16 ans après l’institution du principe de parité, les enquêtes démontrent qu’un long travail reste à faire vers l’égalité femme-homme.
17 ans après la loi sur la parité « tendant à favoriser l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » (6 juin 2000), la nécessité de légiférer pour imposer une égalité réelle entre les hommes et les femmes (loi sur l’égalité réelle entre les femmes et les hommes du 4 août 2014) pose clairement une question : n’est-elle pas la preuve d’un constat d’échec pour le principe de parité ? Et si la parité était un concept apathique plutôt qu’une politique efficace ?
« La notion de représentativité est un gouffre »
Le monde politique n’est pas épargné par la difficile intégration des règles de parité. Il semblerait même que la notion porte en elle-même ses propres limites : certains diront que la parité n’a fait que produire l’exact contraire des effets escomptés.
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Un concept qui favorise une discrimination … positive
On retrouve là le problème inhérent au principe de discrimination positive et aux quotas : ils ne feraient que renforcer la fracture, ils ne changent pas le fond, les gens ne sont pas là pour leurs compétences mais parce qu’ils sont noirs, handicapés, femmes…
En souhaitant pallier une insuffisance démocratique, on ne ferait que séparer, discriminer (car le terme est parfaitement justifié : on écarterait alors un homme en raison de son sexe, non de sa moindre compétence par rapport à une femme) et, au final, figer la rupture hommes-femmes dans une relation qui ne peut pas être améliorée sans le secours d’une loi. La parité instituerait deux catégories de citoyens distincts, les hommes et les femmes, les figeant dans leur différence sexuelle alors que l’évolution des mœurs plaidait déjà pour l’indifférenciation des rôles, des métiers et des fonctions.
Elisabeth Badinter prévenait déjà que « la mise en place de la parité hommes/femmes dans les assemblées rompt avec ce premier principe de toute émancipation : le refus d’enfermer les êtres humains dans des distinctions naturelles. Ce faisant, on reconstruit les vieilles barrières entre le monde des femmes et celui des hommes ».
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Un concept qui ne profite même pas aux … femmes élues
Beaucoup de femmes ont l’impression d’être là pour « faire le nombre », pour respecter l’obligation légale de parité. Elles ne seraient pas là pour leur compétence mais juste leur sexe (entraînant également une suspicion permanente chez le public masculin, ce qui risque de saper l’autorité de la femme élue)… En insistant sur la différence sexuelle, la parité finit par l’exacerber.
Françoise Cachin, alors directrice des Musées de France, la voyait comme « humiliante pour les femmes, qui ne sont pas une espèce à protéger », une « fausse bonne idée qui a l’apparence d’aider les femmes, mais les dessert ».
Patricia Barbizet, alors directrice générale d’Artémis estimait de son côté que « si on en déduit qu’il faut contraindre le pays à la parité par la loi, je suis contre, car il s’agit d’un quota. Je ne voudrais pas qu’on me réserve une place, comme si j’étais inapte. Chaque fois qu’une femme sera nommée par ce biais, elle sera la cible d’une suspicion sur ses mérites ».
« LA PARITÉ ME SEMBLE UNE ERREUR STRATÉGIQUE COLOSSALE […]. C’EST COURT. C’EST FRAPPANT. C’EST LA CLEF POUR UN MONDE MERVEILLEUSEMENT ÉGALITAIRE. CELA RELÈVE DE LA PENSÉE MAGIQUE. BREF, L’ÉGALITÉ ARITHMÉTIQUE EST ABSURDE. […] LA VRAIE MIXITÉ NE SE CRISPE PAS À 50-50 : LA PARITÉ EST UN HOCHET. D’AILLEURS, LA VÉRITABLE ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES COMMENCE DANS LES BUANDERIES, DANS LES CUISINES, AU CHEVET DES ENFANTS. ET PAR L’ÉGALITÉ RÉELLE DES SALAIRES », FLORENCE MONTREYNAUD, ÉCRIVAINE (1999).
Au-delà de l’appréhension conceptuelle délicate de la parité, son application réelle au sein des instances politiques locales revêt certaines limites.
