Boire un café pendant que l’on vous répare bénévolement votre aspirateur ou votre lampe, vous semble farfelu ? C’est pourtant la promesse des Repair Cafés, qui ont fait leur apparition…

Boire un café pendant que l’on vous répare bénévolement votre aspirateur ou votre lampe, vous semble farfelu ? C’est pourtant la promesse des Repair Cafés, qui ont fait leur apparition il y a quelques années en France et qui, depuis, fleurissent un peu partout. Quel est donc le principe de ce concept en plein essor ?

Une idée simple qui fait le tour du monde

Le Repair Café vient des Pays-Bas. Créé en 2009 par Martine Postma à Amsterdam, le concept se veut simple : c’est un lieu de convivialité où des adhérents bénévoles réparent les objets que leurs ramènent les “clients”. L’intérêt se veut double ; à la fois social et écologique. Le Repair Café créé du lien social en favorisant des rencontres, des échanges et une entraide entre citoyens tout en permettant de réduire le gaspillage d’objets électroniques. Cela repose sur un principe d’économie circulaire : en permettant de réutiliser des objets, on évite le gaspillage. Pour ces réparations, il n’est pas demandé de paiement mais une contribution est tout de même attendue. Le bénévolat et la gratuité font partie des fondements du Repair Café mais l’expérience se vit pleinement en tant qu’échange, par le fameux principe de don/contre-don.

Le Repair Café s’est très vite développé et le phénomène tend à s’accroître avec les années. On en comptait déjà 700 dans le monde en 2015. Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 1395 Repair Cafés qui sont répertoriés. En France, le premier café est arrivé tardivement, en 2013. Mais il y en avait déjà une trentaine, un an après. Il y en a désormais plus de 170 à ce jour.

Bien que n’importe quel citoyen puisse décider de créer un Repair Café, ce sont bien souvent les communes qui sont à l’initiative de ces projets. Ce qui était d’ailleurs le cas pour le tout premier.

Repair Café
Les Repair Café demandent une participation active : on vient autant pour réparer un objet que pour apprendre à le faire soi-même.

Comment mettre en place un Repair Café ?

Le concept est simple et facile à mettre en place. Il suffit d’un local et de bénévoles pour assurer les réparations. En réalité, le Repair Café se définit davantage comme un événement que comme un lieu. Une fois l’endroit trouvé, des personnes compétentes sont recherchées afin d’assurer différents types de service : bricolage, couture, etc. Les profils des bénévoles sont donc très variés : ce sont des électriciens, des ingénieurs ou des bricoleurs autodidactes. Le tout permet d’avoir un personnel véritablement qualifié sans qu’il ne soit nécessairement professionnel. La mise à disposition de nombreux outils qu’on ne possède pas forcément chez soi est aussi l’une des clés du succès. La demande est souvent très forte et il faut donc anticiper en amont cette mobilisation : beaucoup choisissent d’imposer un service de tickets à l’entrée. Certains Repair Cafés limitent même les réparations à un objet seulement par personne. Et parfois, malgré cela, toutes les demandes ne sont pas satisfaites dans la journée. La régularité de ces Repair Cafés est donc primordial ; les communes en organisent une fois tous les quinze jours, une fois par mois, etc. selon leurs besoins et leurs possibilités.

Pour organiser son propre événement, on peut suivre les conseils de la fondation Repair Café via son site internet. Celle-ci propose un “kit de démarrage” à acheter afin de créer, d’organiser et de promouvoir au mieux son Repair Café. Cette fondation, à but non lucrative et gérée par Martine Postma, l’initiatrice du projet, assure un important réseau et une véritable promotion des Repair Cafés. Tous les ans, elle organise une Semaine internationale du Café Repair. La dernière a eu lieu le mois dernier.

Repair Café
Outre les réparations d’objets, les Café Repair proposent également des ateliers de couture pour rapiécer les vêtements.

Un intérêt social et écologique

Son succès le prouve : l’expérience est bénéfique. Les Repair Cafés sont en constante progression et leur organisation ainsi que leur régularité semblent se maintenir d’année en année. Mais leur implantation et leur évolution dépendent des initiatives locales de la commune, du département ou de la région dans laquelle il se trouve, ce qui entraîne une très forte disparité par endroit. Par exemple, il y a 11 Repair Cafés en Isère, mais seulement deux dans les Bouches-du-Rhône.

