Personne n’est dupe, l’égalité homme femme est encore lointaine dans la société française. Si bon nombre d’adultes ont des difficultés à accepter cette évolution, sensibiliser les nouvelles générations est essentiel….
Personne n’est dupe, l’égalité homme femme est encore lointaine dans la société française. Si bon nombre d’adultes ont des difficultés à accepter cette évolution, sensibiliser les nouvelles générations est essentiel. C’est pourquoi Sébastien Brigand, proviseur adjoint du Lycée Blaise-Pascal de Châteauroux, et l’équipe enseignante ont décidé d’organiser depuis 2016 une journée de l’égalité femmes-hommes.
Lycées : champ de bataille stratégique
Ces deux opérations de sensibilisation à l’égalité homme femme sont parties d’un constat récurrent dans les lycées français. Dans ce lycée général et technologique, « nous avons des sections qui sont pratiquement exclusivement masculines et d’autres qui sont exclusivement féminines : dans la section professionnelle, nous avons deux filles sur presque 200 élèves par exemple, souligne Sébastien Brigand. Par contre, dans des sections comme santé-social, nous avons quasiment que des filles et très peu de garçons ».
Cette non-mixité est un constat très souvent remarquée et a conduit la direction du lycée à mener cette sensibilisation pour casser des stéréotypes visiblement fortement ancrés. « Il s’agit de faire comprendre aux élèves qu’il n’y a pas de métier typiquement féminin et d’autres typiquement masculin » expose ainsi Sébastien Brigand. « Il faut faire attention à leur faire comprendre que ce n’est pas parce qu’elles se retrouvent qu’entre filles qu’un garçon ne peut pas choisir cette filière et inversement », prévient-il.
En effet, les jeunes filles – les garçons -, inconsciemment, se fermeraient elles-mêmes certaines portes : « elles se limitent dans leurs choix d’orientations à cause de l’image qui leur est renvoyée par la société. Par exemple, elles pensent qu’une fille ne peut pas faire des métiers dans la chaudronnerie, dans l’électro-technique…, regrette le proviseur adjoint. Elles pensent qu’elles doivent obligatoirement aller dans les filières santé-social ou commerce ».
« Nous avons ciblé les Premières car nous nous sommes rendus compte que les élèves se retrouvaient en Première ou qu’entre garçons ou qu’entre filles régulièrement »
De plus, alors qu’elles semblaient avoir reculé depuis un certain nombre d’années, le retour de certaines réflexions de la part de garçons a alarmé l’équipe éducative. « Nous entendions de plus en plus de remarques qui n’ont pas lieu d’être de la part de certains garçons du genre qu’une fille ne doit pas porter une jupe parce que ce n’est pas correcte mais un pantalon, déplore M. Brigand. Nous n’entendions plus ce genre de réflexion mais elles reviennent malheureusement et nous avons des garçons qui se permettent de juger les tenues des filles alors qu’elles sont tout à fait correctes ».
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Ainsi, un manque de mixité dans les filières dû à des préjugés mais aussi une grandissante intolérance instaurent les lycées – voire les collèges – comme des lieux d’actions stratégiques si l’on veut sensibiliser à l’égalité homme femme, mais aussi à d’autres causes comme « la liberté d’expression sur laquelle ils ont encore beaucoup de mal, sur la laïcité où ils nous mélangent un peu tout… ».
But des journées : encourager la réflexion
A partir de ces constats, une première journée de l’égalité homme femme a été organisée en 2016, renouvelée cette année « pour faire comprendre aux élèves qu’en termes de métiers, en termes de tenues vestimentaires, etc, la femme est l’égale de l’homme. Elles n’ont pas à être jugées sur tel ou tel point, surtout de la façon dont ils le font », explique Sébastien Brigand.
