En Bretagne, un village est à la pointe de l’écologie. Cantine Bio, école HQE, indépendance énergétique, autonomie alimentaire,… Langouët semble accumuler tous les labels et toutes les actions possibles en…
En Bretagne, un village est à la pointe de l’écologie. Cantine Bio, école HQE, indépendance énergétique, autonomie alimentaire,… Langouët semble accumuler tous les labels et toutes les actions possibles en matière de développement durable. Une réussite qui s’explique avant tout par une politique volontariste en matière d’environnement.
Une démarche écologique engagée depuis 1999
Langouët est un petit village breton, situé à 25 kilomètres de Rennes. « C’est une toute petite commune de 602 habitants, selon les derniers chiffres du recensement qui vient de se terminer. » précise Daniel Cueff. Il en est devenu le maire en 1999, à la suite de la démission de l’équipe municipale, alors en place. C’est là que commence l’aventure écologique : « Depuis 1999, toutes les décisions prises en conseil municipal sont prises en fonction du développement durable. Cette notion n’était pas encore dans l’imaginaire collectif, dans le discours politique ; il faut attendre 2018 pour ça. Avant, on parlait plutôt de cadre de vie, d’environnement. » Une vision politique que beaucoup jugeraient idéaliste, si ce n’est utopique, et pourtant, Daniel Cueff se veut très pragmatique. Il fait sienne une citation de Jacques Ellul : « La politique, c’est avoir le choix entre plusieurs solutions. Mais encore faut-il que ces solutions existent véritablement”. Selon lui, le rôle du politique, c’est de « trouver des solutions pour exprimer un projet dans la réalité. » Un principe qu’il met en pratique dans sa politique municipale depuis bientôt deux décennies et qui a permis à Langouët de devenir l’une des communes les plus en avance sur les questions environnementales.
Zéro phyto, cantine bio et logement écolo : le triptyque de la politique environnementale de Langouët
Dès son arrivée à la tête de la mairie, Daniel Cueff et son équipe municipale prennent une importante décision : « On n’utilise plus du tout de produit phytosanitaire pour l’entretien de la commune depuis 1999 ». En 2004, la commune franchit un pas supplémentaire en instaurant une cantine 100% bio : « Cela fait 15 ans que tous les produits servis aux enfants sont issus de l’agriculture biologique, en grande partie en circuit court et en saisonnalité. » Un choix qu’il justifie pour le bienfait des enfants comme pour celui de l’environnement : « Il n’est pas possible, connaissant le danger que l’on nous décrit sur les pesticides, de faire manger aux enfants des aliments qui en contiennent. Nous nous devons d’avoir des produits garantis sans pesticide. Et compte-tenu de la pollution de l’eau en Bretagne et donc de la pollution des sols par des pesticides, ce n’est pas possible qu’on soutienne autre chose qu’une agriculture non polluante. » En parallèle, l’école maternelle et primaire de Langouët sont rénovées pour correspondre aux normes HQE (haute qualité environnementale).
Mais les initiatives ne se limitent pas aux bâtiments scolaires. La mairie s’engage dans une politique d’indépendance énergétique qui est finalement atteinte dès 2007 : « On produit aujourd’hui 100% de notre énergie électrique grâce à un dispositif photovoltaïque. ». Un nouveau projet est alors mené avec la construction de deux lotissements écologiques, pour parfaire une politique qui se veut à la fois solidaire et environnementale.
Des projets de plus en plus ambitieux
Le succès de cette politique environnementale encourage Daniel Cueff à aller plus loin : « Nous avons décidé de changer de paradigme il y a deux ans. Jusqu’à présent nous étions dans une logique où nous essayions d’avoir le moins d’impact possible sur l’environnement. Désormais, nous avons décidé d’être éco-bénéficiants, c’est-à-dire d’apporter un bénéfice à l’environnement, quand nous construisons des maisons, par exemple. » Cette prise de risque est possible grâce à l’évolution des consciences politiques mais aussi des progrès techniques : « Nous sommes de plus en plus performants au fur à mesure ; nous rencontrons des architectes et des artisans avec des techniques de plus en plus orientées vers l’écologie. »
Toujours dans cette optique de fixer des objectifs de plus en plus ambitieux, le maire a décidé de viser l’autonomie alimentaire pour sa commune, qui s’est donc récemment lancé dans un projet de permaculture. Fondé sur le principe cradle to cradle (littéralement “du berceau au berceau”), cette initiative se présente comme « un projet d’économie circulaire à impact positif en urbanisme. » A l’heure actuelle, la commune de Langoüet est en train de concevoir et de construire une “maison-potager triple zéro” ; zéro énergie, zéro carbone, zéro-déchet et 100% recyclable. C’est un projet confié à un ingénieur : « La maison est actuellement en cours de test. D’ici deux mois, ça sera visitable. »
Une politique coûteuse mais possible
Sur la question du budget, Daniel Cueff est catégorique ; l’engagement de la mairie pour l’environnement est total : « 100 % du budget est dédié à l’écologie. La première décision qui a été prise, c’est de ne pas avoir d’adjoint à l’environnement ou au développement durable, puisque pour nous, tout est développement durable. Toute décision liée à la voirie, liée à l’énergie, à l’école, etc. tout est regardé en fonction de cette notion-là. 100% de notre budget est dédié au développement durable. »
Une politique qui semble à priori coûteuse pour le budget de la commune car elle demande beaucoup d’investissements. D’autant plus que Langouët se veut être un laboratoire à la pointe des expérimentations écologiques, selon le souhait de Daniel Cueff : « Nous ne voulons pas simplement reproduire ce qui est fait ailleurs mais nous voulons être inventifs sur les questions environnementales. On a pris des risques sur un certain nombre de choses, notamment le logement social. »
Si certaines initiatives, comme la pose de panneaux photovoltaïques, présentent un intérêt économique sur le long terme, la commune doit, malgré tout, calculer judicieusement son budget pour parvenir à financer tous ces projets écologiques. Et certains d’entre eux n’auraient pu voir le jour sans des investissements extérieurs, comme lors de la construction des lotissements écologiques. Le maire, Daniel Cueff ne le cache pas : « nous avons eu la chance d’être suivis par des subventionnaires mais aussi par des opérateurs sociaux. »
Mais c’est aussi l’avantage de ce type de projets ; ils suscitent l’enthousiasme de nombreux partenaires. Preuve ultime de l’attrait de sa politique, le projet permaculture a fait l’objet d’une campagne de financement participatif en ligne : en 48 heures, la commune a pu contracter un emprunt de 25.000 euros auprès de ses habitants.
