L’UE n’est pas qu’une institution aux mains des lobbys. Grâce aux fonds européens elle peut soutenir les territoires et leurs projets
L’Union Européenne, ce n’est pas qu’une « institution aux mains des lobbys et déconnectée des peuples ». Malgré son image négative, une batterie de fonds européens sont diffusés pour soutenir le dynamisme des territoires. Peu connus, ils peuvent pourtant apporter beaucoup afin de mener à bien les projets locaux. Entretien avec Erwan Dubois, chargé du programme LEADER dans la Région Occitanie.
Les fonds européens, c’est quoi ?
Alors que l’UE propose des dispositifs dans une dizaine de domaines – insertion sociale, lutte contre le changement climatique, soutien à la recherche et à l’innovation, etc -, « essayer d’être exhaustif sur les fonds européens existants est extrêmement compliqué tant ils sont nombreux » nous explique Erwan Dubois.
Alors, comment s’y retrouver ? « Il y a une double entrée : la première est territoriale issue des politiques régionales de l’Europe portées à l’époque par Jacques Delors ». Celles-ci ont créé plusieurs fonds :
- Le Fonds Européen de Développement Economique Régional (FEDER) : « il a une particularité aujourd’hui, il finance surtout le développement de l’investissement. Il n’y a pas de financement de fonctionnement par le FEDER» ;
- Le Fonds Européen Agricole pour le Développement Rural (FEADER) : « c’est le deuxième volet de la PAC, le premier volet étant des mesures agricoles. C’est l’entrée territoriale de la PAC ».
- Le Fonds Social Européen (FSE) : « il va venir soutenir les parcours d’insertion c’est à dire tous les parcours qui sont liés à l’insertion social».
En parallèle, existent aussi le FEAMP, Fonds Européen pour les Affaires Maritimes et la Pêche qui va, comme son nom l’indique, concerner les territoires littoraux mais aussi « la protection de la biodiversité ». Mais aussi l’INTERREG qui est « un projet de coopération européen, un projet monté en coopération trans-étatique ».
“Concernant le fond le plus accessible aux communes aujourd’hui » : le fond LEADER « qui est à la fois territorial et européen : européen car il est une émanation du FEADER donc l’argent vient de l’Europe et territorial car il est géré par les PETR (les Pôles d’Equilibre Territoriaux et Ruraux). Cette échelle est territoriale, le pouvoir de décision est au territoire même si c’est un fonds européen. C’est un organisme de décision local qui valide ou non la demande de subvention donc c’est plutôt intéressant car ce fond est censé répondre aux besoins locaux. Beaucoup plus que ce qu’organisent les fonds FEDER ou le FEADER car le LEADER est co-construit avec les territoires. L’intérêt du LEADER est aussi qu’il est transversal ».
Deuxième axe d’entrée, « il y a une entrée sectorielle et elle est extrêmement large. Cela explique la difficulté d’être exhaustif parce que les programmes concernés vont du programme Erasmus, au programme Erasmus +, au programme LIFE au programme CREATIVE… Il n’y a pas aujourd’hui un seul domaine, à ma connaissance, des politiques territoriales ou des politiques publiques qui n’est pas traité par les fonds européens ». L’offre est très large, « il y a tout un tas de subventions qui existent notamment dans le domaine de la culture avec Europe CREATIVE par exemple, qui permettent de créer des projets vraiment très intéressantes et favorables aux territoires ».
Attention : les fonds européens favorisent aujourd’hui les échelons régionaux – à cela près qu’ils sont encore assignés aux anciennes régions – et intercommunaux. Les communes pourront espérer obtenir des fonds européens surtout dans le domaine de la rénovation énergétique.
Comment candidater ?
Par manque d’un interlocuteur unique, difficile de savoir à qui s’adresser. C’est pourquoi, à l’échelle régionale, les territoires se sont dotés de chargés de mission – pour le fonds LEADER – ou d’attachés territoriaux et ruraux, à l’exemple d’Erwan Dubois, qui essayent d’être cet interlocuteur unique capable « d’avoir cette entrée multi-fonds ».
Autre alternative, les Maisons de l’Europe peuvent être des interlocuteurs à contacter, ainsi que les bureaux représentatifs dont chaque région dispose à Bruxelles « qui sont souvent de vraies personnes ressources. Le problème, c’est le délai de traitement car ce sont des interlocuteurs très sollicitées mais au cœur du système européen. Ils ont accès à des ressources importantes ». Dans une moindre mesure, les conseils régionaux sont également interlocuteurs des communes.
