La terre crue est un matériau de construction utilisé depuis des millénaires, et c’est aussi celui le plus répandu à travers le monde. Parfois méconnue et souvent abaissée au rang…
La terre crue est un matériau de construction utilisé depuis des millénaires, et c’est aussi celui le plus répandu à travers le monde. Parfois méconnue et souvent abaissée au rang de matériau médiocre, la terre crue est très rarement exploitée dans la construction en France. Pourtant, elle est une réponse possible aux problématiques environnementales. Grâce au travail d’associations et laboratoires de recherche qui la promeuvent – CRAterre, Asterre… – et à la réceptivité d’un nombre croissant de collectivités qui y voient un outil innovant et tourné vers l’avenir, l’utilisation de la terre crue dans les techniques de construction connaît un essor important.
Pour une construction durable
D’après le Ministère de la transition écologique et solidaire, les activités du BTP ont généré 246 millions de tonnes de déchets en 2012, soit ¾ environ des déchets produits en France. Le secteur est aujourd’hui le deuxième plus gros émetteur de gaz à effet de serre, après l’agriculture. En août 2015, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, adaptation d’une directive européenne, fixait un objectif de 70% de valorisation des déchets du BTP à l’horizon 2020. Trois ans plus tard, on considère que ce pourcentage atteint 50%, ce qui laisse à penser qu’il est nécessaire d’accélérer la cadence.
Or, si la terre n’est pas une ressource renouvelable, elle existe en grande quantité, et surtout, elle est recyclable à l’infini. Penser à sa réutilisation à chaque chantier qui nécessite une extraction est en passe de devenir un réflexe. Le recyclage de la terre excavée représente un enjeu d’autant plus essentiel que les sites de stockage et les anciennes carrières sont saturées.
L’utilisation de la terre crue en construction, dans les diverses formes qu’elle peut prendre, possède de nombreux avantages. Pour présenter les choses brièvement, la construction en terre crue est peu gourmande en énergie, car aucun apport de chaleur n’est nécessaire ; elle permet une bonne isolation acoustique, absorbe l’humidité quand elle est excessive et en rejette quand il en manque – elle aide donc à prévenir, contrairement aux idées reçues, les phénomènes de condensation et de moisissure – ; elle est aussi capable de stocker la chaleur solaire et de la restituer quand la température descend.
Un avenir prometteur ?
Globalement, l’utilisation de la terre crue dans la construction représente donc une potentielle solution à l’un des principaux défis du secteur du bâtiment.
Seulement, elle demande plus de temps à la mise en œuvre que les autres matériaux. Autre inconvénient, les connaissances en la matière sont assez réduites, en raison de la complexité du matériau – notons néanmoins que cette contrainte peut participer à la reterritorialisation de l’architecture : on ne cherche plus quels matériaux utiliser pour réaliser une idée, mais on part du matériau pour concevoir une architecture qui dépende de ses propriétés.
Toujours est-il que son utilisation rencontre un obstacle de taille : l’absence de réglementation. Alors qu’en Allemagne par exemple, il existe des règles professionnelles et des normes sur le matériau, ce qui simplifie la construction, l’utilisation de la terre crue en France reste à bien des égards du domaine de l’expérimentation.
En réponse à cet obstacle, les guides de bonnes pratiques se multiplient et cette documentation de plus en plus fournie permet de crédibiliser ces techniques. Aussi et surtout, les collectivités se saisissent progressivement des enjeux liés à la décarbonation du secteur du bâtiment, et cela se traduit par des projets ambitieux. En Île-de-France, la construction du Grand Paris Express mise sur une extraction d’environ 43 millions de tonnes de terre, et la Société du Grand Paris d’en revaloriser 70%. Dans la foulée, l’aménageur public Grand Paris Aménagement a lancé Cycle-Terre, un projet visant à sensibiliser l’ensemble des acteurs à la réutilisation de la terre extraite, en réutilisant celle issue des travaux de la gare Sevran-Livry. Le projet a plus globalement la prétention de faire émerger une nouvelle filière. A Angers dans le Maine-et-Loire, un autre ensemble de logements est prévu en terre crue, et à Ivry-sur-Seine dans le Val de Marne, c’est un quartier entier qui est programmé.
Les projets se multiplient, et il semble que les collectivités s’intéressent de plus en plus à ces techniques de construction, qui participent à la conception de territoires durables et innovants.