Politiques d’urbanisme et politiques de déplacement : pourquoi ces deux thématiques sont-elles si peu travaillées ensemble ?
Chacun l’observe, les politiques d’habitat ont été menées sans anticiper les transports et les flux qui en découlent. Résultat : les zones périphériques sont désormais engorgées et les utilisateurs passent des heures dans les “bouchons”. Les documents d’urbanisme sont connus des élu.e.s, les politiques de déplacement aussi. Mais alors, pourquoi ces deux thématiques sont-elles si peu travaillées ensemble ? Focus sur un mélange indispensable pour concevoir un territoire intelligent.
Les enjeux du volet transport dans les documents d’urbanisme
Depuis une cinquantaine d’années, les villes se sont adaptées aux voitures. Ce qu’on appelle le “tout voiture” – penser ce moyen de locomotion pour tout type de déplacement, même quand ce n’est pas nécessaire – est aujourd’hui de mise. Ces décennies ont provoqué une organisation tournée sur l’accessibilité des habitations en faisant perdre le maillage entre les citoyens. Les politiques organisées sur les territoires on favorisé le confort des habitant en créant de multiples voies dédiées aux lieux de vie sans forcément se projeter dans un futur automobile. Par exemple, les voies sans issues sont maintenant considérées comme des hérésies urbanistiques tant le maillage de quartiers devient difficile quand ces dernières sont multipliées. Les grands axes routiers sont engorgés et les contournements deviennent difficiles. Ainsi, les moyens d’utiliser les déplacements comme liens optimisés à la vie de la commune ont été oubliés.
La nécessité de repenser l’organisation pour résulter d’un meilleur modèle de développement des territoires est indispensable. Les raisons sont multiples : entre enjeux climatiques – le secteur automobile est le plus gros émetteur de gaz à effet de serre – rentabilité des transports collectifs ou commun un moyen de ré-insuffler de la vie à la commune. Les transports sont aujourd’hui un des principaux leviers d’action sur les objectifs énergie-climat fixés par l’Union Européenne. Au-delà des possibilités d’un déplacement plus propre, le transport est un vecteur social, économique mais aussi lié à l’éducation, entre autres. Ce n’est pas une simple thématique à aborder mais le véritable lien entre l’ensemble des acteurs du dynamisme d’un territoire.
Comment intégrer les déplacements à sa projection urbanistique ?
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Les déplacements dans le diagnostic urbanistique
Quel que soit le document d’urbanisme (PADD, PLU, PLUi) le passage par le diagnostic est la première étape. Une des portes d’analyse est d’observer et comprendre les déplacements des citoyens ainsi que des travailleurs au sein du territoire afin d’intégrer leurs agissements aux orientations – que ce soit pour les corriger ou les encourager. Attention, les déplacements à suivre ne sont pas seulement les trajets travail – domicile mais bien l’ensemble : loisirs, achats du quotidien,…
Pour cela, la commune de Baons-le-Comte a interrogé les utilisateurs de vélos afin d’orienter de nouvelles organisations cyclables et de renforcer les voies à succès. A Merville, une démarche participative a été réalisée pour “enrichir la connaissance des pratiques” : l’expérience des usagers a permis de fournir des données pour, là aussi, définir la politique la plus adaptée.
Penser aux déplacements dans la citée en phase de diagnostic peut totalement changer l’orientation d’un PLU. Souvent, l’idée préconçue par les élu.e.s des habitudes des citoyens est très loin des réalités. Pour mener à bien un diagnostic qui sera au plus près des réels déplacements, pensez à analyser :
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- les motifs de déplacements
- les modes utilisés
- les données quantitatives et qualitatives (distance, temps, nombre, chemins malins, vitesse, …)
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Les données utiles
Souvent le territoire dispose déjà de données : études, anciens documents d’urbanisme, enquêtes, recensements, entre autres. Il convient de les compléter ou les mettre à jour pour avoir une vision globale et cohérente. Cependant, disposer d’anciennes données permet d’évaluer les évolutions : une analyse très précieuse qui laisse entrevoir si les anciennes politiques ont porté leurs fruits. Par exemple à Pont-Audemer, la commune s’est saisie des date en sa possession. Analysant sa situation et observant une population vieillissante et de plus en plus monoparentale, l’offre de logement a été adaptée. Celle-ci permet à cette typologie d’habitants de pratiquer des déplacements doux : à pied ou à vélo au plus près des centres villes.
