Le 24e Congrès de la FNCC est revenu sur l’avenir de la politique culturelle. Loin d’être anodine, une politique ambitieuse est nécessaire.

Jeudi 30 et vendredi 31 mars s’est organisé le 24ème Congrès de la Fédération Nationale des Collectivités Territoriales pour la Culture à Saint-Etienne. Bien peu présente dans les thématiques de la campagne présidentielle et régulièrement première victime des restrictions budgétaires, la culture en France pourrait être une formidable solution pour apaiser la société selon l’optimiste président de la FNCC Florian Salazar-Martin.

Un secteur en mutation ?

Le congrès jugé « de qualité, sans fausse note, agréable, sérieux mais convivial » avec « beaucoup d’intervenants de qualité, beaucoup d’élus présents ainsi que les partenaires avec lesquels on travaille tout au long de l’année »  a été « fécond » et « novateur » selon M. Salazar-Martin.

C’est ainsi que pour la première fois, lors de ce congrès, était proposée une formation « pour les élus autour de la nouvelle responsabilité que les élus ont par rapport à la culture, que ce soit des élus à la culture ou la culture des élus, notamment sur la gestion de la complexité, sous la forme d’un jeu de rôle qui permet de contourner la question politique mais permet de la retrouver en finalité ».

En parallèle de cette volonté d’organiser un congrès innovant, il est important de souligner que les politiques culturelles sont aujourd’hui profondément remises en question. M. Salazar-Martin explique ainsi que « notre première question c’est : est-ce que les politiques culturelles sont toujours pertinentes ? Est-ce qu’il faut toujours une politique culturelle ? Faut-il céder aux GAFA [ndlr : acronyme signifiant Google, Apple, Facebook, Amazon, soit les géants du net] ? Est-ce qu’il faut succomber à ce rouleau compresseur de la culture marchandise ? Est-ce que les citoyens n’ont plus besoin de politique culturelle ?… ». A l’ère d’Internet et des réseaux sociaux et l’accès à la culture en quelques clics, que faire ?

politique-culturelle
Le temps des démarches administratives pour démolir, pourquoi ne pas permettre de la libre expression ?

Premier enseignement de mois de travail préalables et du congrès, « il y a des choses à revoir et des choses stables à garder ». Au rayon des choses à garder, « c’est tout l’élan qu’on a eu ces 50 dernières années notamment dans les politiques culturelles. Je pose une question toute simple : que serait aujourd’hui la France au niveau culturel sans la politique culturelle des territoires ? Le secteur représente près de 8 milliards [d’euros] ». Aux accusations de certains estimant qu’ils ne se passent rien dans les territoires, M. Salazar-Martin répond « que quand on va dans tous les villages, il s’y passe des choses. Il y a toujours des associations, des bénévoles, des expositions, des cirques… ».

« Quand on parle de désert [culturel], c’est faux ! Partout, il se passe des choses », Florian Salazar-Martin, président de la FNCC

Alors que les ressources ont considérablement fondu et que « plus de 50 % des grosses collectivités ont diminué leur budget culturel », des changements doivent être effectués. Si de nombreuses collectivités essayent depuis de nombreuses années de faire s’ouvrir leurs administrés aux autres cultures, « la question aujourd’hui, c’est comment le faire massivement ? Les GAFA ont capté cette question et ont fourni des outils d’expression. Qu’est-ce que les politiques publiques inventent comme outils ? Qu’est-ce qu’on apporte ? Aujourd’hui, la question c’est de se demander comment faire en sorte que les personnes s’y retrouvent dans les politiques culturelles territoriales ? ». Il y aurait donc « toute une série de dispositifs à revoir » selon le président de la FNCC.

Solution préconisée par M. Salazar-Martin : élus comme agents devraient sortir du cloisonnement de leurs services respectifs pour désormais opter pour une transversalité prônée par beaucoup. Ainsi, cette question a été « au cœur du congrès. Transversalité entre culture et économie, tourisme, savoir-faire, ingénierie, industrie… Pour nous, c’était quelque chose d’excessivement important ». La culture devrait ainsi être pensée comme partie intégrante du développement économique ou encore comme facteur d’attractivité pour le tourisme.

Autre profonde évolution : depuis la loi NOTRe, la reconnaissance de la co-responsabilité en matière culturelle entre les collectivités territoriales et l’Etat oblige ce dernier « à reconsidérer ses paradigmes […] Le ministère doit maintenant avoir des outils pour évaluer, des outils d’expertise pour nous répondre lorsqu’on parle de jeunesse, d’associations, etc car aujourd’hui l’Etat ne reconnaît que ce qu’il fait ».

Le numérique, un domaine à se réapproprier

En premier lieu, la communication est à revoir. Alors que « sur Internet, la France avait de l’avance il y a 20 ans, il y a eu un délaissement très fort de l’internet par les puissances publiques et elle est aujourd’hui en retard », les collectivités doivent donc investir bien plus massivement les réseaux sociaux « notamment en développant des contenus et en ne laissant pas au marché cette possibilité ».

