En France comme à l’étranger, l’état d’isolement de bon nombre de grands seniors (une solitude aggravant les sentiments de dépression ainsi que le déclin physique, psychologique et intellectuel) incite aux…
En France comme à l’étranger, l’état d’isolement de bon nombre de grands seniors (une solitude aggravant les sentiments de dépression ainsi que le déclin physique, psychologique et intellectuel) incite aux initiatives pour rompre cette situation. Ainsi, il a bien vite été constaté qu’amener des enfants auprès d’eux et à les côtoyer de façon régulière semble avoir des effets impressionnants, les stimulant.
Si de nombreuses initiatives ponctuelles, éphémères peuvent être trouvables en France, amenant les enfants des crèches, des maternelles ou des primaires (voire des plus âgés) à côtoyer les résidents des maisons de retraites quelques jours par an, bien plus rare sont les crèches intergénérationnelles, et celles-ci manquent de médiatisation.
L’idée est pourtant d’une simplicité enfantine : installer une crèche et/ou une école maternelle et une maison de retraite au sein d’un même établissement !
Entretien avec Marie-Jeanne Galtier, directrice de la crèche A petit pas.
Beaucoup d’activités en commun
A Aspiran, petite commune de 1530 habitants au cœur de l’Hérault, la crèche A petits pas est installée au sein « du même ensemble architectural » qu’un EHPAD, « ça a été réfléchi ensemble, la crèche est à la fois indépendante parce qu’elle a une porte éventuellement si l’on ne veut pas rentrer dans le hall de l’EHPAD (ndlr : ou en cas de maladie contagieuse), mais sinon la plupart des parents traversent une partie du hall de l’EHPAD pour rentrer dans la crèche ».
Une proximité qui permet donc de développer de nombreuses et régulières activités en commun, « chaque semaine, les enfants sont amenés à rencontrer les résidents sur, au moins, 3 ou 4 temps dans la semaine ».
« 2 matinées par semaine, on organise des ateliers en binômes » avec les enfants et les résidents, organisés pour le confort de tous (si l’activité est assise, les enfants portent eux-mêmes des rehausseurs au lieu de l’atelier pour être à la hauteur des personnes âgées), « et là on va faire des activités pâtisseries, peinture, coloriage, raconter une histoire… Tout est prétexte à se rencontrer ».
Bien évidemment, une organisation un peu spécifique est requise étant donné qu’il faut que les populations soient « protégées » : lors des activités, il y a toujours une personne référente des personnes âgées et une personne référente des enfants, « il y a forcément une personne de la crèche et une animatrice de l’EHPAD ». Le travail en équipe est important, « comment on propose aux enfants, comment ça s’organise, puis après on fait un petit bilan de chaque activité » afin de savoir ce qui a bien fonctionné ou non dans les activités proposées.
Si une formation spécifique n’a pas été jugée utile, un œil attentif a néanmoins été porté lors du recrutement « si les gens n’avaient pas un a priori négatif ou s’ils avaient une expérience précédente au niveau de l’intergénérationnel », notamment pour la sélection au poste de formatrice des jeunes enfants.
Un impact impressionnant
Une proximité et des activités en commun qui, outre l’effet de stimulation des personnes âgées, vont aussi véritablement créer des liens entre résidents, enfants et même parents, « chaque enfant a un résident à côté de lui », « certains s’épanouissent vraiment dans cette relation, on a vu des binômes qui fonctionnaient super bien avec des enfants et des résidents ». Ce fonctionnement en binôme tranche fondamentalement avec ce qui peut se faire traditionnellement : alors que les activités se font en groupe d’habitude, dans un fonctionnement en binôme, l’enfant est seul avec une personne âgée « qui n’a que ça à faire » et cela peut avoir des effets spectaculaires : « cet enfant-là que vous pourrez d’habitude voir courir partout dans la crèche, là il va se poser et avoir quelqu’un que pour lui, qui va aller à un autre rythme, ça va complètement changer le comportement de cet enfant. Cette interaction individualisée stimule la personne âgée et apaise l’enfant. Il y a une véritable découverte mutuelle ».
