L’héritage féminin dans la culture est un sujet important. Une nouvelle dynamique dans les politiques publiques est de rigueur à Guyancourt.
Pourquoi les femmes sont-elles si peu nombreuses dans les rayons des bibliothèques ? Pourquoi les œuvres des autrices sont-elles si peu mises en lumière dans la programmation théâtrale ?
« Les gens ne s’en rendent pas forcément compte mais la culture fait partie des questions égalitaires », relève Bénédicte Allier-Coÿne, adjointe chargée de la culture et du patrimoine à Guyancourt (30 000 habitants).
Réhabiliter l’œuvre des femmes – notre « matrimoine »
« C’est une question sur laquelle la direction de la culture travaillait déjà quand j’ai été élue en 2014 », explique Bénédicte Allier-Coÿne. La journée internationale des droits des femmes, le 8 mars s’est muée depuis longtemps en un mois complet. Outre des spectacles, la ville en profite pour proposer des débats, à l’image de celui animé l’année dernière par la philosophe Benjamine Weil sur « le diktat du culte du corps ». Elle mobilise, pour cela, tous les acteurs de la ville qui travaillent à la programmation. Le service des sports, par exemple, contribue à la promotion de l’activité sportive auprès des femmes qui ne représentent que 36% des licenciés à Guyancourt.
Depuis la saison 2012-2013, le théâtre de Guyancourt (La Ferme du Bel Ebat) s’est de son côté fixé comme objectif une programmation artistique paritaire. Elle regroupe ainsi auteurs et autrices mais également metteurs en scène et metteuses en scène représentés dans les mêmes proportions. C’est, dans le paysage, une exception : dans les théâtres subventionnés par le ministère de la Culture, seuls 21% des textes joués sont écrits par des femmes et seules 27% des mises en scène sont assurées par des femmes. « Cette année, sur les quatre artistes en résidence, trois sont des femmes », constate même Bénédicte Allier-Coÿne. Parmi elles : Aurore Evain, enseignante-chercheuse, qui a notamment codirigé L’Anthologie du théâtre de femmes de l’Ancien Régime en cinq volumes publié aux éditions Classiques Garnier.
Faire émerger l’héritage culturel féminin
C’est depuis La Ferme de Bel Ebat, Aurore Evain – également autrice, metteuse en scène et responsable de la compagnie La Subversive – coordonne le projet « édifier notre matrimoine ». Objectif : « faire émerger l’héritage culturel féminin », « rendre visible les biens artistiques transmis par les femmes qui nous ont précédé » et, ainsi, « leur donner la place qu’elles auraient dû avoir si l’histoire ne s’était pas écrite au masculin », décrit Aurore Evain. Son projet, à Guyancourt, suscite l’intérêt d’autres collectivités. Ceux sont la Drac d’Ile-de-France et par le conseil régional qui financent ce projet.
Parmi les premiers projets portés par Aurore Evain : « La Bal(l)ade des dames ». Cette promenade poétique dans la ville de Guyancourt, organisée les 21 et 22 septembre derniers (pour les journées européennes du patrimoine), a permis de découvrir tous ces lieux portant la trace d’une femme célèbre. Square Anne-Frank, école Clara-Zetkin, rue Olympe-de-Gouges : munis de parapluies sonorisés, les participants ont écouté des textes écrits sous la direction d’Aurore Evain, mis en musique par Laurent Sellier, qui parlent de ces femmes souvent oubliées.
Associer tous les acteurs pour faire évoluer les pratiques
Depuis 2014, Bénédicte Allier-Coÿne travaille avec tous les acteurs du territoire pour pousser plus loin encore la logique. L’objectif étant ainsi d’irriguer tous les pans de la vie culturelle à Guyancourt. « Nous élus ne sommes pas là pour faire la programmation des salles mais nous pouvons donner des directions », dit-elle.
Son travail, ici, rejoint son engagement initial. L’élue était, dans sa vie antérieure, présidente de l’association Guyancourt Accueil. Celle-ci travaille avec les publics non francophones sur des actions d’alphabétisation par exemple. « Je ne suis pas une professionnelle de la culture, dit-elle. Mon but a été de porter une nouvelle dynamique pour travailler avec tous les publics. “La culture c’est du vivre ensemble et de l’éducation”, féminiser la programmation c’est répondre à cet objectif.
« il y a une vraie demande des jeunes filles lorsqu’un concert de hard rock féminin est organisé, elles viennent plus nombreuses !” précise Bénédicte Allier-Coÿne
A Guyancourt, le genre s’inscrit dans toutes les politiques publiques
Ce questionnement autour du genre, aujourd’hui, touche à peu près toutes les politiques publiques de Guyancourt. Le conseil municipal des enfants a ainsi mené des actions de lutte contre les stéréotypes à travers un projet de découverte des métiers. Pour l’année scolaire 2018-2019, les enfants ont découvert le métier d’ébéniste (représenté par une femme), de traiteur et organisateur d’événements (représenté par un homme), de maroquinier (représenté par un homme), de cheffe de chantier, de dessinatrice en construction mécanique ou encore de sage-femme (représenté par un homme).