En 2016, le Costa Rica a produit 98 % de son électricité grâce aux énergies renouvelables. Dans la même année, le Portugal a réussi avec succès le test de couvrir pendant…
En 2016, le Costa Rica a produit 98 % de son électricité grâce aux énergies renouvelables. Dans la même année, le Portugal a réussi avec succès le test de couvrir pendant 4 jours ses besoins en électricité sans recourir aux énergies fossiles. En France, où en est-on ? L’association d’experts NégaWatt explique dans son « scénario 2017-2050 » que la France pourrait s’affranchir entièrement des énergies fossiles d’ici à 2050. Et cette transition énergétique peut être une belle opportunité d’impulser une dynamique économique.
De nombreux leviers pour les élus locaux
Dans un premier temps, il faut bien comprendre qu’il n’existe pas une recette magique applicable partout, « tous les territoires sont différents donc tout ne va pas se passer de la même manière » nous explique Marc Jedliczka, porte-parole de l’association. Les orientations doivent clairement être adaptées au potentiel du territoire. Cependant, malgré la diversité de ces derniers, « il y a des moyens qui sont utilisables par les élus locaux ».
Premier levier d’action, les dispositions réglementaires dont les Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET), définit par la ministre de l’Environnement Ségolène Royal comme des « outils d’animation du territoire qui définissent les objectifs stratégiques et opérationnels afin d’atténuer le changement climatique, le combattre efficacement et de s’y adapter, de développer les énergies renouvelables et de maîtriser la consommation d’énergie, en cohérence avec les engagements internationaux de la France. Ils intègrent désormais les enjeux de qualité de l’air ».
Ainsi, « la loi de transition énergétique a imposé, aux collectivités de plus de 20 000 habitants, l’obligation de faire des PCAET ». Dès lors, selon Marc Jedliczka, s’opposent deux manières de faire : « un PCAET, cela peut se faire de manière complètement technocratique, on sélectionne un bureau d’étude qui va nous faire de beaux tableaux, de beaux graphiques puis qui ira faire autre chose après. Mais ça peut aussi être l’opportunité de démarrer une vraie stratégie de territoire ».
En parallèle de ces dispositifs obligatoires existent des démarches plus volontaristes tels les TEPOS, territoires à énergie positive. « C’est un peu comme les PCAET. Souvent cela se fait même en même temps mais cela va beaucoup plus loin car ils visent vraiment le 100 % renouvelable en 2050 ». Aidés aujourd’hui par l’Etat et donc soumis aux aléas des prochaines élections, « les résultats dans les TEPOS sont spectaculaires, cela change complètement les rapports entre les acteurs territoriaux ».
Pourquoi cela ? Car ces démarches sont obligatoirement participatives, « ça ne peut pas marcher sans participation, il faut d’abord entraîner les autres élus ce qui n’est pas toujours facile. Il faut ensuite entraîner les entreprises, les artisans, les agriculteurs, les citoyens… sinon ça ne peut pas marcher ». Une démarche participative qui crée un lien fort.
Le succès des TEPOS a conduit à un appel à projet national par Ségolène Royal : les TEP-CV, territoires à énergie positive pour la croissance verte « qui ne s’adressent pas qu’au secteur rural mais aussi aux grandes villes. Elles ont été dotées d’aides, de subventions relativement importantes, entre 500 000 et trois millions d’euros, pour porter des projets de rénovation énergétique, pour faire un travail sur le patrimoine public… ».
De plus, dans les intercommunalités supérieures à 50 000 habitants, le cadre des PCAET est différent : « il y a obligation de constituer un conseil local de développement, qui a été rendu obligatoire par la loi NOTRe. Il sera une sorte de conseil économique et social du territoire ». Ce conseil peut s’imposer comme un vrai « outil de démocratie locale » selon Marc Jedliczka.
Quid de l’action des communes ? Selon lui, l’échelle de la commune est un trop petite : « je plaide pour le regroupement en intercommunalités pour atteindre des échelles suffisantes en termes de moyens disponibles. A mon avis, intercommunalité de 50 000 habitants, c’est l’échelle minimale pour bien travailler sur ces sujets-là ».
Quelques conseils aux élus locaux
Comment bien appréhender les changements sur son territoire ?
Premier conseil : se faire accompagner : « il faut faire un appel d’offres, consulter des prestataires qui vont venir au moins aider à démarrer le processus en faisant un bilan et aussi un diagnostic de potentiel à long terme. Ils pourront aussi aider à bâtir une politique ». Cet organisme va ainsi aider à faire du géomarketing de territoire, étape indispensable. L’accompagnement va aussi consister en une aide pour se poser les bonnes questions : « ça veut dire quoi diagnostic énergétique de notre territoire ? D’où part-on ? Est-ce que l’on est bien d’accord sur ce que l’on consomme en énergie… ». Être accompagné va permettre d’effectuer le mieux possible un bilan, d’identifier le potentiel énergétique de son territoire et de se projeter dans l’avenir.
Nul besoin de rentrer trop dans la technique, « ce n’est pas la peine de compter chaque arbre ou kilowattheure possible. Il ne faut pas trop de chiffres mais des ordres de grandeur : si on fait des économies d’énergie sur les bâtiments ou sur toutes les maisons, cela va diminuer de moitié la consommation de chauffage… Voilà ça c’est bien, ça suffit ».
Marc Jedliczka recommande d’être vigilant au moment de la rédaction du cahier des charges avec le prestataire : « il faut faire attention à la méthode. Il y en a qui vendent de la méthode presse-bouton [sic] avec des logiciels qui font des beaux tableurs mais ça ne sert à rien si on n’a pas entraîné la population derrière soi ».
