A l’heure de la réforme territoriale et de la multiplication des intercommunalités, les politiques locales et les manières de penser le territoire sont bouleversées. De nombreuses communes, de tailles très…
A l’heure de la réforme territoriale et de la multiplication des intercommunalités, les politiques locales et les manières de penser le territoire sont bouleversées. De nombreuses communes, de tailles très diverses, doivent aujourd’hui transférer des compétences à une entité qui leur est supérieure. Dès lors, une question se pose : comment ces communes peuvent-elles faire pour ne pas perdre leur identité dans ces intercommunalités et pour défendre leurs intérêts dans le cadre du PLUi (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) ?
Entretien avec Romain Gallitre, en charge du pilotage du PLUi du Grand Saint-Emilionnais.
Pourquoi un PLUi ?
Crée en 2011 par les lois Grenelle 1 et Grenelle 2, puis facilité par la loi ALUR grâce au transfert automatique de la compétence PLU aux EPCI, la construction d’un PLUi est aujourd’hui un enjeu important pour les territoires.
En tout premier lieu, c’est « l’outil qui permet d’adapter les politiques locales à l’échelle de vie des habitants dans un territoire », aujourd’hui amenés à régulièrement franchir les frontières des communes pour de multiples raisons. Dès lors, « le PLUi se saisit de ces nouveaux modes de vie pour établir les politiques sectorielles que ce soit d’habitat, en matière de déplacement, de développement économique… C’est l’outil adapté aux nouvelles échelles de vie des habitants d’un territoire ».
Dans un deuxième temps, ce Plan Local d’Urbanisme Intercommunal est une réponse à la réforme territoriale et l’arrivée des plus grandes entités (grandes régions, EPCI…), « aujourd’hui, on va vers des gros territoires, des grosses intercommunalités, des fusions de communes, voire en suspens vers la disparition des petites communes ». Ce PLUi est donc un texte qui va permettre de transposer ces évolutions dans les territoires.
Le travail de construction d’un PLUi, c’est aussi « l’opportunité pour un territoire de se construire une identité propre, un projet de territoire qui lui est propre ». C’est donc un texte qui va aussi permettre de se défendre, de défendre ses valeurs contre de plus grosses institutions au moment de fusion en faisant valoir cette identité forte, ce vécu commun. Il est important de comprendre qu’« une commune toute seule aura terriblement de mal à défendre son projet face aux partenaires, que ce soit l’Etat, la Chambre d’Agriculture, les administrés, les associations de défense diverses et variées… Par contre, si elle est avec une intercommunalité, là la défense de son projet communal aura certainement beaucoup plus de poids ».
Au cas où un quartier, une commune, un territoire serait porteur d’une très forte identité spécifique, demeure la possibilité de la protéger spécialement par le biais des « plans de secteur, qui permettent de vraiment travailler un dispositif réglementaire qui sera particulièrement adapté à un quartier, une petite commune… qui aurait des intérêts très particuliers ».
Comment faire pour entendre tout le monde ?
L’option préconisée afin de respecter une égalité et la prise en compte des voix de chacun est de constituer « un comité de pilotage qui va accueillir un représentant par commune et qui travaille à la définition des grandes orientations intercommunales ». Au moment de « travailler à l’échelle de la parcelle et aux définitions des zones constructibles, on a travaillé de la même manière avec chaque commune : on a reçu chaque commune, les unes après les autres, pour travailler aux zonages. Ainsi, il y a eu un traitement équitable ».
Afin d’obtenir l’adhésion de tous et dépasser les problèmes de chacun : « première étape », proposer un vrai projet de territoire, « comment un ensemble de communes se met d’accord derrière un projet qui va profiter à chacune d’entre elles ». C’est là d’ailleurs le grand enjeu de la politique nationale et locale : une aspiration à davantage de sens, de savoir vers quoi l’on va de la part des citoyens mais donc aussi des élus, peut-être effrayés de voir cette évolution vers cette entité plus globale que sont les intercommunalités.
