« Je voudrais me présenter sur une nouvelle mandature suite aux élections. Comment obtient l’investiture ? ». Nos conseils.
« Je voudrais me présenter sur une nouvelle mandature, mais ce n’est jamais moi qui obtient l’investiture. Comment me démarquer ? »
Cette question est une question compliquée, mais qu’on nous pose beaucoup. Elle est compliquée, car l’objectif de la politique n’est pas de déloger la personne qui est avant nous. On ne peut donc pas tellement répondre dans le cas général. Il serait en effet étrange et d’ailleurs impossible de donner des conseils sur la façon de prendre la place d’un candidat ou d’un élu, sans aucune raison autre que l’attrait du pouvoir.
Cependant, nous pouvons pour y répondre envisager un cas de figure particulier mais assez courant, et qui est peut-être celui que vous avez en tête…
Se démarquer pour obtenir l’investiture
Vous êtes nouvellement arrivée en politique, voire élue ; vous voulez mener des projets nouveaux et bouger la vie de votre collectivité, qui s’est éteinte au cours des dernières années. Imaginons aussi que le contexte local est peu propice aux changements : votre commune est par exemple dirigée depuis longtemps par une personnalité locale qui a organisé sa relève, ou par un parti politique qui s’attend à la gagner aux prochaines élections, parti dans lequel les enjeux de pouvoirs locaux sont forts.
Dans ces deux cas de figure, vous êtes dans la situation défavorable d’une succession “organisée” : une succession planifiée à l’avance, non pas avec l’objectif du bien commun en ligne de mire, mais au contraire pour un ensemble de raisons peu rationnelles qu’on rencontre classiquement dans la vie politique locale : “renvoi d’ascenseur”, négociations internes, réseau, connaissance, amitié. En résumé, tous ces critères qui ne sont pas fondés sur la performance et l’objectivité (voire qui en sont parfois l’opposé) et qui vont donc vous desservir dans votre envie de contribuer à l’intérêt général.
La première chose à savoir est que cette situation est malheureusement… très classique. Il existe même une expression pour en parler : pour désigner cette personne qui attend son tour depuis de nombreuses années, on parle au sein des partis politiques du “gars du coin”. On peut louer sa patience, mais on peut aussi être sceptique sur sa capacité à bousculer une dynamique locale à laquelle il s’est finalement accommodé depuis de nombreuses années. Autre possibilité, la personne dont vous parlez peut être un cadre national de votre parti politique qui vous serait préféré car son réseau est plus étendu.
Dans ces deux situations, vous allez devoir convaincre des gens qui ne sont pas d’emblée acquis à votre cause que vous êtes un meilleur choix que celui qui a été choisi. Comment procéder, c’est l’objet de la suite de cet article.
Le réseau, clé du succès
Le réseau, encore, et toujours, le réseau. Même si on pourrait souhaiter que la politique fonctionne différemment pour être plus efficace, le réseau, en politique plus qu’ailleurs, est l’élément indispensable qui peut vous permettre d’avancer. Qui dit réseau, dit capacité d’influence, dit poids, dit soutien. En conséquence, dès que vous êtes dans un parti politique, réseauter et prendre votre place à l’échelle nationale n’est pas seulement utile : c’est indispensable. Et le réseau, on ne le dira jamais assez, c’est aussi la proximité ! Si les gens vous connaissent, mais ne vous apprécient pas ; se méfient de vous ; ne vous font pas confiance ; ne peuvent pas rire avec vous, se livrer, partager leurs doutes, leurs aspirations, leurs objectifs (de façon relative car ça reste de la politique 🙂 ), alors ne les comptez pas dans le réseau que vous pouvez mobiliser. A l’inverse, tous ceux et celles avec qui vous pourrez créer des liens d’amitié basés sur la confiance ou au moins sur le vécu partagé de situations communes seront le moment venu des personnes que vous pourrez mobiliser autour de vous.
