A Bondy, voilà six mois qu’une nouvelle librairie a vu le jour. Fondée par deux amies, la librairie indépendante se nomme Les 2 GeorgeS !
A Bondy, voilà six mois qu’une nouvelle librairie a vu le jour. Fondée par deux amies, la librairie indépendante Les 2 GeorgeS, pour George Sand et Georges Orwell, casse les clichés sur la banlieue et réintroduit à Bondy, un lieu culturel trop souvent absent de la Seine-Saint-Denis. L’une des libraires, Audrey Neveu, a bien voulu nous présenter cette aventure.
Un pari contre les préjugés sur la banlieue
Clara Da Silva et Audrey Neveu, toutes les deux originaires de Seine-Saint-Denis, ont décidé, il y a quelques temps, de fonder leur propre librairie : « Nous étions employées en librairie et on a voulu créer notre boutique à l’aune de notre caractère. On a vraiment eu envie d’imprégner notre marque dans un lieu qui serait le nôtre », explique Audrey Neveu.
A Bondy, il n’y avait plus de librairie depuis sept années. Un problème qui est fréquent en Seine-Saint-Denis, où la présence de librairies est la plus faible de France par rapport à la densité de sa population, qui compte 1,5 millions d’habitants : « On doit être 15 librairies pour 40 communes dans ce département : on a encore énormément de communes qui n’ont pas de librairie. Je trouve cela dommage car je considère qu’on n’a pas à devoir prendre les transports pour acheter un livre. »
Car les clichés persistent, alors que pour les deux amies, c’est une évidence : en banlieue, on lit aussi ! « C’est devenu quelque chose de militant d’ouvrir une librairie à Bondy » déclarait Clara Da Silva lors de leur passage à La Grande Librairie. En effet, la mauvaise image de la banlieue a posé quelques soucis, comme l’évoque Audrey Neveu : « une banque qui adorait notre projet a fini par refuser à cause de Bondy. » Finalement, « on s’est moins battues pour monter le projet que contre les préjugés sur le 93 en général et sur Bondy en particulier. Il y a malheureusement un décalage entre la réalité et sa représentation médiatique.»
Le soutien actif de la mairie
Avant Bondy, les deux amies prévoyaient de s’installer dans une autre commune : « On a cherché d’abord à s’implanter à Bobigny mais on a vu que ça n’allait pas être possible donc on a prospecté ailleurs. » Ce qui a fait la différence en faveur de la ville de Bondy, c’est l’enthousiasme de la mairie : « On a senti qu’il y allait avoir un vrai échange entre les personnes en place et nous et c’est ce qui nous a confirmé dans l’idée de s’implanter ici. Cela ne s’est pas démenti depuis, bien au contraire. »
Audrey Neveu en donne un exemple récent : « Chaque année, lors de la journée des droits des femmes, la mairie offrait une rose au personnel municipal, homme et femme. Cette année, ils ont décidé d’offrir un livre et ils ont commandé chez nous. Pour nous, ça représente beaucoup : ce sont des gestes comme ça qui nous confortent dans l’idée qu’il y a un vrai soutien. Ils montrent qu’ils ne nous laissent pas seules. »
Une librairie généraliste, « gentiment engagée »
La librairie se veut généraliste, indique Audrey Neveu : « Il y a dix mille références sur place. On a toutes les nouveautés et on travaille avec des représentants. On a des mangas, un espace polar, un joli espace littérature, on a beaucoup d’essais, on a un coin bande dessinée, jeunesse, adulte et un tout petit peu de comics ; pas beaucoup parce que les gens sont assez pointus là-dessus donc on préfère qu’il fasse leur commande. On a aussi un coin jeunesse assez vaste. Et on a mis en place un rayon droit des femmes et études sur les femmes puisque c’est quelque chose qui se développe beaucoup ces dernières années. » Ainsi, le client est sûr de trouver son bonheur : « Nous recevons de tout et on peut commander ce que nous n’avons pas. »
Sur le compte Twitter, Les 2 GeorgeS se présente comme une : « librairie généraliste indépendante de caractère ». Audrey Neveu le confirme : « Nous sommes gentiment engagées. On fait valoir nos points de vue mais avec bienveillance. Toutes les librairies sont plus ou moins engagées ; chaque gérant fait valoir son état d’esprit. » Cependant, les deux amies essaient d’éviter de trop se spécialiser : « On est une librairie unique dans cette ville donc on a quand même un devoir de généralité. »
Un lieu d’échanges et de rencontres pour tous les habitants
Lieu culturel par essence, une librairie indépendante renforce le lien social d’une commune et a donc un rôle majeur à jouer. Audrey Neveu en est parfaitement consciente : « On essaie d’ouvrir notre lieu à tous ». Les 2 GeorgeS organisent régulièrement des événements et des rencontres dans ce but. Ainsi, sont venus Olivier Norek, auteur de polar, qui « attire un public assez large puisque c’est un auteur à succès » et Nathalie Macé, naturopathe qui a co-écrit Le guide familial des plantes médicinales, « qui fait venir une population plus bobos, plus écolos. ». Actuellement, la librairie propose une exposition photographique sur les villages du Portugal. Bientôt, ce sera la revue Nejma, « une revue littéraire, extrêmement pointue, sur les écrivains du Moyen-Orient qui va venir avec deux auteurs incroyables : Abdelkader Djamaï et Abdellah Taïa. » Enfin, le 22 juin ce sera au tour de Jessica Oublié de se rendre aux 2 GeorgeS pour parler de sa « bande dessinée documentaire qui s’appelle Peyi an nou, sur le Bumidom. C’est tout une étude sur cette immigration forcée qui a été mise en place auprès des départements d’Outre-Mer vers la France dans les années 60. » Ainsi, l’ensemble de ces événements fait venir un public large, de tout horizon social et culturel.
Un accueil chaleureux de la part des habitants
La librairie en est à son sixième mois d’existence. L’ouverture a eu lieu le 9 janvier de cette année. Mais déjà, la réussite est au rendez-vous et les retours de la population sont plus qu’encourageants, comme le confirme Audrey Neveu : « L’accueil a été extrêmement positif : dès le début on nous a apporté du thé pendant les travaux et après, quand on a ouvert, on nous a offert des gâteaux. Lors de mon premier samedi, la fille d’un client m’a apporté des chouquettes. Et il n’y a pas un dimanche où je n’ai pas un client qui m’apporte des croissants ou des fleurs. En six mois, je me suis fait plein d’amis ; des gens avec qui j’aime bien discuter et qui viennent trois, quatre fois à la librairie pour faire coucou. C’est assez touchant. L’expérience humaine et incroyable. » Une expérience qu’on souhaite voir perdurer et qui devrait en inspirer bien d’autres.