nouvelles approches de la démocratie et de la citoyenneté.
Entamée au lycée à Mulhouse, cette démarche de participation citoyenne gagne à être appliquée le plus tôt possible, idéalement en primaire! pour que les enfants soient réceptifs à ce message et non aux injonctions compétitives de la réussite scolaire.
Favoriser le travail en groupe
A Bordeaux, au Grand Parc, le collège Clisthène expérimente également de nouvelles façons d’enseigner. Ici, pas d’application de dogmes mais plutôt emprunter à ces nombreux dogmes et principes diverses méthodes et trois axes éducatifs : instaurer un autre rapport au savoir pour éviter le désintérêt, la démotivation et l’échec ; mener une prévention efficace de la violence ; permettre un apprentissage véritable de la démocratie.
Si un tiers des cours est consacré à l’apprentissage des matières traditionnelles (français, maths, histoire-géo…), un deuxième tiers est consacré à des projets interdisciplinaires : différentes disciplines sont abordées au sein de projets qui répondent à des questions communes sur des thématiques comme « L’eau, l’estuaire de la Gironde », « Le traitement des déchets et l’environnement », etc. Un troisième tiers est consacré aux activités sportives ou artistiques qui retrouvent une place plus importante, qu’au sein de l’enseignement traditionnel.
Enfin, instance caractéristique de ce collège expérimental : les tutorats. Par groupes de dix à douze, de la sixième à la troisième, les élèves se réunissent pour l’aide aux devoirs, l’explicitation des savoirs appris, le bilan hebdomadaire sous la responsabilité d’un tuteur de l’équipe éducative.
Mutualisation des savoirs, entraide, coopération entre élèves de niveaux et d’âges différents, travail en groupe, liberté de parole sont le cœur du troisième axe fort du projet Clisthène : apprendre de façon vivante et quotidienne ce qu’est la démocratie.
Repenser les méthodes d’enseignement ?
Ces initiatives locales sont souvent inspirées des méthodologies éducatives élaborées au cours du XXème siècle. Deux d’entre elles notamment reviennent dans les discours des équipes pédagogiques qui innovent :
La pédagogie Montessori
Bénéficiant déjà d’une grandissante médiatisation et popularité, la pédagogie Montessori vise à favoriser la confiance en soi et l’autonomie de l’enfant tout en lui permettant d’évoluer à son propre rythme et dans une certaine liberté.
Comment ? En classe, les enfants sont libres de choisir l’activité qu’ils souhaitent faire parmi celles proposées. L’autodiscipline et l’autocorrection sont encouragées. La pédagogie Montessori met l’accent sur le rythme de l’enfant au cours de l’année et au cours de la journée, de l’activité, etc., et sur l’apprentissage individuel.
Nécessitant davantage de suivi et de matériel qu’une école classique, les écoles Montessori sont souvent coûteuses. Mais ceci n’est pas forcément une fatalité : en convertissant l’école de sa commune à la pédagogie Montessori, l’enseignante et maire de Blanquefort-sur-Briolance, en Lot-et-Garonne a relancé son école menacée par des fermetures de classe. Depuis, le nombre de demandes d’inscription afflue du fait de la réputée efficacité de la méthode d’enseignement…
La pédagogie Freinet
Fondée dans les années 1920 sur « l’expression libre des enfants », l’idée directrice de la pédagogie Freinet est de rendre l’enfant acteur de son apprentissage dans une école tournée vers la formation des citoyens de demain et donc vers la sensibilisation à la démocratie.
Alors que le système éducatif français repose parfois sur la compétition entre les élèves, cette pédagogie est au contraire centrée sur une coopération entre les enfants. Exemple illustratif dans une commune belge utilisant cette pédagogie : un conseil de classe réservé aux enfants a été instauré pour traiter tous les problèmes au fur et à mesure. Une fois ou deux par semaine, les enfants se réunissent avec l’enseignant pour établir les projets de la classe et les évaluer, mais aussi pour analyser le relationnel entre les enfants. Le conseil est le centre du pouvoir et l’enseignant n’occupe qu’un rôle d’encadrant, simplement chargé d’expliquer et de faire respecter les limites des pouvoirs du conseil.
En conclusion : changer l’école, c’est possible !
Alors que l’on accuse souvent le système éducatif français d’être très centralisé et incapable de se réformer, de nombreuses initiatives, théories, idées et expérimentations voient le jour au quotidien dans les collectivités sous l’impulsion d’enseignants passionnés et d’élu.e.s engagé.e.s.