« il vaut mieux prendre son temps et faire les choses bien et avec les acteurs locaux, que de vouloir aller vite, faire appel à des prestataires extérieurs et que le territoire n’en tire pas les bénéfices attendus », MARC JEDLICZKA, PORTE-PAROLE DE NEGAWATT.
La pédagogie vis-à-vis de la population est absolument fondamentale car la transition énergétique porte une réelle relocalisation de la production de l’énergie. En effet, l’idée est de ne plus faire venir de l’énergie de l’étranger mais de la produire localement. Cet ancrage local est fondamental car le territoire va devenir producteur d’énergie. Il faut donc faire travailler les entreprises locales, favorisant ainsi la création de postes.
Éduquer les parents via leurs enfants
Education des enfants, sensibilisation au développement durable, au tri sélectif et au respect de la Nature à l’école, en TAPs ou dans les accueils de loisirs… Bien des activités sont proposées. Mais quelles sont leur efficacité si, à la maison, on leur montre un exemple inverse ?
Autre alternative : les centrales solaires villageoises. « On va équiper toutes les écoles de la commune de panneaux solaires et on va faire participer les parents qui pourront mettre 5€, 10€, 1 000€ s’ils veulent. La commune peut le faire toute seule mais l’idéal est d’en faire un projet participatif : les enfants peuvent adopter un “panneau” par exemple. Le panneau ne résout pas tout mais, à travers lui, on peut travailler sur les questions de l’énergie et effectuer tout un travail pédagogique et de sensibilisation des parents sur les avantages du solaire ».
Initiative née en Belgique puis importée dans le Nord de la France, on peut aussi évoquer les « Eoliennes des enfants » : les familles des enfants peuvent acheter des parts d’un montant de 250€ d’une éolienne pour leurs enfants qui servira à les sensibiliser aux enjeux climatiques et à l’utilisation rationnelle des énergies renouvelables.
Sortir de la crise par la transition énergétique ?
Il est important de comprendre que, si la transition énergétique semble une contrainte imposée par l’urgence des bouleversements climatiques, elle est aussi une formidable opportunité ! En effet, la transition énergétique peut être un grand projet économique de territoire qui va dépasser le simple projet écologique.
Les idées fourmillent en France, à l’exemple des TEPOS, qui étaient initialement des petites communes rurales qui ont décidé de se lancer toutes seules, fatiguées d’attendre des décisions à l’échelle supérieure. Les territoires engagés se réunissent chaque année afin d’échanger et ainsi apprendre des expériences – réussies ou ratées – des autres, « ils échangent entre élus et entre techniciens des collectivités, ils échangent des savoir-faire ». De plus, les économies dégagées ont souvent permis de créer des postes, des chargés de mission « qui sont souvent des jeunes, bien formés et qui font bouger les collectivités, c’est enthousiasmant ».
La transition énergétique, c’est une démarche d’économie d’énergie mais aussi d’argent. Exemple célèbre, la municipalité de Lorient a créé « il y a plus de 30 ans » un poste original et qui gagnerait à être généralisé : économe de flux. Un ingénieur a été chargé de repérer toutes les économies d’énergies possibles dans la collectivité, « il a dû faire le ménage dans les compteurs qui ne servaient à rien, dans les consommations, juste en rationalisant l’exploitation des bâtiments publics. Les économies d’énergie et donc d’argent ont suffit à rentabiliser son poste ».
Au moment de se lancer dans la production d’énergie, Marc Jedliczka recommande fortement « d’éviter de déléguer à un privé qui va prendre sa marge bénéficiaire. Toutes les maisons qu’il faut renouveler sur un territoire, le potentiel énergétique, je considère cela comme un gisement, un bien commun qui appartient aux habitants. Tout le travail de rénovation, cela fait travailler les entreprises locales, on a une économie locale qui peut se développer autour de ça ».
Le développement de la construction bois et la rénovation énergétique de bâtiments a ainsi permis à une région autrichienne de se relever d’une grave crise du textile et devenir la région la plus riche du pays.
Il est important de garder la main sur cette économie et de travailler au maximum avec les entreprises locales, d’autant plus qu’aujourd’hui « les collectivités ont le droit d’investir dans les SAS, les collectivités vont ainsi pouvoir gagner de l’argent ».
Ainsi, la transition énergétique ne doit pas être vue que comme une contrainte urgente mais bien comme une formidable opportunité d’impulser une forte dynamique économique locale. De plus, à l’échelle nationale, en produisant sa propre électricité, il n’y aura plus besoin d’acheter des matières fossiles (pétrole, uranium) à l’étranger, des dépenses considérables. Cet argent va rester en France et être utilisable pour bien d’autres projets, eux-aussi créateurs d’emplois. Un enjeu dépassant les clivages politiques…
“En 2016, le Costa Rica a fonctionné à 98 % grâce aux énergies renouvelables. Dans la même année, le Portugal a réussi avec succès le test de fonctionner pendant 4 jours intégralement sans énergies fossiles” toujours la même confusion entre énergie et électricité, seule la production d’électricité est renouvelable au Costa Rica et au Portugal mais malheureusement (ou heureusement…) l’électricité ne représente que 25% à 30% de l’énergie consommée dans ces pays (comme en France d’ailleurs), 65% à 75% de l’énergie consommée dans ces deux pays est FOSSILE. Cela est toutefois toujours mieux que la France qui est mal classée au niveau européen loin derrière la Suède, Finlande, Lettonie, Autriche, Danemark. Bien à vous.