Cette femme élue de Suresnes, devient l’ambassadrice de la chartre pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale.

Gunilla Westerberg-Dupuy a été l’une des premières à obtenir, en France, l’adhésion de sa commune à la charte pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale. Une charte dont elle est aujourd’hui l’ambassadrice. Rencontre avec l’élue qui, arrivée il y a vingt ans de Suède, a contribué à transformer les politiques publiques conduites à Suresnes.

Son histoire avec la France a débuté il y a presque 50 ans quand, lycéenne, elle a rencontré ce jeune Parisien, Christian. L’histoire n’a duré que le temps des vacances mais elle a été suffisamment forte pour renaître 30 ans plus tard. En 2002, Gunilla Westerberg est journaliste et mère de deux (grandes) filles quand elle lâche tout pour venir rejoindre celui qui, depuis, est devenu son mari.

“J’ai d’abord travaillé avec la Suède comme journaliste consultante mais, depuis, j’ai arrêté”, raconte Gunilla Westerberg-Dupuy. Elle s’implique rapidement dans la vie locale à Suresnes dont son époux est le maire depuis 1983. “J’ai été surprise, en arrivant, de découvrir un pays où il y a beaucoup d’immigration mais où il n’y avait rien d’organisé pour apprendre la langue – comme c’était le cas dans mon pays d’origine, raconte-t-elle. J’ai été surprise de découvrir un pays où, sur les questions d’égalité, il y avait 30 ans de retard sur la Suède.”

Passer des idées à l’action

Ses idées, exprimées avec franc parler, intéressent l’équipe de Christian Dupuy qui propose à la journaliste de rejoindre la liste des candidats aux municipales en 2008. Gunilla Westerberg-Dupuy est élue et, pour sa première délégation, elle reçoit l’égalité des chances. Avec un défi: trouver les moyens de déployer des politiques publiques qui prennent en compte la question, alors “impensée”, de l’égalité femmes-hommes.

La charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale s’est imposée comme l’outil clef de sa démarche. Cet outil – développé à l’initiative du Conseil des communes et régions d’Europe (le CCRE), avec le soutien de la commission européenne – inscrit la problématique de l’égalité entre les femmes et les hommes dans toutes les politiques publiques locales. La ville de Suresnes a été la première en France à adhérer à la charte – qui compte aujourd’hui près de 2 000 signataires en Europe. C’était en 2011. Son expérience a valu à Gunilla Westerberg-Dupuy d’être nommée, en 2014, présidente de la commission “égalité femmes-hommes” au sein de l’Association française des communes et régions d’Europe (AFCCRE).

Un outil pour mieux agir

La charte est un outil très opérationnel qui – outre des grands principes – énonce tous les champs d’action possibles pour le signataire: participation des femmes à la politique et à la vie locale, gestion des ressources humaines au sein-même de la collectivité, mise en place de critères d’égalité pour sélectionner les prestataires candidats aux marchés publics, développement de services qui n’excluent ni les femmes ni les hommes… Sur ce dernier point, alors que les agents à la ville étaient convaincus d’être “neutres” face aux administrés, le diagnostic réalisé en 2011 pour construire le plan d’actions a révélé un traitement inégal selon le sexe. 70% des bénéficiaires des bourses attribuées pour financer le Bafa étaient des garçons (alors même qu’ils sont moins nombreux que les filles à le passer). 80% des bénéficiaires des bourses au permis de conduire étaient encore des garçons. A la ville, les femmes cadres (catégorie A) gagnaient 18% de moins que les hommes, tandis que dans la population générale les Suresnoises gagnaient 25% de moins que les hommes. La liste pourrait être longue mais l’énonciation des données a permis de faire prendre conscience, au sein de la collectivité, de l’ampleur du problème.

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Un plan d’actions ambitieux et en constante évolution 

Le plan d’actions adopté en 2011 comportait 55 actions. “Aujourd’hui, nous avons plus de 70 actions!” comptabilise Gunilla Westerberg-Dupuy. Cette “inflation” soulève une des difficultés de toute politique dédiée à l’égalité: “Si on arrête de suivre une action, on recule. Il ne faut jamais jamais lâcher. Mon job, c’est de mettre la pression sur mes collègues, parce que si l’objectif est partagé, l’égalité n’est pas la normalité.” La démarche, en tout cas, a permis à la ville d’obtenir en 2014 le label égalité délivré par l’Afnor.

Aujourd’hui, les aides municipales à destination des jeunes sont attribuées de manière égalitaire entre les jeunes. Les subventions aux clubs sportifs ont été conditionnées à l’ouverture de sections féminines. “Le club de football est passé de 0 à une centaine de filles en 6 ans, se félicite l’élue. Même chose au club de rugby: il compte aujourd’hui une trentaine de filles.”

La commune a instauré un nouveau mode de calcul pour le quotient familial dans les familles monoparentales (où le chef de famille est dans 97% des cas une femme). A revenu égal, ces familles payaient plus cher les services municipaux, car elles bénéficiaient d’une demi-part de moins. 294 familles ont ainsi bénéficié en 2018 d’une demi-part supplémentaire qui permet de rendre financièrement plus accessibles les services municipaux comme la cantine.

Les enfants dont les mères sont en situation de précarité – ou dans un parcours d’insertion professionnelle – ont une priorité pour l’accès en crèche. Trente enfants étaient dans ce cas en 2018. Un espace enfants-parents, La Parenthèse, a été créé pour “faciliter l’implication des pères dans l’éducation des enfants”; il a accueilli, lors de ses séances le samedi matin, 216 adultes en 2018 – dont 69 pères.

Mixité et prise en charge des femmes victimes de violences au coeur des actions de ce mandat

La commune a également développé la mixité dans ses services. Les services techniques et des espaces verts se sont féminisés. “Nous avons recruté cinq hommes en crèche mais il ne sont pas tous restés”, constate Gunilla Westerberg-Dupuy. Et, pour adapter les politiques publiques aux besoins de tous les habitants, la commune s’appuie (notamment) sur des conseils consultatifs de quartier qui comptent 157 membres (81 femmes et 76 hommes). Les filles et les garçons sont également représentés de manière équitable au sein du conseil communal des jeunes. 

Parmi les dernières actions mises en place, la prise en charge des femmes victimes de violences s’est renforcée, avec en 2019 l’instauration de “bons taxi” et l’ouverture de quatre appartements supplémentaires pour leur relogement. Avec 70 mesures inscrites au plan d’actions, la liste est longue des avancées qui contribuent à rétablir une plus grande égalité des chances entre hommes et femmes. Le chantier n’est pas terminé.

Il ne sera probablement jamais terminé. Il se poursuivra toutefois sans Gunilla Westerberg-Dupuy qui, à 65 ans, raccroche, en même temps que son époux. Le couple, qui ne se représentera en 2020, va enfin pouvoir profiter des cinq enfants et des huit petits-enfants qui forment une famille cosmopolite – dispatchée entre la France, l’Italie, le Suisse et la Suède.