Le combat pour améliorer la place des femmes dans l’espace public est d’actualité, le bilan de la condition des femmes en ville est mitigé.
A l’heure de l’annonce de la pénalisation du harcèlement de rue, le combat pour améliorer la place des femmes dans l’espace public semble, plus que jamais, d’actualité. Pourtant, le plus dur reste à mener : une grande enquête dresse le bilan très mitigé de la condition des femmes dans les quartiers prioritaires de la ville, mais propose aussi des solutions pour y remédier.
Une enquête menée par le Conseil national de la ville
L’égalité entre les femmes et les hommes est considérée par le Président de la République actuel comme « la grande cause nationale du quinquennat ». Pour joindre la parole aux actes, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a entrepris un « Tour de France de l’égalité », d’octobre 2017 à mars 2018 pour établir les priorités d’actions à mener par le gouvernement.
C’est dans ce contexte qu’est née cette enquête sur « La place des femmes et des jeunes filles dans les espaces publics dans les quartiers prioritaires de la ville », organisée par le Conseil national des villes (CNV) pour le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Le CNV a voulu étudier au plus près la réalité des femmes dans un espace qui soulève de nombreuses problématiques pour elles, comme en témoigne la présentation de l’enquête : « Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), les femmes sont confrontées à de nombreuses entraves au principe d’égalité qui affectent notamment leur émancipation et leur plein accès aux droits fondamentaux. Beaucoup subissent une double discrimination en raison de leur sexe d’une part, et de leur origine réelle ou supposée, ou en raison de leur lieu d’habitation, d’autre part. »
Dresser un constat loin des clichés
Beaucoup d’études évoquent les nombreuses difficultés pour les femmes de vivre en milieu urbain, un espace qui serait avant tout pensé pour les hommes. C’est un problème qui ne semble pas être assez pris en compte dans les politiques de la ville selon le rapport : « Si nombre de décideurs mettent en œuvre chacun à leurs niveaux de responsabilité collective et individuelle des actions destinées à réduire les inégalités, il est malheureusement encore inlassablement nécessaire de rappeler qu’il s’agit d’une politique publique. Il va bien au-delà de la conscience individuelle d’établir la cartographie du sexisme ordinaire pour permettre à toutes et tous LE DROIT A LA VILLE. »
Mais si l’étude évoque les quartiers prioritaires, elle vise aussi à écarter tous les stéréotypes habituels qui pourraient en découler, notamment sur la religion ou les origines, afin d’être au plus près de la réalité et cela, sans a priori. L’enquête propose un regard neuf : « Il est donc nécessaire de « déconstruire ». Aussi, le CNV tient à affirmer que lutter aujourd’hui pour l’égalité, la liberté et l’émancipation des jeunes filles et des femmes est avant tout une question politique qui doit être portée par les hommes et les femmes de progrès, volontaires. »
Les femmes dans les QVP : un enjeu social ?
Cette grande enquête a pu établir quelques constats afin de mieux comprendre la situation des femmes dans les quartiers prioritaires. Tout d’abord, les femmes y sont légèrement plus nombreuses que les hommes : « 52,1%; contre 51,5 % dans les unités urbaines environnantes », avec une surreprésentation des familles monoparentales (24,1% contre 15,7%). Dans près de 90% des cas, c’est une mère qui vit seule avec son ou ses enfants.
La situation en matière d’emploi est aussi un facteur d’exclusion : seulement une femme sur deux chez les 30-49 ans aurait un emploi, avec une forte proportion de temps partiels, alors qu’elles sont 4/5 dans les autres quartiers. Le taux de chômage est très élevé (23% contre 9,5%). Mais « 50% des femmes de 15 à 64 ans se situent en dehors du marché du travail et ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en recherche d’emploi. »
D’une manière générale, la pauvreté y est très forte et concerne d’abord les femmes : « plus d’une femme sur trois vivrait sous le seuil de pauvreté ». Ce qui aurait des conséquences directes sur leur santé : « 31,2% des femmes des zones urbaines sensibles déclarent avoir renoncé à des soins pour raisons financières ».
L’insécurité est aussi un problème majeur dans les QPV : « 30 % des femmes se sentent en insécurité dans leur quartier, contre 18% des hommes. » Et alors que le sentiment d’insécurité décroît régulièrement en fonction de notre âge, « il augmente avec l’âge dans les QPV. » Enfin, la mobilité, et d’une manière plus générale les personnes véhiculées, y sont bien moindres dans les QPV qu’ailleurs, ce qui renforce la question de l’isolement des femmes dans ces quartiers.
Une meilleure prise en compte des femmes dans la politique de la ville
Si l’enquête permet d’établir un bilan de la situation, elle propose surtout des solutions aux élu.e.s afin d’améliorer la condition des femmes dans les quartiers prioritaires de la ville. Mais cette amélioration « implique d’être portée par une volonté politique de l’ensemble des décideurs des contrats de ville (Élus, services déconcentrés de l’État, entreprises, associations, conseils citoyens) et des concepteurs et techniciens des projets sociaux et urbains. » Quatre grandes actions sont ainsi proposées :
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- « Des programmations annuelles des contrats de ville qui fassent l’objet d’une « lecture genrée » afin de déterminer des indicateurs (éducation, santé, social, mais aussi l’emploi, économie, transports, loisirs et numérique) et des objectifs de progrès chiffrés, et expérimentent des budgets genrés et un « bonus » incitatif pour les associations œuvrant pour et sur les quartiers. »
- « Des temps d’occupation équilibrés des équipements sportifs et de loisir, et en même temps des espaces non mixtes de proximité réservés aux adolescentes. »
- « Des diagnostics et cahiers des charges des projets urbains qui prennent en compte les temps de vie des femmes et leur mobilité et soient inscrits dans le règlement général de l’ANRU. »
- « Des infrastructures de mobilité qui soient réfléchies et conçues comme des espaces de sociabilité. »
Finalement, ce sont des recommandations qui peuvent s’adresser à l’ensemble de la ville, quartiers prioritaires ou non. Des pistes comme les marches exploratoires, fortement recommandées par l’étude, représentent un excellent moyen de dresser le bilan de sa commune. Car prendre en compte le problème, c’est déjà œuvrer pour sa solution.