« Un partage des places plutôt que du pouvoir »
Dans le courant de l’année 2017, le HCE, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a publié une étude sur l’intégration des règles paritaires au sein des instances politiques, notamment dans les organes exécutifs et parlementaires des collectivités. Les conclusions sont sans appel : les lois de parité ont permis, sous la force légale, un partage des places dans les assemblées au niveau local, mais les femmes restent exclues des fonctions exécutives où réside le pouvoir.
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La parité s’applique seulement sous la contrainte légale
S’agissant des élections régionales, les femmes constituent la moitié des assemblées depuis 2004 et la moitié des bureaux depuis 2010. En 2015, la parité a été confortée.
Les règles en matière de parité ont considérablement évolué depuis la loi de mai 2013 : en effet le mode de scrutin pour les élections départementales a été modifié de manière à ce que chaque canton élise un binôme composé d’une femme et d’un homme. Entre 2011 et 2015, la proportion de conseillères départementales est passée de 13,8 à 15%.
Dans les communes, la situation est là aussi très clairement différente entre celles où il existe des contraintes légales pour une parité sur la liste (communes de plus de 1000 habitants) et celles où les contraintes n’existent pas. Les communes exonérées de toutes contraintes sont au sein de leurs conseillers municipaux composées de pas moins de 65,1% d’hommes.
Ce n’est pas seulement ce rapport parité/contrainte qui est dérangeant. Le rapport fait aussi remarquer que la répartition des délégations au sein des différentes assemblées territoriales, conseils régionaux, départementaux et communaux confondus, reste hiératique : « les femmes héritent de la famille, de la jeunesse, de la petite enfance et de la culture ».
Plus alertant encore, il semble que cette parité déjà fébrile et dont l’existence n’est que coercitive puisse nettement régresser dans les années à venir sous l’impact de la loi NOTRe. En effet, le HCE note que « les fusions d’intercommunalités (induites par la loi susmentionnée) risquent de conduire à un recul de la parité et à une recomposition masculine d’un grand nombre de conseils communautaires et de leurs exécutifs. En effet, la loi NOTRe va induire une nouvelle répartition des sièges entre les communes au sein des conseils communautaires, et de nouvelles nominations, en dehors de toute contrainte financière ».
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Les fonctions exécutives locales ne laissent pas de places aux femmes
En 2017, les hommes représentent 83,3 % des présidents des conseils régionaux et 90,1 % des conseils départementaux. En chiffre toujours, 57 départements sur 101, et 11 régions sur 18, ont un tandem président-1°vice-président exclusivement masculin. A l’inverse cela correspond à 8% de présidentes d’intercommunalité et 16% de femmes maires. Pour les départements seuls 10 femmes occupent la présidence depuis 2015 (entre autres Martine Vassal dans les Bouches-du-Rhône, Valérie Simonet dans la Creuse et Christine Bouquin dans le Doubs).
Pour garantir une meilleure représentation des femmes au sein des organes exécutifs locaux, le Haut Conseil à l’égalité émet quelques recommandations : en ce qui concerne le problème de la nomination d’un président unique, il est suggéré de placer à la tête des exécutifs un « tandem paritaire », un pouvoir local bicéphale en somme.
Plus généralement, la parité dans les instances politiques locales doit être réinventée. Comme le précise le rapport, les élections départementales de 2020 ouvrent à nouveau la réflexion au sujet des modes d’organisation des élections des élus locaux. Certaines pistes sont d’ailleurs déjà envisagées, telles que l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct avec obligation de parité ou encore, lorsqu’une commune doit désigner un nombre pair de conseillers, imposer qu’il y ait autant d’hommes que de femmes.
Les règles de parité semblent finalement s’imposer difficilement dans les instances politiques locales. Le manque de consensus sur un concept souvent trop abstrait et la confrontation aux réalités factuelles politiques, ont délibérément depuis 17 ans fait de la parité, un instrument partiel de progrès social et une pâle copie de l’égalité des sexes.