La canicule de cet été, qui a concerné jusqu’à 66 départements début août, n’a certainement pas épargné les grandes villes, particulièrement touchées par les vagues de chaleur. Nous avons vu…
La canicule de cet été, qui a concerné jusqu’à 66 départements début août, n’a certainement pas épargné les grandes villes, particulièrement touchées par les vagues de chaleur. Nous avons vu dans un précédent article les solutions d’ordre plutôt “curatif” mises en place par les collectivités en l’état actuel des choses. Chose intéressante, il apparaît qu’il est également possible de prévenir ces vagues de chaleur.
Les différences de température entre une ville et sa périphérie confirment l’existence de facteurs exclusivement urbains qui viennent amplifier les phénomènes de chaleur. Selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), les événements météorologiques extrêmes tels que ces vagues de chaleur vont devenir de plus en plus fréquents avec le temps. Au regard de ces conclusions, qui prévoient notamment que dans la deuxième moitié du XXIè siècle, ce type d’épisodes caniculaires aura lieu une année sur deux, il semble impératif que les villes anticipent la surchauffe urbaine via des biais urbanistiques et architecturaux.
La pollution plus importante des villes : constat et explication
En Île-de-France, les différences de température entre Paris intra-muros et sa périphérie ont atteint jusqu’à 8°C. Au-delà de l’inconfort suscité par de telles températures, il ne faut pas négliger les effets sur la santé de ces vagues de chaleur, notamment pour les personnes les plus fragiles, comme les personnes malades, les nourrissons ou les personnes âgées. Comment expliquer ces différences de température ? Au premier abord, c’est sa forte composante en minéraux qui fait que la ville a plus de difficulté que la campagne à se rafraîchir. La hauteur des bâtiments, l’aménagement des rues ainsi que la densité des activités jouent également un rôle. Les zones construites, à l’image des routes, des immeubles, des parkings, sont les plus chaudes ; ainsi, à l’intérieur même de la ville, les différences de types d’occupation du sol sont à l’origine des différences de température.
Schématiquement, on distingue 3 types de facteur qui font de la ville une zone plus vulnérable face à la chaleur. D’abord, la forme urbaine, qui influe sur la vitesse des vents et l’absorption du rayonnement solaire : la rugosité ralentit la vitesse des vents, tandis que la faible ouverture de la forme urbaine vers le ciel accélère l’absorption du rayonnement solaire et ralentit le dégagement de chaleur pendant la nuit. Ensuite, la concentration d’activités humaines, qui exacerbe les émissions de chaleur, comme par exemple l’utilisation des voitures ou de la climatisation. Enfin, le revêtement et la part de végétal : les surfaces imperméables comme le bitume ayant remplacé la végétation, le sol naturel ou l’eau, la chaleur est plus facilement absorbée et l’évaporation est plus lente.
La lutte contre les “îlots de chaleur” s’inscrit dans une stratégie d’adaptation au réchauffement climatique, et doit donner lieu à un diagnostic précis de la surchauffe urbaine, pour cibler les zones sensibles, évaluer les conditions de confort thermique, mais aussi sensibiliser la population et les différents acteurs du territoire pour in fine mobiliser au maximum. A cette fin, l’Agence de l’environnement et de la maîtrise des énergies (ADEME) a publié un rapport présentant les méthodes et les applications territoriales du diagnostic de la surchauffe urbaine, disponible ici.
Quelles solutions ?
Des moyens simples existent déjà qui permettent d’anticiper les épisodes de fortes chaleurs et ainsi de rendre l’expérience urbaine plus confortable, et surtout plus saine. Ces solutions peuvent être mises en place à l’échelle de la ville, mais également à l’échelle du quartier ou de la rue.
Un parc rafraîchissant l’air de 1,5°C, et l’ombrage enlevant 10°C à la température ressentie, une première solution peut consister à augmenter la proportion de surfaces ombragées dans la ville. Concrètement, cela passe par la plantation d’arbres, si tant est qu’ils aient accès à l’eau. Autrement dit, il est nécessaire de repenser le revêtement de manière à ce qu’il soit plus poreux, ou à aménager des tranchées pour qu’elles amènent l’eau à la végétation. Plus globalement, il est important de repenser la forme urbaine dans son ensemble, car la réduction de la température peut passer par la réintroduction de l’eau et de la végétation. Dans les villes les plus denses, autrement dit dans les villes les plus soumises à la pression foncière, la limite première réside dans ces poches de rafraîchissement qui nécessitent de réserver des espaces sur lesquels rien ne soit construit, impliquant un certain courage politique.
Il est également possible de jouer sur l’enveloppe des bâtiments, en réduisant la température de surface des matériaux. Lors d’un épisode de forte chaleur, une toiture foncée peut atteindre 80°C, tandis qu’une toiture claire s’arrête à 45°C. Avec une toiture végétalisée, on passe en dessous des 30°C. La même technique est possible sur les sols ! Si cette solution peut certes sembler grossière ou archaïque, privilégier les couleurs claires peut déjà faire avancer les choses, et c’est d’ailleurs le pari fait, l’année dernière, par la municipalité de Los Angeles, qui a opté pour les “cool pavements” : en revêtant certaines de ses rues d’une peinture blanche grisée moins absorbante, baptisée CoolSeal, la température du sol a pu baisser de 7°C environ.
Prévention et anticipation
L’essentiel, quelle que soit la solution privilégiée, est d’anticiper le plus sérieusement possible les vagues de forte chaleur. Sophie Debergue, ingénieure experte en urbanisme au service organisations urbaines de l’ADEME, insiste : “il est indispensable d’agir le plus en amont possible, via les documents d’urbanisme”, et, à cette fin, de mobiliser l’ensemble des services de la collectivité : voirie, urbanisme, espaces verts, énergie, environnement, eau”[1].
Pour Luce Ponsar, responsable du Plan Climat au Grand Lyon, la démarche d’anticipation est déjà bien entamée sur le terrain : “On voit, avec les aménagements réalisés récemment, que le sujet commence à être intégré dans leurs projets par les architectes, maîtres d’œuvre et entreprises”. La suite doit maintenant consister à relier les acteurs entre eux pour concrétiser les solutions : “c’est à consolider, en travaillant sur l’articulation des différentes solutions entre elles […] Le paysagiste doit collaborer plus étroitement avec le bureau d’études voirie sur la question de l’eau de pluie, par exemple”.
De manière générale, l’étalement des villes couplé à leur densification nécessite de penser le problème des îlots de chaleur plus globalement et d’établir une stratégie à l’échelle du territoire. Cela passe par une planification précise de l’aménagement et des déplacements urbains, que la ville peut réintégrer au sein de ses plans de développement, de restructuration, de revalorisation. Les différents acteurs – entreprises, citadins, élu.e.s – ont aujourd’hui les outils nécessaires pour prévenir les îlots de chaleur. Avant d’avoir à subir de plein fouet les prochains étés, il est donc possible pour les collectivités de plancher dès cet automne sur la meilleure stratégie à adopter, et ainsi de contribuer à l’amélioration de l’environnement et de la santé des riverains.
[1] Ademe & Vous, Le Mag, La Transition Énergétique en Actions (n°117, juillet-août 2018), p.9