Dans ce portrait croisé de plusieurs femmes élues en région, focus sur leur parcours en politique et sur leur engagement pour l’égalité !
Isabelle Briquet et Julie Lenfant sont toutes deux élues en Haute-Vienne, l’une depuis bientôt 30 ans, l’autre depuis seulement quelques années. A deux voix, elles reviennent sur leurs parcours de femmes politiques. Avant de pouvoir retrouver Isabelle et Julie à nos Journées des Femmes Elues en Région et Nationales, le 1er juin : échanges, confidences et partages d’expérience grâce à un regard croisé sur la place des femmes en politique locale.
Elueslocales.fr : Quel est votre engagement local ?
Isabelle Briquet : Je suis maire du Palais-sur-Vienne depuis 18 ans et conseillère municipale depuis 28 ans. Je suis également conseillère départementale depuis 2004 et vice-présidente de l’agglomération de Limoges depuis sa création en 2003. Mon action est aussi associative puisque j’ai été élue présidente de l’Association des Maires de la Haute-Vienne, un engagement qui m’apporte beaucoup. En effet, j’apprécie vraiment cette passerelle qui permet aux élu.e.s d’être en contact régulier ou encore d’échanger autour d’idées nouvelles.
Julie Lenfant : J’ai été élue maire de Chaptelat en 2014, j’étais conseillère municipale depuis 2008 et je suis également conseillère communautaire.
Elueslocales.fr : Quelle est l’origine de votre engagement et de vos ambitions politiques ?
Julie : Je revendique mon statut de militante, pour moi la politique c’est avant tout des convictions et un militantisme. Je suis issue de la génération qui avait 18 ans en 2002, j’ai eu un véritable déclic après le premier tour des présidentielles. Cette frustration d’être dans la rue en 2002 sans pouvoir agir concrètement pour mon pays, c’est là que j’ai pleinement pris conscience de l’importance de porter un engagement en rejoignant un parti puis en me présentant pour devenir maire en 2014. Je me suis engagée avec cette intention de porter des valeurs et de les défendre.
Isabelle : C’était en 1985, l’année où j’ai passé le bac. Comme pour Julie, c’était pour moi une suite logique à l’envie de faire évoluer les choses et de lutter contre l’injustice. Cela m’est venu très tôt, mon parcours scolaire d’enfant issue d’un foyer ouvrier à laquelle les professeurs ne voulaient rien promettre de plus qu’une orientation technique a beaucoup joué. C’est finalement grâce à mes parents qui m’ont fait confiance et qui se sont battus pour moi que j’ai pu accéder à l’université. C’est cette discrimination sociale vécue dès mon plus jeune âge qui m’a poussée à me dire qu’il fallait faire bouger les choses, à m’engager et à agir concrètement pour que les choses changent.
Elueslocales.fr : Être une femme dans un monde d’hommes en politique, comment le vivez-vous ?
Isabelle : Dans mon parcours, être une femme n’a été ni un obstacle ni une force. A un moment donné c’est l’histoire communale qui a fait les choses : j’étais la personne la plus à même de mener à bien le projet de ma collectivité. J’avais la volonté nécessaire pour le faire. J’ai eu la chance de devenir maire avant la politique des quotas paritaires. Même s’il a fallu que j’apprenne à m’imposer dans un milieu encore très masculin (début 2000), c’est aussi le regard des gens qu’il a fallu apprivoiser. Mais j’ai trouvé ma place rapidement, c’est un peu comme avec les enfants finalement : les collègues testent les limites, leurs interlocuteurs, une fois qu’ils ont compris que j’étais aussi solide qu’eux ça n’a plus posé problème.
