Le transfert de compétences à l’intercommunalité et la mutualisation des services bouleversent ceux-ci. Se faire accompagner est conseillé
Mutualiser des moyens et services entre les communes et leur intercommunalité nécessite d’anticiper, d’écouter, de repenser l’organisation, de communiquer. La mutualisation des services ne se fait pas sans heurt ni crainte chez les élus, les agents ou même dans les directions. Pour désamorcer ces tensions, plusieurs intercommunalités ont fait appel à un prestataire extérieur neutre qui les a accompagnées tout au long des transferts.
Mutualiser les services, c’est bouleverser
Quand nous avons échangé avec les services des différentes collectivités interrogées, nos interlocuteurs ont fait un retour unanime : le changement des mentalités est indispensable pour une mutualisation réussie. Et cette nouvelle façon de travailler vient bouleverser l’organisation des services.
Se lancer dans une démarche de mutualisation des services, c’est se heurter immédiatement à une première difficulté : celle de s’adapter aux autres. Pascal Fortoul, directeur général des services de la communauté d’agglomération du Pays Voironnais nous l’explique. « Un service va travailler à la fois pour l’intercommunalité et pour la ville-centre, alors que les deux entités ont une culture qui est différente et des process qui le sont également ».
Candice Brotel, directrice générale adjointe Ressources et moyens va plus loin. « Le nouvel organigramme commun – qui n’est pas la fusion de deux organigrammes – doit répondre aux enjeux de deux organismes juridiques différents. Sans compter les gouvernances, les leaders politiques et les directions qui ont aussi d’autres orientations, précise-t-elle. On fusionne les équipes, mais le “haut”, là où sont organisées les politiques, ne l’est pas ».
« La mutualisation, c’est une sorte d’entre-deux. Ce n’est pas une fusion à proprement parler mais pourtant on réunit des services. C’est ce moment de changement qui est parfois assez compliqué à gérer » – Pascal Fortoul.
Mutualiser les services de plusieurs collectivités représente donc « une profonde remise en cause des façons de travailler, mais aussi des choix ou des visions managériales ».
Des remises en cause qui ne sont pas évidentes à surpasser comme l’indique Pascal Fortoul. « Travailler pour deux entités différentes, cela veut dire que le personnel doit avoir la capacité de s’organiser à la fois pour la commune mais aussi pour l’intercommunalité ». Un exercice (intellectuel ?) loin d’être simple.
Les conséquences de la mutualisation réalisée par plusieurs collectivités, comme l’a vécue la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais, se ressentent directement dans les services. Cette situation peut être encadrée et accompagnée pour que la nouvelle organisation puisse se faire correctement.
Gagner en crédibilité pour rassurer et apaiser
Face à ces bouleversements, il est inévitable qu’il y ait « des résistances au changement », souligne Pascal Fortoul. Pourquoi ? « On change les gens de bureau, ils ont un nouvel employeur, on regroupe les services, on transfère certains postes à l’intercommunalité. Candice Brotel explique « il est important de repenser les méthodes de travail, redéfinir les profils de postes pour que tout se passe bien ». « Les changements occasionnent un sentiment de perte de qualité de travail chez certains agents, rajoute Pascal Fortoul. C’est un ressenti que l’on doit écouter et auquel on doit apporter une réponse ».
Anticiper ces probables frictions et réticences a nécessité l’établissement d’un processus d’accompagnement au changement. « Ce dispositif a été organisé avec un chef de projet, un comité de pilotage et un comité technique. Une indispensable commande politique claire portée par l’intercommunalité et les communes, détaille Candice Brotel. Puis on est passé aux phases classiques de définition des orientations, de sondage des agents sur leurs craintes et sur leurs attentes afin essayer d’en faire tomber au maximum. ».
Pour opérer au mieux ce difficile travail de mutualisation des services, la Communauté d’Agglomération du Pays Voironnais a fait appel aux compétences des équipes du cabinet KPMG. Une expertise « rassurante pour tous, car cette démarche [de mutualisation] était nouvelle pour les élus et pour nous » nous explique Candice Brotel.
Externaliser une partie des missions a permis une libération de la parole des agents. « Nous avions besoin de créer un nouveau dialogue. KPMG a donc créé des questionnaires individuels et une méthodologie pour recevoir puis échanger avec les agents en interne. Des choses simples mais qui nous auraient demandé beaucoup trop de travail si nous avions dû l’assumer seuls » explique Candice Brotel. Un apport également perçu par les directeurs de service qui ont pu « faire passer des messages aux élus plus facilement que par un échange direct avec eux, rajoute Pascal Fortoul. Le relais de KPMG a donné de la crédibilité à toutes ces actions, dont nous avions besoin ».
Les services d’un interlocuteur neutre permettent de désamorcer les inévitables frictions ou réticences que génèrent la mutualisation des services. Candice Brotel estime que « la commande politique exige de faire des économies alors qu’il y a moins de personnel… C’est donc mieux d’avoir un [interlocuteur] externe qui vient objectiver les éléments, apporter à la fois de la méthode mais aussi du recul. Cela donne de la crédibilité à l’analyse, tant vis-à-vis des élus que vis-à-vis du personnel ».
Assumer la mutualisation des services et les tâches quotidiennes : une adéquation quasi impossible
Selon Candice Brotel, la mutualisation des services ne va pas avoir un impact sur la réduction des déficits publics car « aujourd’hui, toutes les collectivités sont déjà obligées de se rassembler et de rationaliser avec la baisse des dotations de l’Etat ». En revanche, elle a un vrai effet qualitatif car le prestataire extérieur a permis de soulager les services d’une charge de travail, devenant ainsi plus efficaces. « Nous avions besoin d’externaliser, d’avoir un autre regard pour progresser dans la méthodologie et le dialogue, justifie Candice Brotel. D’autant plus dans un contexte où une grosse charge de travail devait être assumée par un seul chef de projet – ce qui ne suffit pas ».
« Nous avons estimé qu’il y avait une charge de travail que nous ne pouvions pas assumer. Il fallait donc l’externaliser » – Pascal Fortoul
La Ville de Voiron a donc mutualisé trois services stratégiques avec l’intercommunalité : les ressources humaines, les finances et le service informatique. « La volonté politique et l’acceptation des directions générales des collectivités concernées ont permis de s’engager dans le processus » certifie Pascal Fortoul, mais il est très clair que l’apport de KPMG a permis d’aller plus vite et de « gagner sur le plan qualitatif ».
Candice Brotel estime, à son tour, que l’apport du cabinet s’est fait ressentir « sur l’aspect calendaire car, avec un prestataire extérieur, la ressource externe est facile à mobiliser ». S’il est difficile d’évaluer le temps gagné, Pascal Fortoul évoque un atout très précis : « avec une autre solution, la mutualisation aurait été effective au 1er janvier 2018 alors que dans ce cas, elle l’était au 1er janvier 2017 ». Un gain de temps conséquent.
La réorganisation des services est une étape obligatoire pour beaucoup de communes et d’intercommunalités. Certaines collectivités ont donc préféré se faire accompagner pour anticiper les risques et organiser le changement avec plus de prudence. Investir sur le présent, c’est souvent gagner pour l’avenir.
Cet article a été rédigé en partenariat avec KPMG.