Aujourd’hui, dans “vie d’élue” une jeune élue, nous parle de son expérience et de ses difficultés rencontrées dans le cadre de son mandat !
Aujourd’hui échanges avec une jeune élu.e d’une commune de 4.000 habitants. Elle nous a parlé de ses difficultés dans son mandat : parmi celles-ci, sa capacité à ne reconnaître personne. Sans mémoire des visages, ni des noms, elle nous conte ses péripéties.
Toujours sourire, même quand on ne sait pas qui nous parle
Je suis élue depuis 2014 et j’ai hérité d’une particularité de ma famille maternelle : je ne suis pas du tout physionomiste. Ajoutez à cela la particularité de ma famille paternelle – aucune mémoire des noms – et vous découvrirez mes problématiques quotidiennes.
Si je reconnais une part non négligeable – enfin c’est ce dont j’ai l’impression – des citoyens qui m’entourent, je ne compte plus les fois où certains m’ont parlé sans que je ne sache qui c’est. Franchement, ce n’est pas un exercice aisé. Alors, j’ai développé une technique, apprise auprès des plus grands – j’ai nommé ma mère – sourire et orienter la discussion pour avoir le plus d’informations possibles ; et qui me permet souvent de m’extirper de situations inconfortables.
Mais ce n’est pas toujours le cas, je ne parviens pas toujours à remettre un “nom” – ou devrais-je dire un contexte, car même les noms ne sont pas tous intégrés – sur un visage. Donc, je brode. Je parle de tout et de rien, sans jamais trop aller dans le détail. Heureusement, il y a toujours beaucoup de choses à dire sur la commune ce qui me permet d’éviter les sujets trop personnels.
Assumer ce défaut
Ma deuxième stratégie est de répandre la bonne parole dans le cadre de mon mandat : je dis à qui veut bien m’écouter que je ne reconnais personne. Dès que je rencontre quelqu’un : lors de la rencontre des nouveaux arrivants, quand je célèbre un mariage, alors que j’échange avec des commerçants ou des membres d’associations, je leur demande de ne pas se vexer si je ne les salue pas dans la rue, ce n’est pas que je ne veux pas mais simplement que je ne les reconnais pas. Au moins, je les aurais prévenus !
Je me rappelle encore ce jour où je pense identifier le nouveau médecin de la commune à la sortie du tabac presse, rencontré 3 jours plus tôt lors de l’accueil des nouveaux arrivants, il est le remplaçant d’un médecin présent dans ma commune depuis plus de 40 ans. Je m’avance avec un grand sourire et lui demande si le cabinet se porte bien… Je distingue un regard hagard se former sur son visage… Cette personne n’était ni médecin, ni nouvel arrivant, simplement quelqu’un qui avait la même coupe de cheveux. Encore raté !
Depuis cet épisode, je décide de jouer sur mon capital sympathie. Je ris et leur explique mes difficultés à reconnaître les uns et les autres. Je demande à tout le monde de ne pas se méprendre… et décide de les laisser avec cela. Au mieux, s’ils ont le même problème, ils se sentent moins seuls, au pire ils sont vexés et ça ne changera pas mon incapacité à discerner les visages.
Je dois avouer que je suis un peu en admiration devant celles et ceux qui enregistrent tous les visages rencontrés lors du mandat ! Ceux qui me disent “regarde, Madame Y, tu sais son fils est employé à la poste et elle nous a parlé de son projet de restaurant”. Avant de savoir que Madame Y s’appelle comme cela, et que c’est elle qui traverse la route… il me faut plusieurs explications. Heureusement, j’ai le souvenir des projets ! On retombe bien sur ses pieds à un moment ou à un autre…
Il m’aura fallu un peu plus de 3 ans pour me décider à assumer “ce vilain défaut”. Mais cela porte ses fruits, certains me demandent maintenant directement si je les reconnais, je n’ose mentir et leur demande un peu plus de détails sur leur vie… et ça marche ! Tant pis pour ceux qui se méprennent, c’est qu’on ne devait pas devenir proches !