Julie : Sans être naïve, je me doutais bien que me présenter du haut de mes 22 ans et en étant une femme pour devenir maire allait me compliquer la tâche. Face aux habitants et aux électeurs on est passé au scanner, il faut rassurer plus rapidement. Au début on me disait souvent : “mais qui prend les décisions au final ? L’ancien maire, le premier adjoint ?”, les habitants se demandaient “quand il faut trancher une décision importante est-ce que ça peut vraiment être elle ?”. J’ai tout entendu au début de mon mandat quand il a fallu que je prenne ma place “Hystérique, trop autoritaire”, les élus et habitants avaient tendance à définir mes réactions de manière péjorative. Ils n’y auraient sans doute jamais pensé si cela avait été un homme à ma place.
Isabelle : Il y a sans doute beaucoup plus d’exigence envers une femme en politique. J’ai constaté que la parité était encore un peu de façade pour les élections mais quand on arrive dans l’exécutif notamment en intercommunalité, échelon dans lequel il y a une majorité écrasante d’hommes c’est là que commence le vrai challenge pour s’imposer. En bref, lorsqu’on est une femme en politique, il faut aller plus vite dans ses capacités à déployer, il faut maîtriser ses dossiers, savoir de quoi on parle.
Elueslocales.fr : Vous répondez aujourd’hui à 2 voix, quels messages souhaitez-vous renvoyer aux élu.e.s qui nous lisent ?
Isabelle : Si nous répondons à 2 voix aujourd’hui c’est pour porter un message simple : la nécessité de défendre la continuité et un engagement politique qui ne faiblit jamais. Et pour cela nous toutes, les femmes élues, avons particulièrement besoin de voir des femmes engagées nous rejoindre. C’est la même énergie qui nous réunit, notre envie de nous investir pleinement pour faire bouger les choses. Témoigner toutes les deux, c’était aussi l’occasion de présenter deux aspects de la vie d’élue : un début de parcours avec Julie et son premier mandat de maire et moi plutôt en “fin de parcours” avec mon 3ème et dernier mandat. Je pense qu’en politique il faut savoir préparer la suite et être capable de passer le relai.
Julie : Il est vrai que cette notion de transmission et de passerelle est très importante pour nous. On ne peut pas aller jusqu’à dire qu’il y a des codes de femme en politique mais il y a bel et bien de l’entraide, une sorte de sororité. J’ai très souvent l’occasion de demander aux autres élues et particulièrement à Isabelle de m’aider à porter ma voix. De manière spontanée, j’ai tendance à me tourner vers les femmes pour trouver des réponses.
Elueslocales.fr : chez Elueslocales.fr nous défendons régulièrement l’importance d’avoir un réseau pour avancer en politique, est-ce dans vos pratiques ?
Isabelle : Le réseau est important, il permet à la fois de se rassurer et d’avancer mais il peut selon la forme qu’il prend devenir très sclérosant. Je pense qu’avoir un bon réseau est toujours utile mais qu’il faut réellement s’y impliquer. Il ne faut pas en attendre de miracle : on ne peut pas faire sans mais il ne faut pas tout en attendre. Il est toujours intéressant de dialoguer, d’échanger, avec le temps on fait le tri dans ce qui est plus ou moins important même au sein des réseaux que l’on fréquente. C’est toujours riche d’enseignement, ça permet de progresser.
Julie : Le réseau oui, mais au service de l’intérêt général ! Je ne conçois pas mon mandat d’élue comme un jeu pour progresser d’échelon en échelon. On n’est pas là pour faire une carrière personnelle. Notre mandat, c’est un engagement à porter constamment et avoir un réseau permet de convaincre dans les temps forts de nos projets. C’est ce qui donne le plus de chance d’être entendu et de défendre ses valeurs.
Isabelle : Finalement, là où quoi qu’il arrive on est capable de décupler les forces, de réseauter et de s’unir c’est pour préserver l’intérêt général. Là, on trouve toujours la solidarité et la meilleure configuration pour avancer ensemble. C’est dans ces cas-là qu’un réseau prend tout son sens.
Elueslocales.fr : Merci à vous deux pour vos réponses !
Pour avoir une action locale et ne pas s’essouffler pendant son mandat, le réseau est primordial. Les femmes engagées s’organisent de plus en plus sous forme de sororités ou mentorat afin de faire émerger de nouveaux profils et se soutenir.