La crise de confiance entre les citoyens et leurs représentants qui se ressent à tous les échelons de la vie politique est aujourd’hui l’un des principaux enjeux des élus. Beaucoup…

La crise de confiance entre les citoyens et leurs représentants qui se ressent à tous les échelons de la vie politique est aujourd’hui l’un des principaux enjeux des élus. Beaucoup sont encore très réticents à donner la parole à leurs administrés. Pourtant, tous ceux qui se sont engagés dans des initiatives de démocratie participative en sont ravis. La troisième lauréate de notre concours de la meilleure initiative locale est un parfait exemple d’une démocratie participative réussie.

Une démocratie participative qui répond à des besoins réels

A Saint-Grégoire, juste à côté de Rennes, ont été lancées des commissions extra-municipales ouvertes à tous par candidatures spontanées. Le but ? Créer de la concertation sur les projets municipaux. Laetitia Remoissenet, adjointe en charge de l’administration générale, nous précise que celles-ci datent déjà du mandat précédent et sont fondées sur un constat humble : « pendant le premier mandat, nous étions tous nouveaux en tant qu’élus et nous sommes rendus compte que nous n’avions qu’une vision partielle des problématiques de la commune ».

Au cours des deux premières années de ce mandat, des discussions informelles autour de divers projets menés par la municipalité ont permis à l’équipe municipale de se rendre compte que « des idées intéressantes pouvaient remonter en consultant les citoyens sur un certain nombre de projets que nous avions commencé, notamment concernant des équipements sportifs, par rapport à l’aménagement, à l’implantation… ».

L’idée a donc germé d’institutionnaliser cette consultation des citoyens pour répondre à ce besoin « d’avoir des remontées des habitants, de comment ils voyaient la ville dans 15, 20, 30 ans ». Il a donc été décidé « d’impliquer davantage les administrés au sein de la commune sur des projets phares ou qui vont marquer la commune sur les vingt prochaines années ».

Trois commissions extra-municipales ont ainsi été organisées afin de contribuer au « grand projet de réaménagement du centre-bourg car ces problématiques avaient un impact sur la dynamique » :

  • Une commission sur les transports « car nous avions une problématique de fluidité des transports étant dans la première couronne rennaise» ;
  • Une deuxième sur «le cœur de ville car nous avons un projet de réaménagement du cœur de ville » ;
  • Une troisième axée sur les équipements.

De plus, instaurer davantage de démocratie participative répondait à une réelle envie exprimée par les citoyens de pouvoir « contribuer à ces grands projets structurants. Tout le monde ne peut pas s’investir en tant qu’élu pour différentes raisons et ces commissions permettaient d’installer une instance citoyenne qui se réunissait tous les deux mois à peu près, nous explique Laetitia Remoissenet. Cela n’exigeait donc pas un trop lourd engagement et cela permettait de satisfaire ceux qui voulaient s’engager dans la vie locale ».

Un fort engagement indispensable pour surmonter les difficultés

Si la démocratie participative gagne de nombreux partisans ces dernières années, il existe encore beaucoup de réticences de la part d’élus inquiets de devoir abandonner certaines de leurs prérogatives, « qui se demandent alors pourquoi ils sont élus ».

Il faut donc une forte volonté politique pour dépasser ces résistances comme ce fut le cas à Saint-Grégoire. « Le maire était très porteur de ce type d’initiative, de ces concertations, certifie Laetitia Remoissenet. Cela faisait partie de sa campagne électorale et il était donc déjà engagé dans ces démarches de concertation et cela a donc été une continuité ».

Si dépasser les réticences de certains est une première étape, Laetitia Remoissenet a ensuite identifié trois principales difficultés qui vont venir accompagner ces démarches de concertation.

