Les politiques publiques locales ont eu la tâche d’inscrire, dans leurs actions, la culture comme condition d’un développement durable stable
Il aurait fallu être présent à Johannesburg, il y a quelques années, pour sentir que quelque chose allait se passer. Il aurait fallu s’inviter parmi les nombreux diplomates, hommes et femmes politiques qui avaient décidé lors de ce Sommet, de décorer d’une toute autre manière l’arbre culturel de l’Humanité. Nous étions en 2002 et sans le savoir, le développement durable, concept vague inspiré d’une volonté de « répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre à leurs propres besoins” (définition du rapport Brundtland de l’ONU de 1987) allait s’enrichir d’un nouveau volet, celui de la culture. Il n’en a pas fallu plus pour que ces deux notions nous inspirent quelques digressions, quelques doutes et quelques critiques aussi. Les politiques publiques locales ont eu la lourde tâche d’inscrire dans leurs actions, la culture au rang des conditions de légitimité d’un développement durable stabilisé.
La culture du développement durable
Le développement durable représente un concept d’intérêt général qui tente de s’intégrer dans un futur conditionné par des actions gérées à coup de projet économique, social, écologique et désormais culturel dans une dimension de justice, de démocratie et de solidarité . S’inscrivant dans cette logique, nous voyons très bien en quoi la culture peut jouer un rôle : elle est en effet à même de devenir l’atout rationnel du développement durable. Elle donne du sens à un émolument conceptuel si peu entendu, si peu admis. Plus spécifiquement, l’accouplement de ces deux concepts véhicule l’idée d’une réappropriation de l’espace politique local au profit des citoyens. En effet la culture relevant du bien commun, il est aisé d’imaginer que la création d’événements artistiques et littéraires redonne une place aux habitants. Cette intégration agira en faveur du développement du territoire. C’est aussi plus généralement l’idée que la culture devient un instrument de politisation du citoyen, à travers la possibilité qui de leur confier des initiatives dans l’espace public.
Le développement durable prend du sens au moment où la culture elle est plausiblement en berne, perdue dans les travers de la société globale inerte. C’est une revanche qui par ailleurs connait de larges limites …
Le développement durable et autres méandres de la culture
Comme le rappelle Jean-Michel Lucas (docteur en sciences économiques) : “la politique culturelle doit devenir une condition du développement durable humain, elle ne doit pas se réduire à une contribution sectorielle à la production matérielle de biens”.
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En clair, la culture telle qu’elle peut être entendue, est un mécanisme conditionné qui vise à légitimer les différentes actions entreprises par les pouvoirs publics ainsi que par les différents opérateurs économiques. Le postulat étant que la culture se dilue, elle meurt en soi sous l’emprise du mécanisme politique qu’est le développement durable. Quand la culture se met au service de l’action politique, elle n’a plus l’autonomie nécessaire au développement d’une créativité intégrale. Donc, finalement la culture n’est plus ce qu’elle était, elle n’a plus cette acuité à se mettre au service des identités locales, elle devient en elle-même une nouvelle identité sociale intégrée au jeu des politiques publiques. Néanmoins, est-ce nécessairement à déplorer ? Rien n’est moins sûr, certainement que l’ordre culturel est créateur d’un dynamisme local, voire d’une stabilité sociale, comblant les territoires des vides installés par l’excès d’écologie, d’économie et de social. Alors nous pourrions souhaiter que soit envisagé un compromis entre une culture autonome et un développement durable enrichi des différentes cultures ….
L’exemple Bèglais : le retour de l’optimisme
Pour aborder des exemples concrets, nous sommes allés à Bègles en périphérie bordelaise.
Comme de nombreuses collectivités françaises, la commune a mis sur pied depuis 8 ans un agenda 21 visant notamment à construire un territoire respectueux des valeurs du développement durable. Il s’agit plus spécifiquement d’établir un espace démocratique appuyé par des mécanismes de participation citoyenne. Différents objectifs sont venus structurer le projet :
- Transparence des décisions politiques locales
- Compréhension de l’action publique
- Vision partagée des enjeux de développement, notamment à travers l’intégration d’une politique culturelle (création de différentes structures telles que le musée de la création Franche, bibliothèque municipale ou encore le centre social et culturel de l’Estey)
Afin d’intégrer la place de la culture, une des expositions Béglaise “réenchanter la ville” présente la commune avec un regard différent : celui des artistes. Sous le prisme de la construction et de la déconstruction, avec le regard différent, l’exposition questionne sur “la réappropriation de la ville par la création” avec une dimension temporelle. Les artistes ont mené un travail sur les codes urbains et sur les normes en se questionnant sur la possibilité de laisser passer l’univers créatif dans la ville et dans le temps via des codes nouveaux d’art but et d’art contemporain notamment. Une réflexion est aussi amené sur la consommation et les déchets qui sont des problématiques majeurs pour les communes, les citoyens et l’environnement de manière générale. Un moyen pour les artistes de laisser les citoyens, les acteurs publics et les acteurs locaux se questionner sur leur emprunte écologique.
Cette exposition alliait deux concepts qui laissent la place à la réflexion et aux échanges. Un exemple parmi tant d’autres qui présente une nouvelle manière de faire de l’art : à la fois avec un regard artistique mais également avec l’envie de placer les hommes et les objets dans un environnement à préserver. Une manière différente d’éduquer au développement durable et de parler d’écologie.