« Il se trouve que des enfants qui ont passés toute l’année à fréquenter les personnes âgées, ils sortent d’ici avec un a priori positif sur les personnes âgées, ils ne sont pas indifférents aux personnes âgées voire ils ont une attirance car ils ont passé de bons moments avec eux. Rien que ça on se dit que ça peut avoir de la valeur parce que peut-être que demain, ces enfants créeront des structures innovantes pour faire se rencontrer des générations »
Bien évidemment, pas de miracle, « c’est un processus long », qui va apporter des résultats sur du long terme, d’où l’importance de ce type de structures en comparaison des activités très éphémères organisées dans bien des territoires. Enfant comme grands seniors, personne n’est forcé de participer aux activités, « certains refusent, d’autres viennent d’abord pour regarder ».
Les enfants rendent le sourire à de nombreux seniors, certains retrouvant tout simplement une raison de vivre grâce à leur présence, « certains seniors sont très stimulés car ça leur tient à cœur ». L’entraide permanente et les activités intergénérationnelles font émerger de façon particulièrement évidente des résultats « gagnants-gagnants », les seniors offrent leçons de vie et profonde expérience, les enfants les aident dans les activités, les stimulent ralentissant de fait les dégâts du temps, des liens se créent entre générations.
Du côté des parents, il y a aussi une certaine satisfaction car eux-mêmes « peuvent avoir des personnes âgées dans leur famille et les enfants ont donc le contact familles. Pour d’autres qui ont de la famille éloignée, c’est le moyen pour que leurs enfants rencontrent des personnes âgées ».
Construire le projet concrètement
Gérée par la Mutualité Française Grand-Sud (organisme privé à but non lucratif) et subventionnée par la Communauté de Communes du Clermontais, des comités de pilotage sont organisés tous les trois mois « où les élu(e)s sont convié(e)s ainsi que les administratifs comme la coordinatrice de la petite enfance qui dépend de la communauté de communes ». L’idée a été portée par le maire du village « qui était administrateur à la Mutualité Française Hérault, et qui souhaitait implanter un EHPAD sur sa commune » mais également conscient « qu’il y avait des besoins niveau crèche sur la communauté de communes (il n’y en avait alors qu’une seule et très remplie) ». S’est donc posée la question : pourquoi ne pas associer la crèche à l’EHPAD ?
Ensuite, la construction du projet a été menée par la Mutualité Française Hérault, la directrice générale et les salariés de l’époque « qui ont travaillés sur ce projet-là, fait une enquête au préalable pour voir si une crèche c’était viable sur cette commune, pour voir si, au niveau de l’EHPAD, il y avait des possibilités puisqu’il y avait un EHPAD qui se restructurait ».
La préparation d’un tel établissement se fait grandement en amont, « il faut la volonté politique et la possibilité de gérer un EHPAD et une crèche en même temps. Il faut travailler avec l’architecte en pensant aux deux populations, il faut que chacun puisse y trouver son compte ». Exemple tout simple, depuis le hall de l’EHPAD, les résidents peuvent voir les enfants jouer dans le hall de la crèche, uniquement séparés par une barrière en bois, ils peuvent donc déjà interagir ensemble, en dehors d’activités planifiées.
Enfin, ne surtout pas oublier les problématiques de santé (et donc les responsabilités juridiques qui pourraient en découler) dans la construction du projet. En effet, en cas de maladies contagieuses voire d’épidémies (de grippe par exemple), il est important de pouvoir protéger les populations les plus fragiles.
Un projet qui aujourd’hui récolte les fruits de cette initiative, « on a un EHPAD qui est vivant et Dieu sait que, normalement, un EHPAD n’est pas un endroit super vivant : la crèche c’est énormément de passages avec les parents qui amènent les enfants le matin, qui viennent parfois les récupérer en milieu de journée… ça fait de la vie au sein de l’EHPAD ».
Autres exemples en France :
- Crèche Les Coccinelles (Lyon) : une des pionnières. Construite dans le même bâtiment que la maison de retraite Les Hibiscus, elle a ouvert ses portes il y a plus de 15 ans maintenant.
- Jardin des Orchidées (Tourcoing) : jardin d’éveil et crèche intergénérationnelle adossés à la maison de retraite Les Orchidées