Pas loin de la si-décriée centrale nucléaire de Fessenheim, à Ungersheim, la transition énergétique n’est pas qu’un concept. Dans cette petite commune du Haut-Rhin, elle est une réalité marquée par de…
Pas loin de la si-décriée centrale nucléaire de Fessenheim, à Ungersheim, la transition énergétique n’est pas qu’un concept. Dans cette petite commune du Haut-Rhin, elle est une réalité marquée par de nombreuses actions concrètes, un vrai laboratoire pour « faire autrement ». Coup de projecteur sur une expérience unique qui fonctionne.
Un changement de paradigme aux origines de la démarche
A Ungersheim, la transition énergétique n’est pas un concept abstrait difficile à mettre en œuvre, motivé par les impératifs du changement climatique récemment médiatisés. Pour le maire Jean-Claude Mensch, « c’est une réflexion engagée depuis 10-15 ans, qui répondait à une volonté économique mais aussi sur un certain nombre de convictions ».
Dans cet ancien bassin minier, la fin de l’industrialisation et la fermeture des mines ont considérablement fragilisé le lien social qu’elles entretenaient. Dès lors, à l’instar de territoires similaires comme le Nord-Pas-de-Calais, un nouveau modèle devait être impulsé. Une opportunité à saisir pour l’ancien mineur Jean-Claude Mensch.
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Ainsi, en prenant les rênes de la mairie en 1989, « on a hérité d’un groupe scolaire et d’une piscine alimentés par l’électricité et on a décidé de passer aux énergies alternatives pour changer le mode d’approvisionnement. Cela répond donc à une réalité économique mais aussi à un certain nombre de convictions que nous partagions car on aurait pu se tourner vers des énergies fossiles ».
Si le bois a été choisi comme énergie alternative, l’énergie solaire a aussi été privilégiée. C’est ainsi que la plus grande centrale photovoltaïque d’Alsace est implantée sur le territoire de la commune. D’une puissance de 5,3 MWc (soit 5,3 millions de watt-crêtes), cette centrale serait capable d’une production correspondant à celle consommée par 10 000 habitants, hors chauffage.
A l’instar de bien des communes en France, Ungersheim « est engagée dans une démarche 0 produit phytosanitaire, dans les produits d’entretien certifiés écologiques, dans l’éco-habitat depuis 2007-2008, une démarche écologique car nous sommes un noyau qui a à cœur les problématiques du réchauffement climatique ».
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Il ne faut pas oublier que, si l’on se focalise bien souvent sur le volet énergie de la transition, elle s’accompagne également souvent d’une volonté de remodeler le lien social et les relations entre les individus, essayant de remettre au centre des relations la solidarité et de lutter contre l’individualisme.
C’est ainsi que, depuis 2009, la municipalité a mis en place le plan « nos 21 actions pour le XXIe siècle » fondé sur deux principes clés : la démocratie participative et l’autonomie intellectuelle. Au-delà de la démarche politique, économique ou écologique, « ce que l’on recherche surtout, c’est la création de lien social, plus de compréhension, plus de connexion entre les gens et, cela à travers la démocratie participative, la transition énergétique ou la souveraineté alimentaire qui ne sont au final que des outils » nous explique le maire d’Ungersheim.
« L’autonomie intellectuelle, c’est plus de liens et essayer de faire en sorte de rendre l’homme plus indépendant du système consumériste »
En mettant au cœur du fonctionnement de la commune démocratie participative et autonomie intellectuelle, l’idée est de promouvoir “l’intelligence collective”, le « penser par soi-même en se libérant du conditionnement publicitaire, de la dictature de la pensée unique, qui impose une vision de la société et de l’économie qui est unidimensionnelle et qui empêche une réflexion plus diversifiée, plus libre ».
Des actions concrètes aux bénéfices réels
Ces actions « tous azimuts » portent sur des projets aussi différents que « la monnaie locale ou l’école de la transition : les élèves y mangent 100 % bio depuis 2009, ils sont conduits à l’école par le cheval, ils participent aux travaux dans les champs, ils ont un potager à l’intérieur de l’école, ils auront bientôt une mare pédagogique sur la permaculture…. Ils relèvent aussi le défi des économies d’énergie sur le chauffage d’eau et les économies d’électricité dont les résultats sont reversés à la coopérative scolaire ». L’indépendance alimentaire est assurée par la création d’une exploitation maraîchère Bio de 8 hectares en chantier d’insertion.