Ciblant les élèves de Premières, chacune des deux journées ont été décomposées en deux temps. Dans un premier temps, un spectacle théâtral était proposé traitant de l’évolution de la position et des aspirations des femmes au cours du 20ème siècle. Dans un second temps, des petits groupes mixtes de réflexion ont été organisés afin de débattre « sur un certain nombre de remarques que l’on pouvait entendre venant des garçons ou sur certains préjugés sur les goûts ou les métiers ». L’objectif ? Les faire réfléchir sur les raisons de ces préjugés.
« Notre objectif, c’est de travailler sur le mieux vivre ensemble et qu’ils se respectent tels qu’ils sont. Nous avons 1000 élèves dans l’établissement et on ne peut pas dire que toutes les classes fonctionnent très bien »
La première journée, les encadrants ont souhaité mettre en place uniquement des groupes de débat mixtes. Problème : le fait de se trouver avec des élèves plus ou moins inconnus a pu souvent inhiber les participants et le débat n’a pas pu avoir lieu.
Les discussions entre élèves ou classes se connaissant sont donc à privilégier, quitte à ce que ces groupes ne soient pas mixtes.
Organiser ce type de journée de sensibilisation est indispensable car les stéréotypes ne sont pas remis en question par les élèves. « Ils ne sont pas très demandeurs, explique M. Brigand. Si ce n’est pas nous qui organisons, qui allons vers eux pour les faire réfléchir sur tel ou tel sujet, ils ne vont pas venir vers nous ».
Un volontarisme essentiel d’autant plus que les filles ne viendraient que très rarement se plaindre de réflexions ou d’attitudes désagréables, regrette le proviseur adjoint. « Elles ont été très réceptives sur ces questions-là, certifie Sébastien Brigand. Elles étaient contentes de pouvoir s’exprimer, débattre », démontrant ainsi l’importance d’aborder ces sujets.
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Ces actions ayant un coût, le lycée a été accompagné financièrement par la Délégation Régionale aux droits des femmes et par la Politique de la Ville car le lycée Blaise-Pascal se situe tout près d’un quartier prioritaire de Châteauroux. « Des élu(e)s et la préfecture se sont aussi déplacés pour voir ce que l’on faisait et ce que l’on pouvait proposer », complète M. Brigand.
Des nouvelles générations à l’image des anciennes générations…
Cependant, signe que le sujet reste encore très sensible, certains élèves « se sont braqués tout de suite et refusent de se poser des questions sur leur attitude ou sur l’égalité homme femme, regrette Sébastien Brigand. J’espère que la réflexion se fera plus tard et c’est aussi pour cela que l’on va encore renouveler ces journées ».
Ces activités de sensibilisation ont donc été importantes car elles ont permis de se rendre compte de l’ampleur de la tâche. « Il y a des stéréotypes qui ont la vie très très dure, affirme Sébastien Brigand. Ils ont du mal avec certains clichés que la société véhicule depuis très longtemps mais qu’ils entretiennent aussi ».
Les questionnaires bilans remplis à la fin des actions ont souligné ces résistances mais « certains disent que cela leur a permis de se poser des questions. Nous espérons que cela sera le terreau d’une évolution ».
« L’égalité homme femme, on en entend parler souvent dans les médias mais il y a encore un très long chemin à faire, ça c’est évident »
Régulièrement ciblées par des campagnes diverses de sensibilisations au cours de la scolarité, les jeunes générations ne se montreraient donc guère sensibles à ces problématiques. « Nous avons tendance à croire que les jeunes sont moins racistes ou discriminants que leurs aînés mais, finalement, nous avons certains jeunes qui sont aussi tranchés dans leurs avis que leurs aînés », regrette Sébastien Brigand.
« Quand on entend certaines réflexions, on se demande à quelle époque on est resté ! »
Loin des beaux discours optimistes égalitaires, la réalité du terrain démontre que les concepts d’égalité entre les femmes et les hommes restent difficiles à accepter par les anciennes générations et, plus inquiétant, par les jeunes générations. Cependant, cette initiative a le mérite de mettre en lumière tout le travail qu’il reste à effectuer et entame le long travail d’éducation. Une initiative à vivement encourager et déjà récompensée par le prix Liberté, Egalité, Mixité décerné par le rectorat.