Tout d’abord, le problème de la représentativité est à considérer : « nous avons fait un appel à candidature et avoir une vraie représentation de toute la population que cela soit les commerçants, les retraités, les jeunes mamans, certaines populations…, ce n’est pas facile ». Dès lors, comment faire ? Des « commissions d’investiture équilibrées, composées par la majorité mais aussi la minorité ont tranché et ce moment n’est pas toujours simple à gérer car il y a forcément des déçus, note Laetitia Remoissenet. Mais il faut en passer par là pour être efficace car des réunions à 60, cela ne marche pas ».

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Obtenir des commissions bien représentatives de la population est une gageure mais indispensable à la réussite de la démarche

Faire en sorte que tous puissent avoir un temps de parole à peu près égal est également assez compliqué. Le cabinet Res Publica, spécialisé dans l’animation de la concertation, a apporté son aide en organisant les « élus » de ces commissions en sous-groupes ayant chacun leur rapporteur afin d’empêcher que quelques personnes accaparent la parole, comme cela a pu être le cas lors des premières réunions regrette Laetitia Remoissenet.

Ensuite, vient toute la difficulté de délimiter le périmètre de compétence de la commission car il est important de cadrer clairement les débats afin d’éviter tout éparpillement. Pour régler la question, Laetitia Remoissenet nous explique que le cabinet Res Publica a également aidé sur la question afin « d’éviter de s’éparpiller et de recentrer les débats sur l’objectif de la réunion du jour ». Il est notamment important de clairement expliquer dès le début des débats que le conseil municipal sera le décisionnaire final.

Enfin, Laetitia Remoissenet reconnaît que toute cette démarche de démocratie participative « est assez chronophage. Pour les élus d’une part, mais aussi pour l’administration ». Soulignons d’ailleurs que la démocratie participative est ici créatrice d’emplois car l’organisation, l’énergie et le temps requis pour s’assurer du bon déroulé des réunions a conduit à la création d’un poste à temps plein à Saint-Grégoire. S’assurer du bon transfert des documents, de la présence de tous les participants prévus, que l’information circule bien, etc, « c’est un vrai métier ».

Démocratie participative : un moyen d’améliorer l’action publique

A l’instar de la plupart des collectivités lors de grands projets, la municipalité de Saint-Grégoire avait missionné des cabinets d’études dont les travaux ont permis d’aider les élus dans leur prise de décision mais la démocratie participative apporte d’autres atouts.

D’une part, l’action publique est considérablement améliorée car, surtout pour les petites villes, la marge d’erreur est très limitée nous explique Laetitia Remoissenet. Il est donc essentiel de confronter au maximum les avis des élus, des experts mais aussi des citoyens concernés pour affiner les projets et ainsi répondre au mieux aux différents enjeux.

« Quand on mène des projets de plusieurs millions d’euros d’argent public sur des projets qui vont durer 40-50 ans, on n’a pas le droit de se tromper » – Laetitia Remoissenet

D’autre part, grâce au cabinet Res Publica, toutes les populations ont pu s’exprimer « et cela a vraiment beaucoup enrichi les projets sur des éléments auxquels nous n’aurions pas forcément pensé ou qui ne seraient pas nécessairement ressortis au cours de nos réunions entre élus ». L’adjointe reconnaît qu’avant ces commissions de concertations, en élaborant certains projets « nous étions passés à côté de certains éléments. Le fait de travailler avec l’ensemble de la population permet d’avoir des projets affinés et qui répondent à l’ensemble des besoins ».

« Pour avoir un bon projet, plus il y a de personnes qui contribuent, plus le projet peut être affiné »

Les commissions ont été un tel succès lors du premier mandat qu’elles ont pris du galon lors de l’actuel second mandat. « Cette fois-ci, nous sommes vraiment dans la construction de l’aménagement du centre-ville, décrit Laetitia Remoissenet. Les contributeurs citoyens du premier mandat sont restés sur le projet et contribuent sur quelque chose de beaucoup plus concret aujourd’hui ».

Ainsi, si la démocratie participative peut faire peur à certains élus attachés aux manières traditionnelles de faire de la politique, si « la concertation citoyenne ralentit les projets, ils sont en revanche beaucoup plus aboutis ». Un choix politique est alors à faire.