Travailler son réseau en interne dans son parti politique compte ; mais travailler son réseau local est évidemment tout aussi important. Toutes les communautés, les groupes de gens, les associations, que vous pouvez mobiliser autour de votre projet et que vous ferez adhérer à votre vision et à votre stratégie seront aussi des alliés de poids lorsqu’il s’agira de peser pour une investiture. Ce sont eux qui vont pouvoir faire la différence lors d’un choix entre vous et un “adversaire” candidat en même temps que vous. A condition bien-sûr, que vous pensiez à les mettre en valeur le moment opportun 🙂
Être une femme, ce n’est pas si facile
Dans certains cas de figure, la parité vous aidera mais pour beaucoup de mandats, inutile de compter dessus. Ce sera le cas en particulier pour être désignée en tête de liste ou candidate aux législatives. Et pourtant… vous avez un atout phare dans votre manche car en tant que femme, il est très probable que vous incarniez le renouvellement. Vous allez bénéficier d’un crédit d’image qui vaut qu’on considère les femmes comme moins corrompues, plus proches du terrain, plus aptes à incarner le renouvellement de la classe politique. Pour une fois que des stéréotypes peuvent vous aider, c’est le moment d’en profiter !
A l’inverse, le gars du coin va incarner, à juste titre dans les cas de figure cités ci-dessus, la politique politicienne, la cooptation, le passage de flambeau obscur et injustifié, bref, à peu près tout ce qui éloigne les citoyens de la politique. Exit donc les doutes sur vos compétences : quitte à surjouer la fermeté si vous sentez que c’est nécessaire, vous êtes là pour montrer que vous allez vraiment changer les choses et faire avancer les projets que vous mettez en avant.
Les lois sur la parité peuvent aussi vous desservir si le candidat en place, dans le cas d’un binôme ou d’une liste, cherche des suiveurs/suiveuses… alors que vous avez envie d’impulser les choses. Parmi les témoignages que nous recevons, beaucoup de femmes se plaignent de ce cas de figure : elles arrivent pleines de bonne volonté et avec la ferme intention de changer les choses très vite, mais se heurtent à l’incompréhension ou à la fermeture de leurs supposés alliés politiques.
Si c’est votre cas : gardez votre bonne volonté… et gardez aussi en tête que le temps de la politique est lent. Lent, parce qu’il faudra que les gens vous connaissent pour croire en vous. Lent aussi, parce qu’il vous faudra souvent convaincre beaucoup de personnes du bien-fondé de vos idées avant de les voir appliquées. Dans ce deuxième cas de figure, ayez aussi en tête que ceux qui vous entourent ne cherchent pas forcément l’immobilisme, mais qu’ils cherchent certainement quelqu’un en qui ils puissent avoir confiance. Prenez donc le temps qu’il faudra pour découvrir leur point de vue, leur agenda, leurs objectifs, avant de parler des vôtres.
Le fait d’être à l’écoute permet souvent d’avancer plus vite et de façon plus fluide et concertée.
Vos valeurs au cœur de votre action
Troisième point, le dernier mais de loin le plus important : vous êtes là pour défendre des idées et des valeurs. Vous avez des convictions que vous souhaitez mettre au service de l’intérêt général. Gardez-les chevillées au corps ! Parfois, une bonne stratégie consistera à faire ce lent travail de fourmi dont nous venons de parler. Et dans certains cas plus rares mais qui existent, la bonne stratégie sera au contraire de vous présenter de façon frontale contre l’élu ou le candidat établi, avec toute votre énergie, votre envie de changer les choses, peut-être votre envie de rajeunir aussi la liste, d’apporter plus de diversité ou plus de société civile dans les profils qui vous entourent.
Bien-sûr il existe une prime au sortant, mais dans des communes de quelques milliers d’habitants, vous pourrez rencontrer beaucoup de vos concitoyens et leur montrer en face-à-face la force de vos convictions.
Quel que soit le cas de figure que vous choisissez, aucun chemin ne sera facile. Souvent, ces processus prendront du temps, et peuvent impliquer des échecs sur la route avant de connaître le succès. Mais gardez en tête, comme le disait Churchill, que “le succès, c’est aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme”. Et la route en vaut la peine 🙂