Une donnée utile est une étude analysée et évaluée : le territoire n’en sera que plus cohérent. Par ailleurs, il ne faut pas hésiter à ouvrir les frontières : à Ry, par exemple, la commune s’est comparée à un territoire voisin afin de comprendre si les mouvements observés sont identiques à quelques kilomètres. Enfin, les collectivités ne sont pas les seules à avoir des informations locales au plus près des citoyens : les entreprises et les associations sont des viviers à ne pas négliger et, surtout, à mobiliser. Par exemple, les entreprises ont des retours sur les zones de chalandise, une visibilité sur la fréquentation, des hausses ou baisses de chiffre d’affaires qui témoignent d’un dynamisme local.
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Les cartes comme soutien
Evidemment, dans un document d’urbanisme les cartes font partie des incontournables. Elles permettent de prendre de la hauteur et analyser le sujet dans sa globalité. Dans certaines communes, comme à Ry, la carte a eu une utilité supplémentaire : tous les secteurs avec accessibilité aux PMR ont été répertoriés et, de là, les zones de services accessibles en 5 minutes ont été définies. Ensuite les orientations politiques, se portant sur une accessibilité accrue et des services pour les Personnes à Mobilité Réduite, ont été menées en s’efforçant de réduire les temps de déplacement.
La carte peut être lue par différents axes, par exemple une carte des transports en commun permet d’analyser si les services sont suffisamment desservis et si le réseau est adapté aux déplacements. Il en est de même avec la carte des parkings et des axes engorgés. Avoir une lecture via une carte permet de réfléchir en globalité sur des axes très particuliers qui ont été mis en exergue lors du diagnostic.
Concrètement, quelques pistes d’approche
Inscrire les déplacements et la mobilité dans son document d’urbanisme peut prendre de multiples approches. Il n’y a pas de lecture juste ou fausse, chacune s’adaptant à un territoire particulier.
Par exemple, l’un des angles possibles est celui du stationnement : véritable consommateur d’espace, la politique orientée est tout à fait nécessaire pour mailler toutes les activités et destinations au sein d’une commune. Par exemple, la commune de Port-Vendrès s’est attachée à la politique de stationnement – se déplacer c’est aussi se garer – et l’a choisie comme point d’entrée de l’analyse du PLU. L’ambition de l’équipe municipale était de favoriser les places autour des commerces locaux et du littoral, afin de tenter d’impulser un dynamisme économique et de répondre au mieux aux attentes des vacanciers. Le stationnement doit être traité et peut avoir plusieurs utilités : zones économiques, parkings de co-voiturage ou parkings “relais” tels des points intermodaux. A ne pas oublier : le stationnement ne sert pas qu’à un déplacement mais aussi à se rapprocher de chez soi. Les citoyens ont besoin d’avoir une zone de parcage proche de leur lieu d’habitation. Certaines communes, comme à Brive-la-Gaillarde, adoptent dès lors, la mutualisation des stationnements entre zone résidentielle et d’activité.
D’autres pistes mettent en marge les déplacements par des véhicules motorisés pour favoriser les voies douces. Pour recréer un dynamisme local, la voie piétonne ou cyclable est de plus en plus exploitée par les communes comme à Baons-le-Comte qui s’entoure des citoyen.e.s concerné.e.s pour développement et solidifier le réseau de chemins doux.
Enfin, les transports collectifs doivent être pris en compte dans les documents d’urbanisme. Même si les choix de ligne de bus, de tram ou d’autres transports se font via d’autres collectivités (intercommunalités, départements – de moins en moins chef de file – et bien sûre les régions) rien n’empêche les communes de s’organiser pour créer de la cohérence entre l’offre de transport et son orientation politique. Par exemple, les communes de l’Hermitage et de Betton ont eu les mêmes politiques : densifier les logements autour des pôles de transports en commun et organiser un stationnement cohérent auprès des gares.
Quel que soit l’angle choisi pour intégrer le volet déplacement dans un document d’urbanisme, il est indispensable d’y penser. Aujourd’hui trop peu de communes ont une politique forte et tranchée sur les évolutions des déplacements et la projection dans le temps. Remède à des maux déjà installés sur les territoires, les élu.e.s ont en main bon nombre d’éléments pour trouver des amorces de solutions et travailler à un développement cohérent sur les prochaines années.