Un combat politique gagné
Le succès de la politique environnementale de ce village ne s’est cependant pas fait sans difficulté, ni opposition. La décision de passer à la cantine bio a suscité de vives critiques de la part des agriculteurs du village, qui se sont sentis désavoués. Mais cette contestation n’aura pas suffi à faire plier Daniel Cueff, pour qui « la politique est un combat » ; un choix d’autant plus fort qu’une partie des terres cultivées de Jean-Michel Lemétayer, l’ancien président de la FNSEA, se situait dans le village, bien que les deux hommes s’appréciaient et se respectaient malgré leurs divergences d’opinion. Mais, progressivement, les idées écologiques se sont imposées : « Cela ne nous a pas créé une sympathie immédiate. Sauf que nous avons été soutenus par Manger bio 35, composé d’agriculteurs biologiques, qui ont décidé de nous livrer. Nous avons aussi eu le soutien de la coopérative Biocoop. Petit à petit, nous avons gagné du terrain parce que les parents, les enseignants et le personnel communal nous ont soutenus. Au bout de quinze ans, c’est devenu quelque chose de complètement banal. Nous voyons que les choses évoluent. Nous partons de zéro terre sur notre territoire en bio, nous en sommes aujourd’hui à deux fermes bio. Nous avançons. »
Ce qui rassure aussi Daniel Cueff, c’est de proposer des mesures écologiques avant-gardistes, qui précèdent bien souvent les réglementations officielles : « Le Grenelle de l’environnement, qui parlait de 20% de bio dans les cantines, a été un élément symbolique fort. Cela prouve la demande sociale. »
Une action locale pour une perspective collective
L’engagement environnemental de Langouët dépasse le cadre de la commune, puisqu’elle fait désormais partie d’un réseau breton qui souhaite contribuer au développement écologique de la région : « nous avons participé à la création du BRUDED (Bretagne Rurale Urbaine et Développement durable, ndlr). Nous sommes partis de trois communes pour nous entraider, et nous sommes aujourd’hui 148. C’est très important ! Nous essayons tous d’apporter notre pierre à cette notion de développement durable et on s’entraide en faisant part de nos succès, de nos difficultés, de nos échecs. Tout cela alimente les politiques des uns et des autres. On a pu avoir des financements parce qu’on essayait d’aller loin dans les engagements que l’on cherche partout ! »
Selon Daniel Cueff, « l’action concrète passera par les collectivités locales, par les territoires ruraux, par les métropoles, par les citoyens aussi. C’est sur le terrain qu’on arrivera à trouver à la fois des solutions concrètes et adaptées au changement climatique, car la réalité de ce changement à Langouët n’a rien à voir avec celui de Saint-Malo.”
Mais la connexion avec d’autres communes doit se faire en permanence : “Nous sommes en synergie. Nous avons signé la convention des maires à Bruxelles, nous participons au réseau BRUDED. On s’entraide beaucoup. On va chez les uns et les autres, on compare, on teste, on avance ensemble. On est un réseau et ça c’est quelque chose qui fait partie de notre ADN dorénavant.” Car peu importe le nombre d’habitants de Langouët, son action compte : “Même notre petite commune a été jusqu’à signer le pacte d’Istanbul pour l’eau. On a signé beaucoup de textes en faveur de l’écologie, comme la charte pour l’absence de bois exotiques dans la construction. »
En presque deux décennies, le petit village jusqu’alors anonyme de Langouët aura su se bâtir une solide réputation grâce à sa politique écologique très ambitieuse. Sa réussite peut servir de leçon tant elle est exemplaire. En concrétisant ce qui semble pour beaucoup inaccessible, Daniel Cueff nous montre que la politique est avant tout une affaire de volonté.