Comme nous l’avons vu plus haut, la fréquentation est élevée et la demande parfois supérieure à l’offre. Et si la réussite de la réparation n’est pas assurée, le Repair Café ne veut pas se limiter à ce simple aspect pour déterminer son succès. Bien souvent, on demande à la personne ramenant l’objet de participer à la réparation, ou à tout le moins on lui détaille celle-ci. Cela a une forte valeur pédagogique : on présente le fonctionnement d’un appareil ainsi que les méthodes de réparation. Des ateliers de groupes sont parfois mis en place afin de donner une véritable initiation au bricolage. Et ces ateliers, plus accessibles, permettent de désengorger les stands de réparation des Repair Cafés.

Le partage des compétences est une valeur essentielle. Ainsi, même si l’objet n’est pas réparé, l’expérience apporte toujours quelque chose. Les bricoleurs sont là pour vous conseiller au mieux : on repart au minimum avec un diagnostic, qui nous permet de connaître ce qu’il faut changer, son coût possible et savoir si l’opération est intéressante ou non. Malgré les réticences et les craintes par rapport à une concurrence déloyale auprès des réparateurs professionnels, le Repair Café peut au contraire les aider en réorientant vers eux des usagers. Et l’idée même de concurrence est à relativiser puisque les objets apportés étaient majoritairement destinés à être jetés en premier lieu.

Par cet esprit d’entraide qui se crée, les Repair Cafés assurent un rôle social. Rappelons que c’est un événement de convivialité où des cafés voire des pâtisseries sont proposés. L’intérêt écologique est lui aussi présent bien qu’un peu plus difficile à évaluer, faute de chiffres précis. Mais certaines communes organisent des pesées pour mesurer leur impact. C’est le cas du Repair Café à Nice qui a réparé 354 kilos d’objets pour 355 personnes l’an dernier.

Pour aller plus loin : “Le Smicval Market, la déchetterie qui donne une seconde vie aux objets”

Une lutte contre l’obsolescence programmée

Derrière les Repair Cafés, il y a un enjeu militant, bien souvent revendiqué, en faveur du développement durable et de l’économie circulaire. Cela s’accompagne par une critique de la société d’aujourd’hui devenue beaucoup trop consumériste, au mépris de toute réalité écologique. Réparer des objets permet ainsi de changer notre rapport aux objets, mais aussi de se confronter directement à la question de l’obsolescence programmée.

L’obsolescence programmée, c’est la réduction volontaire de la durée de vie de certains appareils. Des entreprises utiliseraient sciemment des pièces fragiles ou ajouteraient de petits défauts de conception afin de maintenir un renouvellement régulier de la consommation des foyers. C’est aussi le choix d’améliorer sans cesse un modèle pour rendre l’ancien dépassé. Et si la question reste un tabou pour les industriels, elle est une réalité pour bon nombre de personnes. D’ailleurs la création et la réussite des Repair Cafés n’est-elle pas une preuve de cette réalité ? Ils sont su précisément répondre à un besoin qui devait être comblé.

Cet enjeu se retrouve avec la Fondation Repair Café qui a créé, avec d’autres partenaires, l’Open Repair Alliance, afin de promouvoir des “produits mieux réparables”. Ce véritable groupe de pression se bat pour améliorer les normes des appareils électriques et électroniques. L’organisation souhaite, par exemple, que les pièces utilisées soient plus solides, que des pièces de rechange deviennent plus accessibles et abordables ou que les réparations soient facilitées (en limitant l’usage de la colle, en privilégiant des modèles démontables, etc.)

Le Repair Café participe à l’échelle locale à un changement de mentalité, tout en assurant un combat plus global. Beaucoup ont conscience que c’est une lutte très vaste et que leur impact reste limitée. Mais y contribuer, c’est déjà participer au changement et rendre celui-ci possible à une échelle de plus en plus grande. Il ne faut pas oublier qu’en 2009, il n’y avait qu’un Repair Café à Amsterdam. Depuis, le concept a fait le tour du monde.