Avant de se lancer et de demander des subventions européennes, il est primordial de savoir que « les fonds européens, sur le papier, c’est quelque chose d’extrêmement normé donc qui peut paraître très compliqué ». Ce manque de souplesse va ainsi obliger toute demande de subvention d’un projet à rentrer dans les cases prévues par l’institution. Plutôt que de devoir alors raboter son projet, ce qui peut susciter de la frustration et peut-être même décourager de futures demandes, il faut travailler en amont et prendre en considération ces normes. Pour gagner du temps, Erwan Dubois conseille d’identifier « les personnes ressources sur les fonds pour construire ensemble le projet, ainsi, il rentrera tout de suite dans les cases ». Attention, il existe un risque : « Il existe des contrôles et si vraiment le projet n’est pas paramétré pour rentrer dans les cases du fond européen, les contrôles peuvent déclencher des remboursements de l’ensemble des subventions accordées ». Mais au fond, il serait dommage de se passer de ces subventions pour mener un projet, non ?
Pourquoi un tel déficit de notoriété ?
Si les fonds européens sont si encourageants, pourquoi si peu y recourent ? Erwan Dubois identifie trois principaux écueils : « il y a un manque de lisibilité, un manque de communication et un manque de visibilité. C’est très compliqué d’accéder à ces fonds. Alors, beaucoup d’acteurs communiquent sur cette complexité, beaucoup de porteurs de projet viennent vers moi en disant que ‘l’Europe c’est compliqué’ ».
Cette complexité rejoint les récurrents reproches de lourdeur faits aux institutions européennes, occasionnant de fait une certaine « peur » de s’engager au point « qu’aujourd’hui, il y a des gens qui préfèrent ne pas demander une aide, plutôt que tenter ».
Par exemple, l’entrée sectorielle souffre d’un manque considérable de lisibilité, « cette entrée est diffuse, c’est-à-dire qu’il n’y a pas une personne relais. Mon rêve, c’est d’avoir un ‘Monsieur Europe'[sic] sur un territoire qui connaîtrait l’intégralité de l’offre des fonds européens ». Ce manque d’un organisme centralisé contribue ainsi considérablement à un flou autour du catalogue des fonds européens, un flou qui n’incite pas du tout les élus à s’engager.
Mais cet interlocuteur unique centralisé ne suffira pas, il faut réfléchir à un maillage d’interlocuteurs. En effet, compte tenu du nombre de dispositifs européens, « un seul interlocuteur par région, ça ne sera pas possible, il sera vite débordé. Il faut un acteur centralisé mais il faut aussi réfléchir à l’échelle de cet acteur : moi je travaille sur neuf communautés de commune, cela me permet de parfaitement connaître les porteurs, les dynamiques qui existent… et comme ça, lorsqu’un projet arrive, je peux le faire coller au fonds européen et surtout de l’améliorer qualitativement ou éventuellement lui trouver d’autres fonds que les fonds européens ».
Une parade à la baisse des dotations de l’Etat
Alors que l’on se concentre surtout sur une image très négative de l’Europe et que les eurosceptiques gagnent un grand nombre de partisans, l’engagement financier des institutions européennes est sous-médiatisé mais bien réel. « C’est triste car l’engagement de l’Europe est réel, elle est réellement présente sur les territoires » déplore Erwan Dubois.
« Les fonds européens, aujourd’hui, c’est la seule enveloppe qui augmente », Erwan Dubois, chargé du fonds LEADER en Occitanie
En effet, alors que les dotations de l’Etat ont fondu comme neige au soleil entravant considérablement les possibilités d’investissement des collectivités locales, les fonds européens sont au contraire une « manne financière énorme » à la disposition de ces territoires. « On parle beaucoup des baisses des dotations de l’Etat, mais il n’y a que les subventions européennes qui augmentent » souligne Erwan Dubois.
Ainsi, entre les aides régionales ou départementales et les aides européennes, il est possible de retrouver des marges de manœuvres. « L’idée, c’est qu’en cumulant des fonds européen et des subventions, on arrive aux taux de financement maximum des projets qui est aujourd’hui de 80 % ». A l’échelle nationale, il devient difficile de soutenir ses projets mais à l’échelon européen « il y a de l’argent public, il faut aller le chercher ! C’est compliqué mais il est là et à disposition et c’est dommage de ne pas l’utiliser car, sinon, il repart à l’Europe ».
Enfin, la constellation de dispositifs européens permet de parer au recul des investissements de l’Etat dans de nombreux domaines – culture, social, mobilité… – et « finance des choses que l’on a du mal à financer par ailleurs. C’est compliqué mais à l’arrivée, c’est une vraie victoire. Si on est sur quelque chose d’un peu novateur, il y a moyen de trouver un fonds européen ».