Le Brexit a montré un rejet profond de l’UE. En cause : les institutions… Comment renouer le dialogue avec les citoyens européens ?
Le Brexit a témoigné d’une chose : il y a un réel et profond rejet de l’Union Européenne. Si d’aucuns abordent ce rejet via le prisme du nationalisme, pour faire avancer l’UE, il est indispensable d’entendre la voix d’une frange citoyens européens eurosceptiques qui expriment un désamour, non pas de l’UE en elle-même, mais bien de ce qu’elle semble être devenue.
« Monstre technocratique », « déconnectée des citoyens », « gangrenée par les lobbys », « ma voix ne compte pas », les critiques sont nombreuses pour qualifier l’Union et le climat de défiance est grand vis-à-vis d’une institution dont la transparence laisserait à désirer.
Pourtant, au sein des Etats membres, fourmillent les initiatives, citoyennes ou même institutionnelles, afin de renouer le dialogue entre citoyens et élites politiques, afin de donner davantage de voix aux administrés. Les institutions européennes n’auraient pas beaucoup d’efforts à faire pour redorer leur image.
La critiquée ICE
A l’échelle des institutions européennes existe déjà un outil de
démocratie participative : l’Initiative Citoyenne Européenne. Introduite par le Traité de Lisbonne (2009) et opérationnelle depuis février 2012, l’ICE est une initiative émanant de citoyens européens et invite la Commission Européenne à soumettre une proposition législative au Parlement Européen et au Conseil.
Deux critères de recevabilité :
- Être soutenu par au moins 1 million de citoyens européens issus d’au moins 7 États membres ;
- Entrer dans un domaine de compétence de la Commission.
Très intéressante en théorie, l’ICE est largement sous-utilisée : depuis avril 2012, seulement 51 demandes d’enregistrement de proposition d’ICE ont été présentées. Plus préoccupant, l’engouement pour l’ICE a fortement diminué ces dernières années : 16 demandes ont été introduites en 2012, neuf en 2013, cinq en 2014, et deux en 2015, signe qu’il y a un découragement.
A l’heure actuelle, toujours aucune ICE n’a été convertie en acte, accentuant encore l’impression d’une Commission dédaigneuse et inabordable. Pourquoi :
- Manque de transparence : la Commission peut refuser d’enregistrer une demande d’ICE sans vraiment avoir à le justifier (ce qu’elle a notamment fait concernant l’ICE « STOP TTIP »).
- Une procédure lourde et complexe : les citoyens manquent souvent des informations ou des notions en droit européen nécessaires (notamment les fameuses compétences de la Commission Européenne), ce qui occasionne des ICE mal préparées et donc rejetées
- Pas d’obligation de délai de traitement (une seule ICE a été reçue
jusqu’à présent mais n’a toujours pas été suivie d’effet) - Tout simplement, réticence de la Commission qui ne veut y voir qu’un outil de débat
Indispensable réforme de l’ICE
Visiblement convaincu par le problème, c’est du Parlement que vient une volonté de réforme de ces initiatives citoyennes. Conscient de l’enjeu fondamental de sensibiliser le public pour faire de l’ICE un véritable outil de démocratie participative et relancer l’intérêt des citoyens pour la politique européenne, le Parlement souhaite impulser plusieurs changements afin de pallier à la frustration causée par le fonctionnement actuel :
- les États membres doivent davantage sensibiliser leurs citoyens à l’importance des ICE, ainsi que leur donner les bonnes informations afin de bien construire leurs demandes ;
- Développement d’applications pour smartphones et tablettes permettant d’accélérer les procédures de signature et suivi des initiatives ;
- Création d’un organe indépendant chargé d’une mission de conseil et donc d’accompagnement des ICE ;
- Instauration d’un délai maximum de traitement par la Commission (12 mois)
Ainsi, il apparaît clairement que la remobilisation des citoyens autour du projet européen doit s’appuyer dans un premier temps sur une meilleure écoute.
Initiatives nationales
A l’échelle nationale, des idées sont également avancées. Ainsi, comme le conseillait la Parlement Européen, Claude Bartolone proposait en mars de créer « une plateforme d’expression » à propos de l’Union européenne sur le site de l’Assemblée Nationale.
L’idée serait que les gens puissent s’exprimer sur les institutions européennes et leurs politiques, proposer, demander des renseignements… bref, réenclencher un intérêt pour l’Europe, « pour que les peuples retrouvent le goût de l’aventure européenne en s’exprimant sur elle, non pas en la subissant ».
Pour approfondir, nous vous recommandons cette article sur la fracture démocratique en Europe et un sur la réforme de l’Initiative Citoyenne Européenne.