Vie d’élue – quand le pouvoir aveugle

Le parcours d’une jeune élue en politique locale n’est pas sans embûche car elle se confronte aux réalités du “pouvoir”, et parfois il y a des rencontres dont on se passerait volontiers.

D’une rencontre plutôt sympathique… De la Loi NOTRe aux nouvelles frontières à notre communauté de communes, ce soir de janvier beaucoup de nouveautés. Je rencontre un des nouveaux maires au pouvoir de notre intercommunalité lors des voeux de ma commune, on discute rapidement et je me rappelle qu’il se présente aux législatives. Un échange s’instaure mais sans plus, et, alors que je lui expliquais que ma famille avait des terres dans sa commune, il continue la discussion avec une demande. Visiblement, sa commune est en fort déficit de communication, ma délégation à ce thème lui serait bien utile et mon conseil le bienvenu.

Evidemment j’accepte. Enfant du pays, je suis toujours partante pour apporter mon aide à la valorisation du territoire si tout cela se fait en faveur de l’action locale. Je connais peu le maire en question et, je m’en rends compte, maintenant que j’ai un peu de recul, son empressement à me donner son numéro avait été un peu étonnant. Mais bon, en minorité dans la nouvelle intercommunalité, j’avais tablé cela sur l’envie de se faire des alliés. Je n’aurais peut-être pas dû.

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… à un moment critique

Nous échangeons rapidement pour convenir d’une date. Déjà, ça commençait mal : après avoir décidé d’un jour, il voulait – déjà – s’inviter chez moi avec “une bonne bouteille”. Je remets de la distance en lui donnant rendez-vous dans un café de la commune. Bon, je n’étais pas des plus à l’aise avec cette attitude à ce moment mais je n’y voyais qu’une attitude étrange, rien de plus.

On se retrouve devant le café, qui ne lui plait pas, et il me propose d’aller dans un autre bar, celui d’un restaurant gastronomique dans la commune voisine. Au fond de moi, je riais trouvant cette attitude digne d’un élu qui considère que certains lieux ne sont pas assez biens pour lui, pensant devoir être vu qu’à des adresses guindées, tout ce que je ne suis pas. Nous voilà dans le bar. Notre échange commence : nous parlons des communes, des politiques, des difficultés du mandat…mais pas de communication. Le connaissant très encarté, je me doutais un peu de son envie de me récupérer dans son bataillon pour avoir des relais locaux. Sauf que non. C’était différent.

Après 45 minutes d’échanges, je regarde dans sa direction et le vois avec ses yeux de merlan frit et un sourire très gênant avant qu’il me dise “tu sais, tu me plais beaucoup”.

Et voilà… dans quelle situation t’es tu encore retrouvée ?!

Je remets – une fois encore – de la distance entre lui et moi lui disant, qu’évidemment et sur le ton de la rigolade, je plais à tous les élus, étant très volontaire, toujours à vouloir valoriser le territoire et n’hésitant pas à dire ce que je pense des politiques. Sauf que non, il ne lâche pas le bougre et me dit “non ce n’est pas en tant que conseillère municipale que tu me plais“.

Un blanc. Un grand blanc s’installe.

Avant que je lui dise que ce moment est très gênant. Ce qui l’a bien fait rire. J’hésite à prendre mes affaires et partir en lui lançant le contenu de mon verre à la figure… mais comment je rentre ?

On part et – comme on a co voituré – j’attends – avec beaucoup d’appréhension – qu’il me ramène. Il y a 2km à tout casser entre le bar et là où j’ai laissé ma voiture. 2km. C’est pas long. Et bien si, assez pour que le vieux maire voisin se sente l’autorisation de me caresser les cheveux. Il s’est fait recevoir. Je lui ai dit 10 “non” fermes et d’affilé pour qu’il s’arrête net.

Sauf que là aussi il a continué à rire “il ne faut pas le prendre comme ça ! Tant pis pour moi” Ah bon ? Il faudrait que je sois flattée qu’un vieil élu de deux fois mon âge , marié de surcroit, aussi gênant que dérangeant m’attire dans une fausse réunion de travail pour me draguer allègrement ? Je ne vois pas les choses de cette façon, mais c’est aussi la première fois que ça m’arrive alors je ne sais pas vraiment comment réagir.

L’après rencontre

Je rentre chez moi et j’appelle directement mes premiers soutiens. L’un d’entre eux me dit que, malheureusement ça risque de me ré arriver et qu’il ne faut surtout pas qu’il ait une quelconque emprise sur moi. Tous sont atterrés d’une telle attitude, un de mes collègues élus n’en revient pas et veut faire passer mon témoignage à tous ses contacts… comme il dit “ce vieux pervers cache bien son jeu“.  J’alterne entre frayeur, envie de vengeance, et dégoût. Comme je sais que je vais le revoir, je décide de mettre les points sur les i et lui envoyer un mail de recadrage, non pas pour lui, mais pour moi.

Je me suis sentie agressée par un homme qui pense que son pouvoir le rend séduisant. Mais quelque-chose me révolte encore plus. Ce maire d’une petit commune d’à peine 2000 habitants se permet aujourd’hui d’agir de la sorte. Il est en campagne pour les législatives … quelle sera son attitude s’il accède à ce mandat ? Je ne veux pas être la naïve de la politique et je sais que ça existera encore de nombreuses années, mais il est bien évident que je me battrai pour faire changer tout cela, que la politique ne soit pas un lieu de rencontre mais bien une ambition.

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