Pendant 5 ans, Gennevilliers a été le laboratoire d’études sur la place des femmes dans la ville. Grâce à ce travail de recherche, la mairie a pu dresser le bilan…

Pendant 5 ans, Gennevilliers a été le laboratoire d’études sur la place des femmes dans la ville. Grâce à ce travail de recherche, la mairie a pu dresser le bilan de son aménagement urbain.

Un travail de recherche mené par une équipe universitaire

Depuis 2013, Gennevilliers est étudié de très près par une équipe de recherche scientifique afin d’établir un constat sur la place des femmes dans la commune, et de définir les moyens d’action à mettre en œuvre pour améliorer la situation. C’est l’association Les Urbain.e.s, en partenariat étroit avec la mairie de Gennevilliers, qui s’est chargée de cette initiative, intitulée « La ville côté femmes ». L’association, qui a « pour objet de produire et promouvoir la recherche scientifique et citoyenne en études urbaines » a voulu analyser précisément les usages genrés des espaces publics. Plus concrètement, « il s’est agi de conduire une recherche-action participative avec des habitant.es de la ville, des artistes, chacun.e étant expert.e, détenant un savoir à mettre en partage, à égalité, sans hiérarchie. Angélique Dupont et Danielle Grimont sont les premières habitantes à s’engager dans ce travail collectif et sont, avec Corinne Luxembourg, fondatrices de l’association Les Urbain.e.s. »

Ainsi, pendant cinq années, la ville est devenue un laboratoire de recherche sur les pratiques genrées des espaces publics. Les résultats ont fait l’objet d’une journée de tables rondes en octobre dernier.

De nombreuses expériences innovantes

Tout autant que les résultats de l’étude, la méthode employée pour cette recherche est à prendre en considération, tant elle peut servir de modèle pour de futures initiatives identiques. Les Urbain.e.s ont en effet multiplié les expériences avec les habitants dans le but de dresser au mieux le constat de la place des femmes à Gennevilliers. Des démarches classiques, comme les marches exploratoires ont été organisées pour connaître les trajets des femmes dans la ville et définir avec elles les points à améliorer.

Mais l’étude a aussi mené des expériences moins ordinaires, comme les ateliers de cartes mentales, où les habitants étaient invités à dessiner sur une feuille blanche « les trajets évalués comme agréables, désagréables ou ni l’un ni l’autre. » De cette façon, ces cartes mentales « permettent de prendre conscience de représentations d’espace. » Plus d’une centaine ont été réalisées par des habitantes de la commune, mais aussi par des hommes, formant ainsi des éléments pertinents d’analyse sur les déplacements, les évitements, etc. réalisés par la population dans les espaces de Gennevilliers. Autre démarche à souligner, des habitantes ont été prises en photographie dans différents lieux de la ville afin de « rendre visible » leur présence. Pour que les femmes soient visibles dans l’espace public, il faut « qu’elles fassent et prennent leur place ».

Des espaces à privilégier

Parmi les espaces à privilégier, les jardins partagés font l’unanimité : ils sont devenus « des lieux appropriés par de nombreuses habitantes qui fréquentent d’autres lieux. » Ils ont en effet de nombreuses qualités : « Lieux de bien-être, multiplicateurs de liens sociaux, ces lieux permettent la mise en commun de savoir-faire. Ce partage de savoir-faire participe à l’affirmation d’un droit à être dans l’espace public : aux Agnettes par exemple, l’implication dans le jardin a pu se prolonger par une participation aux réunions publiques dans le cadre du projet de renouvellement urbain du quartier. »

En revanche, la nuit est vue comme un facteur d’exclusion, c’est « un espace et un temps fréquemment associé à un sentiment d’insécurité. Il serait communément admis et transmis que la nuit n’est pas un territoire « pour les femmes ». En conséquence, les territoires pratiqués sont relativement réduits. Mais, si certains lieux semblent massivement évités, la pratique de la ville la nuit est également influencée par l’âge, la situation familiale, origine réelle ou supposée, la classe sociale, etc. de la personne. » Et dans le cas de Gennevilliers, le problème est en effet plus général.

Adapter pour les femmes, c’est adapter pour tous

Le principal avantage d’une telle étude, c’est qu’elle profite à tous : une ville adaptée aux femmes, c’est avant tout une ville adaptée à l’ensemble de la population. C’est ce que montre les problématiques liées à la ville de nuit révélées par l’étude, et qui relèvent finalement moins d’une question de sécurité que d’animations nocturnes, comme l’explique Emmanuelle Faure, géographe et membre de l’association, dans Le Parisien : « C’est là-dessus qu’il faudrait mettre l’accent. L’ambiance a changé depuis qu’il y a des terrasses place Jean-Grandel par exemple. Et à part le cinéma d’art et essai et le théâtre qui ne sont pas franchement grand public il n’y a pas de vie nocturne. Le soir, les gens restent chez eux ou vont à Paris. » Ainsi, les constats apportés par cette recherche ouvre des pistes de réflexion qui devraient profiter à l’ensemble de la population. C’est la même chose en ce qui concerne la taille des trottoirs, comme le confirme Emmanuelle Faure : « aménager la voirie, avoir des trottoirs où une poussette ou un fauteuil roulant passe sans problème, est utile à tous. »

Pour la mairie, l’étude permet surtout d’interroger sa politique sur la place des femmes, comme l’explique Anne-Laure Perez, maire adjointe de Gennevilliers, toujours dans Le Parisien : « L’idée est de travailler sur le long-terme sur une ville accessible aux femmes. On a déjà mis cela en pratique. La démarche nous oblige à nous poser des questions. » Grâce à cet immense travail, la mairie sait désormais précisément quoi améliorer en matière d’aménagement de la ville. Gennevilliers est désormais la troisième ville après Paris et Bordeaux à effectuer une telle étude. Mais d’autres communes devraient bientôt suivre leur exemple.