C’est dès cette première étape d’élaboration que chacune des communes peut se faire entendre et faire entendre son opposition à telle ou telle disposition qui serait contraire à son intérêt. C’est donc aussi dès cette étape que le travail de discussions et de négociations peut être effectué afin de réduire ces oppositions. A cette étape, la défense des intérêts de la commune va dépendre « du jeu d’acteur politique » de son représentant. S’il n’y a toujours pas satisfaction, dans certains cas comme l’élaboration d’un plan local d’habitat, le plan doit être soumis à la validation de chaque conseil communal qui pourra alors montrer son opposition en le rejetant via un avis défavorable. Celui-ci « est suivi ou non par l’EPCI, mais c’est une manière formelle de montrer son opposition ».
Attention à ne pas glisser dans des déséquilibres : « on est dans une tendance où on priorise plutôt les communes qui sont déjà assez importantes, qui concentrent déjà l’offre de services, d’équipements, d’emplois, etc. Les logiques actuelles seraient de renforcer ces communes-là». Au détriment des petites communes ? Plutôt « prioritairement aux petites communes ce qui aura, in fine, des répercussions bénéfiques sur ces petites communes par un effet de rayonnement à moyen terme ».
De l’importance du travail pédagogique
Faire comprendre (et accepter) tous les tenants et les aboutissants d’un PLUi à des élus parfois réticents à ces fusions nécessite aussi un vrai travail pédagogique, « ce que l’on essaye de faire comprendre aux petites communes, c’est que même toutes seules elles n’auraient pas eu beaucoup plus [de moyens, de dotations de l’Etat…], même si elles avaient fait un document d’urbanisme à l’échelle communale. Le PLUi peut leur permettre de profiter de manière plus avantageuse du développement des grandes communes ».
La disparition des petites communes serait inévitable à terme selon lui, en tout cas si la volonté politique reste la même, celles-ci étant vouées à devenir de simples quartiers de plus grandes communes, « beaucoup de maires en sont eux-mêmes convaincus ». Il faut alors essayer de rassurer en expliquant que « peut-être qu’en étant un quartier, on pourra mieux défendre son identité qu’en étant une petite commune au milieu de grosses communes ».
De plus, il est important de faire adhérer le plus grand nombre au projet de territoire proposé, il en va de son efficacité : « l’élaboration d’un PLUi ne peut être pleinement réussie et vraiment cohérente que s’il y a un portage politique derrière, fort et convaincu. C’est pour cela qu’on a généralement comme élu référent d’un PLUi le vice-président de la communauté de communes en charge de l’aménagement du territoire. Il faut que ça soit lui qui soit en permanence en première ligne, qui porte toujours le message de l’intérêt communautaire. Il faut que ce soit lui qui soit en mesure de trancher en cas de conflits ».
Attention à ne pas se lancer trop vite dans une démarche d’un PLUi : tous les élus ne sont pas nécessairement habitués ni formés à raisonner d’une façon globale, à l’échelle d’une intercommunalité et non plus à l’échelle traditionnelle de leurs communes. Ainsi, « avant de se lancer corps et âme dans une démarche de PLUi formelle, il faut avoir pris le temps de la sensibilisation, de la communication, de l’écoute, avoir construit une démarche d’intérêt communautaire qu’il n’y a plus qu’à transposer sur le papier du PLUi. Mais il faut prendre le temps de sensibiliser les élus, de leur expliquer qu’ils seront plus forts en intercommunalités qu’individuellement chacun dans leurs communes. Il faut prendre le temps de leur expliquer que, bien souvent, l’identité de leur commune est très semblable à celle de la commune voisine et qu’en construisant une identité à deux, on sera plus fort ».
« Il faut leur faire comprendre que l’union fait la force et qu’un PLUi n’est que la traduction d’un projet de territoire », Romain Gallitre, chargé du pilotage du PLUi du Grand Saint-Emilionnais
Ainsi, piloter un PLUi revient à « avoir un rôle de relais entre le bureau d’étude qui travaille pour nous, les partenaires que sont l’Etat, le Conseil Général, le milieu viticole [dans le cas du Grand Saint-Emilionnais], les administrés, et de l’autre côté les élus. On a vraiment un rôle de tampon, de traducteur, de facilitateur de prise de décisions ».