En cause de ce retard, les pouvoirs publics ont pendant longtemps laissé les entreprises privées, notamment américaines, développer leur hégémonie à tel point qu’aujourd’hui le moteur de recherche Qwant développé par la Caisse des dépôts reste presque inconnu face à un Google.

politique-culturelle
Bien que présentes, les collectivités doivent encore progresser dans l’utilisation des réseaux sociaux.

D’où un besoin de se réapproprier ces outils et donc un besoin de formation des élus et des agents, « il faut mettre en réseau et former les gens pour être au niveau et pour que lorsqu’on va sur le site d’une ville, on ne soit pas amateur dans le sens pas trop fini ou pas trop exigeant ». Il est certain qu’il est désormais indispensable de ne plus se contenter de quelques publications ponctuelles sur les réseaux sociaux, davantage doit être fait.

La culture, remède aux maux de notre société

Dans une société française souffrant de fortes tensions depuis de nombreuses années et au sein de laquelle le FN se nourrit de l’impression de beaucoup d’être ignorés par les pouvoirs publics, la culture pourrait bien être une solution en favorisant l’expression de tous et l’ouverture à l’autre. En effet, M. Salazar-Martin voit dans ce vote « un manque de reconnaissance, une impression de ne pas être écoutés, qu’ils payent tout le temps, que toutes les politiques sont faites pour les autres ».

Ainsi, « la question de la culture, c’est la question de la relation à l’autre, entre les personnes. Nous, on essaye de favoriser des relations qui sont respectueuses de chacun : chacun contribue, que ce soit un maire d’un petit village ou le maire d’une très grande ville ou encore une maire récemment investie… Pour nous, l’expression de chacun et chacune est indispensable pour construire des politiques qui nous rassemblent ».

politique-culturelle
Lors de travaux, des démarches culturelles autour du lieu permettent de redonner du sens aux investissements

De plus, droits culturels et démocratisation de la culture se veulent garants d’une ouverture des esprits des citoyens mais aussi terreau d’un certain lien social : « les droits culturels, c’est prendre en compte l’avis des personnes où qu’elles soient, de chacun et chacune, enfant comme adulte. Il faut faire en sorte qu’ils puissent accéder à toute la diversité de la culture mais en même temps, la démocratisation c’est aussi l’apport culturel de cette France multiculturelle et aussi prendre en compte l’apport propre de chacune et de chacun ». Une prise en compte de la culture, des paroles, des actes artistiques et des imaginaires de chacun qui permettrait à tous de mieux se comprendre et s’accepter.

La culture, c’est aussi un moyen de redonner du sens aux investissements publics là où les citoyens semblent régulièrement perplexes face aux dépenses publiques. Ainsi, le président de la FNCC propose d’accompagner des travaux telle que la rénovation d’une place par des démarches culturelles présentant l’histoire du lieu, les matériaux qui seront employés, pourquoi cet investissement ou ces matériaux, ou encore présentant les savoir-faire qui seront mobilisés… Une façon de mieux faire comprendre aux citoyens pourquoi et comment sont utilisés les deniers publics, « ça donne du sens à l’investissement au-delà d’un simple panneau ».

Quelques propositions phares

A l’issue du Congrès qui, malgré les difficultés d’un secteur qui s’est « vu ôter près de 23 milliards sur 3 ans », s’est révélé « très positif et enthousiasmant » selon les participants, ceux-ci ont présenté une série de propositions à l’adresse du gouvernement et des principaux intéressés.

Alors que les collectivités ont été complètement bouleversées par la lame de fond de la réforme territoriale et des transferts de compétences, que « les élus ont l’impression d’avoir été dépossédés de tout » et prennent conscience des excès de dépenses par le passé, les participants du Congrès souhaitent la « reconnaissance d’une République culturelle décentralisée dotée d’outils de gouvernance au niveau territorial ».

En guise de première proposition phare, les participants du congrès appellent à une redéfinition des périmètres du Ministère de la Culture « qui ne doit plus s’appeler Ministère de la culture et de la communication car la communication est une des faces de la culture et on ne peut pas l’accoler à la culture. On veut un Ministère de la culture mais on intègre tous ce qui relève des associations, de la jeunesse, du sport » notamment parce qu’aujourd’hui l’action du ministère de la jeunesse et du sport « se résume à bien peu de choses ».

Ensuite, il y a un fort appel au renforcement du travail interministériel pour étendre aux ministères le principe de transversalité préconisée au sein des collectivités. A ceci, s’ajoute une exigence d’une meilleure répartition des moyens : « on ne peut pas accepter que, sur les 3 milliards d’euros du Ministère de la Culture, les ¾ partent pour la région parisienne ». En ligne de mire, le fait que « toutes les institutions nationales soient à Paris » à l’exception du MUCEM de Marseille et « la France culturelle, ce n’est pas que Paris ! ».

Ainsi, Florian Salazar-Martin appelle vivement à « rétablir l’égalité des territoires, que l’on écoute un peu chacun et chacune, il n’y a pas une histoire qui ressemble à une autre – c’est ça la richesse de la culture – et les politiques culturelles permettent cela »…