Dans la lignée de la démocratie participative, des chantiers participatifs sont aussi à l’honneur dans la commune « sollicitant une participation des citoyens dans la phase de réalisation comme lors de la plantation de 1 500 arbustes pour recréer des potagers, il y a eu une centaine de citoyens qui sont venus aider. Lors de la construction de la ferme, l’isolation a été faite par des bottes de paille qui ont été installées sous forme de chantier citoyen ».
L’utilisation d’un cheval pour le ramassage des déchets valorisables ou pour le transport scolaire est tout particulièrement significatif d’un changement de réflexion intellectuelle sans pour autant reculer sur les impératifs économiques : si l’on reste dans un petit périmètre (centre-ville, quartier), « sur le village, on est concurrentiel au camion et il ne pollue pas et c’est moins cher. En plus, le cheval apporte de l’humanité, de l’animation. Pour les enfants, il est devenu la mascotte, une plus-value sociale ».
Cette « politique vertueuse a affiché très vite des résultats positifs » nous certifie Jean-Claude Mensch. Les bénéfices sont tangibles, concrets : « aujourd’hui, on n’augmente pas les impôts communaux malgré la baisse des dotations de l’Etat depuis 2005. On fait des économies sur un budget de fonctionnement d’1,8 millions d’euros, avec 120 000 euros de recettes nouvelles ou d’économies réalisées chaque année, avec 600 tonnes de gaz à effet de serre non rejetés et, depuis 2011 – date à laquelle nous avons officiellement rejoint la démarche de transition énergétique -, une centaine d’emplois créés… C’est une démarche écologique qui s’appuie aussi sur de vrais arguments économiques ».
De nouvelles façons de faire et penser qui doivent encore convaincre
Aussi prometteur soit ce modèle de fonctionnement, beaucoup rétorqueraient qu’il semble bien plus aisé à mettre en place dans une petite commune que dans une métropole. Jean-Claude Mensch réfute cela : « c’est vrai mais que partiellement. Pour moi, il y a une échelle pertinente : au niveau réactivité et échelle pertinente pour toucher le citoyen, dans une une grosse agglomération, on est trop diffus, on est trop éloigné. Donc le village de 2 000 – 4 000 habitants devient une échelle pertinente. Ce qui ne veut pas dire que la ville [de plus grande échelle] n’est pas concernée : elle est plutôt concernée sur des projets de quartiers, de riverains… qui restent une échelle pertinente ». Chantiers citoyens, conseils citoyens, alimentations des bâtiments communaux par énergies renouvelables mais aussi élus qui s’impliquent et donnent l’exemple sont des façons relativement simples d’opérer un début de transition écologique, peu importe l’échelle, selon le maire d’Ungersheim.
Alors que bien des collectivités se lancent dans les solutions numériques ou robotisées, que répondre aux partisans du progrès technologique permanent qui pourraient être révoltés par le recours à un cheval et un tel “retour en arrière” ? Tout simplement, que la réflexion intellectuelle est très différente : « l’utilisation du cheval, c’est une insertion de l’animal dans la modernité. Alors qu’au début du siècle, il était très présent dans les collectivités et, aujourd’hui, il a complètement disparu. Or, il rend des services multiples et c’est aussi un autre rapport au temps : c’est le temps de la nature, de l’animal, ce rapport-là nous ramène à de justes proportions. On ne court pas après le temps ».
De nouvelles façons d’agir et de réfléchir qui n’ont pas été faciles à mettre en place : « on a eu des fortunes diverses, c’est un long chemin, difficile. Si, parfois, on a des résultats satisfaisants, ce n’est pas tout le temps évident… ». Cependant, les nombreuses actions ont progressivement marqué les esprits et « 95 % de la population a déjà entendu parler de nos actions, plus de la moitié sait bien ce qu’est la transition énergétique et saurait expliquer la démarche. On a à peu près 25-30 % qui se sont déjà investis dans au moins une de nos actions même si ce n’est souvent que ponctuel ».
Pourtant, si Ungersheim est dans une démarche de transition énergétique depuis longtemps, en faire de même est de plus en plus urgent : « il faut continuer les avancées du mandat Hollande, ce serait vraiment dommage qu’on en reste là parce que, ce qu’on a réussi à mettre en place, ça fonctionne. Avec le modèle [majoritaire] d’aujourd’hui, on va droit dans le mur. D’ailleurs, on y est déjà dans le mur. La transition écologique, c’est la pierre angulaire de la société de demain ».
Pour découvrir d’autres initiatives de transition dans le Grand-Est, rendez-vous à la Journée des Femmes Elues.
Bande annonce du film Qu’est-ce qu’on attend de Marie-Monique Robin, qui revient sur le modèle de vie proposé à Ungersheim.