En Mauritanie, une ancienne esclave est candidate aux élections du Parlement de son pays, récit du parcours d’Haby Mint Rabah !

En Mauritanie, une ancienne esclave se présente est candidat pour un mandat au Parlement afin de dénoncer la pratique de l’esclavage, encore répandue dans ce pays alors que le gouvernement nie le problème et s’attaque couramment aux abolitionnistes. Mais Haby Mint Rabah est une femme courageuse et engagée, prête à se battre contre un système qui persécute des dizaines de milliers de mauritaniens.

Une ancienne esclave candidate au Parlement

Née esclave, Haby Mint Rabah a été forcée de travailler dès l’âge de cinq ans en tant que domestique et comme main-d’œuvre dans les champs. Ce n’est qu’en 2008, après trente ans d’esclavage, qu’elle est enfin libérée. Pendant ces trois décennies, elle a connu le travail forcé « même si on est enceinte ou qu’on va accoucher » ainsi que les mauvais traitements de la part de ses anciens “maîtres”. Dans un témoignage pour dénoncer l’esclavage, elle décrit l’horreur de son quotidien : « Chaque jour, je m’occupais du troupeau. Chaque nuit, j’étais violée par mon maître. »

Aujourd’hui libre, elle se présente aux élections législatives afin d’être le porte-parole des esclaves, délaissés par le gouvernement qui conteste la réalité du problème : « Le jour de mon entrée au parlement, je défendrai les esclaves, parce que je sais qu’ils existent et qu’ils ont besoin d’aide. Je serai là pour eux. » Mise à une place éligible, son élection serait une véritable première pour le pays : « J’ai soumis ma candidature parce que j’étais une esclave, comme mes parents et les parents de mes parents avant moi. Et je n’ai jamais vu un esclave candidat aux élections ».

L’esclavage toujours pratiqué en Mauritanie

Pour le gouvernement mauritanien, l’esclavage ne représente aujourd’hui qu’un phénomène marginal. L’actuel président de la Mauritanie, Mohammed Ould Abdel Aziz rappelait, dans un discours en 2014, les nombreuses avancées démocratiques menées par son pays : « Nous avons établi une démocratie, nous nous sommes battus contre la corruption et avons éliminé l’esclavage ». Dans les faits, l’esclavage est effectivement aboli depuis 1981. Et en 2007, une seconde loi a fait de l’esclavage une pratique criminelle.

Mais la réalité semble bien différente et seule une poignée d’esclavagistes a été effectivement condamnée, alors que, selon le Global Slavery Index, 1% de la population serait encore asservie, soit un total de 43.000 esclaves. Le recours aux travailleurs forcés concerne tous les domaines d’activités de la Mauritanie : ce sont des domestiques, des esclaves sexuels, des ouvriers, des travailleurs dans les champs, etc. La pratique est ainsi répandue dans l’ensemble du pays, ville comme campagne. Les esclaves seraient essentiellement composés de la population noire mauritanienne, issue des castes inférieures : les Haratines, les Peuls, les Soninkés et les Wolofs.

Le difficile combat des abolitionnistes

L’engagement d’Haby Mint Rabah en faveur des esclaves est loin d’être un combat sans risque. En effet, Amnesty dénonce la répression du gouvernement contre les mouvements abolitionnistes, souvent interdits ou déclarés hors-la-loi. En Mauritanie, les défenseurs des Droits de l’homme sont victimes de persécutions et fréquemment arrêtés ; 168 arrestations ont été recensées depuis 2014. L’une des figures les plus emblématiques du mouvement et principal opposant au régime, Biram Dah Abeid, proche d’Haby Mint Rabah, a de nouveau été emprisonné pour des motifs fallacieux en ce mois d’août.

Mais le gouvernement n’est pas le seul problème à affronter. En tant qu’ancienne esclave, Haby Mint Rabah veut surtout être un modèle d’espoir, en montrant qu’il est possible d’avoir une vie après l’esclavage. Car ce qui empêche les esclaves de s’émanciper, c’est avant tout la peur de ne pas pouvoir vivre, une fois libérés. On est loin de l’esclave autrefois enchaîné ; la plupart en Mauritanie sont en réalité parfaitement libres de leur mouvement. Mais le sentiment de dépendance envers leurs maîtres est très fort. Haby Mint Rabh s’en souvient et sa décision de partir n’a pas été chose aisée : « Au début, ça a été très dur pour moi de quitter mes maîtres car je n’avais pas d’autres horizons pour comprendre que je pouvais vivre sans eux. »

Une élection stratégique en vue des présidentielles

Les élections législatives du 1er et du 15 septembre font être décisives. Pour la première fois, l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), la principale organisation contre l’esclavage en Mauritanie, dont font partie Haby Mint Rabh et Biram Dah Abeid est désormais reconnue et peut officiellement présenter des candidats. La stratégie du désormais parti politique est audacieuse : en nommant à des postes éligibles Haby Mint Rabh, pour représenter la cause des esclaves, mais aussi Adama Sy, veuve d’un militaire victime d’épuration ethnique, l’IRA fait le choix du renouvellement politique et met en avant de nouvelles figures féminines aptes à représenter les minorités persécutées du pays. Haby Mint Rabh souhaite aussi dénoncer les violences sexuelles dont sont victimes les femmes-esclaves : le viol étant pratiqué comme punition par bon nombre de maîtres.

Ces législatives sont la première étape pour l’IRA qui a les présidentielles de 2019 en ligne de mire. En 2014, Biram Dah Abeid s’était présenté sans succès lors des élections très contestées qui avait vu la réélection avec plus de 80 % de voix de Mohammed Ould Abdel Aziz. Mais l’ancien général, au pouvoir depuis son coup d’état en 2008, a annoncé qu’il ne se représenterait pas, laissant ainsi quelques espoirs au mouvement d’opposition. Cependant, la récente arrestation de Biram Dah Abeid montre que le jeu démocratique n’est toujours pas respecté. Pour lui, comme pour Haby Mint Rabh et Adama Sy, le combat s’annonce rude, mais peu importe les obstacles, leur détermination semble sans faille.