Dés que l’on parle de ville durable, on pense en termes de normes, de règles, de labels HQE, bâtiments HQV, énergie positive, BBC… Et toutes les élues que nous croisons…
Dés que l’on parle de ville durable, on pense en termes de normes, de règles, de labels HQE, bâtiments HQV, énergie positive, BBC… Et
toutes les élues que nous croisons nous parlent de leur difficulté, dans ces méandres réglementaires, à faire valoir leur vision politique. Pour ne rien arranger, les experts et les cabinets d’urbanisme avec lesquelles elles travaillent ont vite fait de défendre leur vision avec beaucoup d’assurance. Pourtant, cette responsabilité-là de la vision politique est celle des élu.e.s.
Comment défendre votre vision face à ces experts, qui ont certes la maîtrise technique du dossier, mais qui doivent avant tout s’aligner sur vos demandes ?
Nous avons posé la question à Valérie David, directrice du développement durable chez Eiffage. Avec un Laboratoire spécialisé sur ces questions et des engagements qui deviennent des références sur le sujet, Eiffage s’est positionné comme un acteur engagé sur le sujet de la ville durable.
Elueslocales.fr : Valérie, vous conseillez aux élu.e.s d’aborder leurs projets d’urbanisme avec 3 axes en tête sur ces questions ?
Valérie David : Oui, tout à fait. Il y a 3 questions clés qui permettent immédiatement aux élu.e.s de savoir si le prestataire avec lequel ils travaillent maîtrise le
sujet de la ville durable, ou s’il a saupoudré son dossier de petits gadgets !
Elueslocales.fr : Pouvez-vous nous détailler ces trois axes ?
Valérie David : Le premier axe, c’est qu’une ville durable, c’est une ville qui s’ancre au coeur d’un territoire. Avant de parler de technologie ou d’objectifs de consommation énergétique, la première chose à prendre en compte est le “génie du territoire”. Votre ville ou votre projet s’inscrit au cœur de spécificités géographiques, climatiques, sociales, culturelles, historiques, qui sont autant de lignes qui doivent guider votre réflexion. Et quel que soit le prestataire avec lequel vous travaillez sur un projet d’urbanisme, sensibilisez-le à ces notions s’il ne vous en parle pas.
Des exemples de questions à vous poser : Comment est conçue l’architecture : des formes compactes ? Des patios ? Une arborescence ? Existe-t-il déjà des productions d’énergie renouvelables locales ? Y a-t-il des initiatives sur ces sujets dans votre région ? Fonctionnent-elles ? Quels bouquets d’énergies locales et renouvelables pouvez-vous intégrer de façon pertinente et utile à votre projet d’urbanisme ? Le cabinet ou l’agence avec qui vous travaillez utilise-t-elle des matériaux locaux ? L’architecture est-elle bioclimatique, va-t-elle s’adapter parfaitement au climat local ? Quand on parle de biodiversité, s’agit-il simplement d’espaces verts à visée esthétique ou y a-t-il déjà des expériences d’îlots de biodiversité locale qui cumulent les usages : récréatifs, agricoles, voire îlot de fraicheur en été ?
Et puis, il faut bien sûr prendre en compte les aspects culturels et sociaux : quelle est l’histoire du peuplement du lieu ? Quelles sont ses caractéristiquessocio-démographiques aujourd’hui et qu’en disent les études prospectives à 20-30 ans ? Comment sont organisés les bassins d’emploi ? Les enjeux climatiques et écologiques sont quantifiables et sont en général vite identifiés, mais ce n’est pas le cas de l’aspect “humain” du projet, qui est souvent impalpable. Expliquez, illustrez, faites vivre ces dimensions pour que tous les acteurs du projet les aient en tête et puissent les intégrer à leur réflexion.
Elueslocales.fr : en résumé, ce qui s’explique clairement se conçoit clairement….
Valérie David : Oui, tout à fait ! Je dis toujours que le bon sens doit prévaloir, et qu’il faut très être exigeant !
Le deuxième point à avoir en tête, c’est qu’une ville durable, c’est une ville efficace dans toutes ses dimensions.
Dès qu’on parle de ville durable, on pense en termes de transition énergétique, d’isolation des bâtiments, et de mobilité douce. Mais souvent, tous ces axes sont articulés après-coup dans un espace urbain qui n’a pas été pensé dans sa globalité.
L’organisation des bâtiments et des services publics favorise-t-elle l’utilisation des mobilités douces ? Comment sont organisés les systèmes d’assainissement, la collecte des déchets ? Les besoins en termes d’accessibilité numérique ? L’implantation des espaces naturels ? La végétalisation ?
Pour concevoir la ville durable de demain, il va vous falloir parler énergie, mais aussi eau, déchets, qualité de l’air…Inutile de concevoir des bâtiments efficaces énergétiquement si les gens doivent prendre leur voiture pour s’y rendre ou pour acheter leur pain ! Et cette réflexion s’applique, même si vous êtes sur un projet qui concerne “seulement” un EPHAD ou une école. Cette notion s’appelle une analyse systémique. Il faut l’exiger !
Elueslocales.fr : et votre troisième conseil…
Valérie David : Le troisième conseil que je donnerais aux élus et aux élues, c’est de prioriser les usages. La ville durable est et doit rester conçue pour ses habitants. Comment les gens vont-ils utiliser ce nouvel espace ? Comment vont-ils se déplacer autour de ce nouveau bâtiment ?
Autre atout de cette approche : éviter le technologisme. De nombreuses agences proposent toute une série de gadgets technologiques qui doivent permettre de “monitorer” la qualité de l’air, le fonctionnement d’un nouveau dispositif…mais y a-t-il quelqu’un pour suivre ces données ? Sait-on les analyser ? Vont-elles servir ? Que se passe-t-il en cas de panne : le dispositif est-il conçu pour fonctionner en mode “dégradé” si des fonctionnalités dysfonctionnent ? Evitez à tout prix le « technologisme », qui fera gonfler la facture parfois inutilement au profit d’un “air du temps” qui ne tiendra pas toujours la route.
Pour identifier ces défauts, posez des questions à votre prestataire, et si vous ne comprenez pas ses explications, fuyez ! Un ingénieur, comme un médecin, doit pouvoir vous expliquer la situation de façon claire et synthétique. D’autant plus que vous devrez vous-même restituer ces explications claires à vos concitoyens !
Elueslocales.fr : merci pour ces explications ! Avez-vous un dernier conseil pour aider nos élues dans la conduite de leurs projets d’urbanisme ou de rénovation urbaine?
Valérie David : oui, mon dernier conseil serait : exigez des plateformes d’immersion numérique en 3D pour vos projets ! La C’est un outil qui vous permet une compréhension intuitive et immédiate d’un projet, une aide à la décision qui valide la viabilité d’un projet et montre, s’il s’articule bien avec l’existant, s’il est logique, s’il s’intègre à un espace de vie ou de travail de façon fluide et intelligente. Sachez que les coûts de ces outils ont énormément diminué , sans compter que vous pourrez les utiliser efficacement dans vos concertations ou communications avec les riverains.
Elueslocales.fr : Merci pour vos éclairages !
Quelques références :
> « Eco urbanisme, défi planétaire, solutions urbaines » de Jean Haëntjens et Stéphanie Lemoine
> Un site de référence sur la ville durable : symbiocity.org