Pour, réconcilier les jeunes avec la politique, à Mulhouse, on a misé sur la démocratie participative et la coresponsabilité dès le lycée !

Comment impliquer les jeunes dans les actions concrètes du quotidien ? Une question que beaucoup se posent. Elus ou membres du corps enseignant, les acteurs qui agissent au quotidien avec ou pour les jeunes sont à la recherche d’initiatives innovantes et qui leur ressemblent. Certaines collectivités ont décidé de s’atteler à ces sujets grâce à la démocratie participative. C’est le cas à Mulhouse et en particulier au lycée Albert Schweitzer dont la proviseure adjointe, Véronique Goettelmann, a su réinventer le dialogue au sein de l’établissement.

Mulhouse, le choix de la démocratie participative

A Mulhouse, dans le Haut-Rhin, le virage de la démocratie participative a été pris en 2005. Séduite par la volonté du Conseil de l’Europe – proche géographiquement, de promouvoir de nouvelles façons de construire le vivre-ensemble, la municipalité a adopté la méthode dite « Spiral » qui vise à favoriser la démocratie participative à travers une approche de coresponsabilité.

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Débat entre citoyens afin de définir des critères de bien-être sur la base de besoins réels identifiés, pour repenser l’organisation de la société ou de l’économie à Mulhouse

A travers ces actions, l’objectif de la municipalité « est de construire  un territoire dans lequel l’ensemble des acteurs s’engagent et se concertent en vue d’assurer, par la coresponsabilité, le bien-être de tous, générations futures incluses », résume Sébastien Houssin, chef de projet à l’agglomération de Mulhouse et qui a coordonné le lancement de la démarche.

Outre la plateforme Mulhouse, c’est vous ! qui permet à chacun de soumettre et/ou de voter pour des initiatives, la ville a initié de nombreuses actions pilotes utilisant la coresponsabilité et l’inclusion sociale. Parmi elles, le Projet IGLOO a fait participer des familles à l’auto-réhabilitation de leur futur logement ; une démarche a été lancée au zoo pour améliorer le mieux-être des agents et la performance de la structure, et le lycée Albert Schweitzer a été ciblé pour améliorer la qualité de vie et de travail de l’établissement.

Au lycée, on participe !

Alors que les lycées relèvent de la compétence régionale, Sébastien Houssin, ex-élève du lycée, a contacté en 2008 une de ses anciennes enseignantes pour impliquer l’établissement dans la démarche municipale.

Séduite par le projet, la direction du lycée s’est rapidement décidée à adopter le concept de coresponsabilité. L’objectif : la volonté de rompre avec la mauvaise atmosphère de l’établissement à l’époque et une volonté de « libérer la parole » pour Véronique Goettelmann. « On respirait mal dans ce lycée » confirme ainsi l’ancien proviseur. Recourir à la coresponsabilité comme terreau de cohésion était particulièrement intéressant et stimulant pour cet établissement de taille conséquente : 7 bâtiments de cours, un peu plus de 1 500 élèves et 150 enseignants.

Dans cette optique, trois « Journées de la parole » ont été créées. En lieu et place des traditionnelles premières journées de rentrée très administratives, la première journée s’organise à Albert Schweitzer avec des jeux pour apprendre à se connaître : jeux de cohésion, courses…
Pour les classes de Seconde, des entretiens individualisés sont mis en place pendant cette première journée.

Les classes de Première ont aussi des temps d’échanges avec le corps enseignant afin de bien se préparer à l’année et de discuter autour de la question suivante : « qu’est-ce que m’a appris mon année de seconde et qu’est-ce que je peux faire à mon entrée en première pour réussir ? ».

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Pour les Terminales, en lieu et place des jeux, la journée « prend la forme de forums où nous invitons des anciens du lycée à venir leur dire ce qu’ils sont devenus ». Une journée d’échanges très importante compte tenu de la difficulté pour beaucoup à s’orienter.

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Table ronde autour d’anciens lycéens désormais ingénieurs

Au cours de l’année, les actions continuent. La deuxième journée dite « du cœur », en collaboration avec les Restos du cœur, est devenue une « semaine du cœur ». La dernière journée clôture l’année avec une fête conçue avec l’ensemble des classes de l’établissement.

L’idée générale qui préside à ces initiatives : « responsabiliser chacun et les écouter ». Cet esprit se retrouve aussi dans l’implication des élèves pour l’administration de l’établissement. Par exemple, la nouvelle cafétéria est ainsi « cogérée par la vie scolaire et les élèves de Terminale ». La nouvelle salle informatique est en accès libre et cette responsabilisation des élèves a porté ses fruits : « en quatre ans, il n’y a pas eu de vol ou de dégradation ». De même, « dans le cadre de la rénovation du lycée, les élèves ont été associés : ils ont choisi leur espace pour le foyer, leurs canapés, leurs fauteuils… ». Même implication pour l’aménagement de la cafétéria et la confiance accordée aux jeunes du lycée malgré l’investissement conséquent, près de 5 000€.

Ces manières de fonctionner originales ont immédiatement reçu un accueil positif de la part des élèves : « les élèves adorent ça, ils sont surpris, c’est sûr ; mais ils adhèrent, ils nous le disent ». Les plus “déstabilisés” sont les enseignants, peu habitués à de telles pratiques. Si certains restent réticents, les nouveaux enseignants sont accueillis par Mme Goettelmann de la même manière que les nouveaux élèves, par des jeux destinés à « casser le rapport hiérarchique et en créer un autre ».

Fortement engagée dans la démarche au niveau local, la direction du lycée Albert Schweitzer est membre du comité de pilotage des actions au niveau de la ville. Une mairie « qui est toujours là quand on a besoin d’aide. On travaille ensemble » et pour laquelle Véronique Goettelmann a animé « un groupe de coresponsabilité en novembre dernier » nous explique-t-elle.

Les résultats : une réelle adhésion des élèves

Le lien de confiance entre administration, enseignants et élèves est tel qu’il n’est plus nécessaire d’impulser des actions : les lycéens s’engagent d’eux-mêmes dans des projets régulièrement. « Je ne gère plus rien, je me contente de superviser l’ensemble des initiatives ». Avec des élèves responsabilisés et en demande de s’engager dans des travaux participatifs, il s’agit désormais de n’apporter que le cadre et les conseils nécessaires autour de ces initiatives. « Ils se sentent très libres de venir avec des projets, d’être eux-mêmes. J’ai par exemple eu des BTS qui sont venus avec l’envie d’organiser une journée au profit d’une association. Cette journée, devenue la Semaine du Cœur, est aujourd’hui entièrement gérée par les élèves. » nous explique Véronique Goettelmann.

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Fortement impliqués dans la vie de l’établissement, les lycéens ne se sentent plus simplement de passage mais s’approprient réellement la vie du lycée. Une approche qui se traduit par un climat plus apaisé que par le passé et une atmosphère de travail plus « légère » que celle de nombreux autres lycées.

« C’est un établissement serein et où la plupart des choses passent par le dialogue »

L’initiative de coresponsabilité est une telle réussite que « les parents d’élèves ont désormais envie d’être également impliqués, d’être eux aussi acteurs ».

Cette nouvelle façon de faire, impliquant l’ensemble des acteurs, fonctionne aujourd’hui à plein régime. Et le succès de la démarche de démocratie participative au sein du lycée est un tel succès que désormais, « plus personne ne la remet en question ».

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