Ne pas maîtriser le numérique peut être excluant. A l’aide de chèques culture, APTIC souhaite accompagner les espaces du numérique.

Les outils numériques font désormais partie de la vie quotidienne. Pourtant, beaucoup n’en maîtrisent pas les aspects essentiels et les structures qui proposent de les accompagner sont trop souvent méconnues. APTIC, en reprenant le principe du ticket restaurant, compte relier commanditaires, usagers et acteurs de la médiation culturelle afin de démocratiser la pratique du numérique.

Le numérique, un facteur discriminant ?

Depuis deux décennies, le numérique prend une place de plus en plus importante dans nos sociétés, au point d’être un facteur d’exclusion pour qui ne saurait en connaître ces multiples usages. Dès lors, la maîtrise des outils numériques semble essentiel pour tout citoyen. Gérald Elbaze, gérant de Médias-Cité, une coopérative d’intérêt collectif, s’est longtemps interrogé sur les enjeux de la démocratisation du numérique : « Il y a des services de médiation du numérique qui proposent d’accompagner les citoyens, les organisations des territoires, ou autres, dans leur transition du numérique. Ce sont les espaces publics numériques, les maisons de services publics, les Fablabs, etc. » Malheureusement, ces lieux sont généralement méconnus des publics qui pourraient en bénéficier, ou sont alors considérés comme dévalorisant : « On a cherché un moyen pour que les publics éloignés du numérique aient une raison et une motivation pour aller dans ces lieux. » Autre problème, ce sont des lieux qui, en outre, connaissent leur propre difficulté : “L’équilibre économique de ces lieux est régulièrement fragilisé, notamment parce que ceux qui financent ces activités sont parfois eux-mêmes concernés par cette difficulté de maîtrise des outils numériques donc ils ont du mal à comprendre les tenants et les aboutissants. »

C’est avec Medias-Cité, qui dispose d’un statut entrepreneurial qui lui permet de développer des projets d’intérêt collectif, que Gérald Elbaze a trouvé la solution : le chèque culture du numérique.

Un principe inspiré des tickets restaurant

C’est parfois lors de simples circonstances qu’on trouve les meilleures idées, constate Gérald Elbaze : « On faisait ce diagnostic quand on avait nos chèques déjeuners sous les yeux et on s’est demandé si on pouvait adapter ce dispositif à notre problématique. C’est comme ça qu’on a créé les chèques culture du numérique. C’est un outil qu’on va pouvoir distribuer et donc qui permet de cibler les publics les plus éloignés. Ces publics, qu’on appelle les bénéficiaires, voient ce chèque non plus comme une mise en évidence de leur carence, mais au contraire une opportunité ou un droit qu’ils acquièrent, dans la mesure où ce chèque a une valeur. On utilise les codes culturels sociaux des tickets restaurant et en même temps celui bon cadeau, qui fait qu’on va dans une boutique parce qu’on a un bon. Cela permet de ramener du public dans ces lieux, en permettant d’identifier leur offre et leurs services et ainsi de multiplier ce qu’on appelle les commanditaires, qui sont intéressés par un outil de ce type-là pour deux raisons : leur nom est marqué dessus et sur le chèque, il y a un code bar, ce qui permet de tracer les usages. Chaque commanditaire a un tableau de bord qui permet de savoir comment sont utilisés les chèques.

Ainsi les chèques ont un fonctionnement simple : les commanditaires commandent les chèques et les distribuent. Les usagers profitent des services disponibles grâce à un paiement total ou partiel en utilisant ces chèques. Et les acteurs de la médiation culturelle récupèrent un contre-paiement sur la plate-forme d’APTIC en scannant les coupons.

Un large public concerné

Beaucoup de personnes sont concernées par ce problème du numérique. Le principe d’APTIC permet un bien meilleur accompagnement pour les structures qui souhaiteraient aider ces différents publics. Car tous ne sont pas accessibles comme le confirme Gérald Elbaze : « Quand on travaille avec un conseil départemental sur les allocataires du RSA, là on va avoir des stratégies de distribution qui sont assez simples puisqu’on sait quels sont les allocataires. C’est un réseau de distribution évident. Pour d’autres publics plus difficiles, on va s’appuyer sur d’autres types de réseaux de distribution. Pour les décrochages scolaires par exemple, on va travailler avec les missions locales, avec les MJC, avec les travailleurs sociaux, avec tous les lieux ou personnes qui sont en contact avec ces jeunes.” Et pour les cas vraiment spécifiques, comme les migrants ou les personnes souffrant d’illettrisme, il faut un solide réseau : “Autant dire que si un lieu avait dû chercher à transmettre une information par rapport à une telle diversité de publics, le travail de recherche qu’il aurait eu à faire, lieu par lieu, aurait été infiniment plus important. »

Les commanditaires ont le choix : soit ils s’occupent eux-même de la distribution des chèques, c’est le cas standard, soit ils peuvent être accompagnés dans cette démarche.
Et parmi ces commanditaires, il n’y a pas seulement les services de l’état : “On a des clubs d’entreprise et des chambres consulaires qui se sont aperçus que la toute petite TPE avec le ou la secrétaire pouvait avoir des difficultés par rapport aux numériques.” Et la liste s’intensifie : opérateurs, start-up, etc.

A lire aussi notre article sur “les bus culturels” 

Une expérimentation réussie

Le chèque culture du numérique permet de faire le lien entre les commanditaires, les différents publics-cibles et les lieux de la médiation numérique. Et, afin de rassurer les commanditaires, les lieux sont soigneusement sélectionnés et doivent être labellisés APTIC : “On veut une vraie démarche qualité sur les réseaux qualifiés”, explique Gérald Elbaze.

L’offre est importante : il y a un référentiel de plus de 130 services de médiation numérique. L’usager peut donc choisir parmi ces 130 services, à condition que le service soit bien référencé dans son offre. Car l’offre peut aussi être pré-sélectionnée par le commanditaire : “Quand on travaille avec des acteurs particuliers comme Pole Emploi, celui-ci va vouloir impérativement que le service concerne la rédaction d’un CV, par exemple. On a donc instauré la possibilité de flécher, voire de restreindre, certains usages des chèques. Tout ça est parfaitement paramétrable.

Après un lancement réussi en Nouvelle-Aquitaine, APTIC est en voie de généralisation nationale. Gérald Elbaze a de quoi être fier de ce projet : “Aujourd’hui APTIC bénéficie d’une bonne visibilité, puisqu’il a été lauréat, à la fois de la fondation AFNIC mais aussi de l’appel à projet “La France s’engage”. Il est aujourd’hui reconnu”. Dans un avenir proche, il pourrait bénéficier d’une structure propre : “Demain, APTIC sera peut-être une coopérative dédiée qui permettra de rassembler dans une même entité des commanditaires, les bénéficiaires et les lieux de médiation du numérique”.