Les collectivités et les opérateurs s’engagent fortement dans la transition énergétique, passant leurs bus aux carburants propres.

La multiplication des pics de pollution et des risques de santé publique provoqués par la surconsommation du « tout-voiture » imposent de trouver une solution. Parmi les pistes explorées, la mobilité durable est plébiscitée. Si les collectivités essaient d’inciter les particuliers à changer leurs comportements, elles doivent aussi donner l’exemple en renouvelant leurs flottes de bus circulant encore majoritairement au diesel. Malgré l’urgence, les flottes écologiques sont encore trop peu nombreuses. Rencontres avec celles et ceux qui agissent en faveur de la mobilité durable.

Transports propres : les collectivités s’engagent

Avec la loi Transition énergétique, les élus locaux mènent des politiques en faveur de solutions de transport plus respectueuses de l’environnement. C’est dans ce cadre que le Conseil départemental de la Gironde a commandé deux tests de véhicules propres à Transdev dans le but de renouveler le parc de bus.

Sous l’impulsion d’Anne-Laure Fabre-Nadler, vice-présidente chargée des transports, CITRAM (filiale de Transdev en Aquitaine) a testé en mars un véhicule circulant au gaz naturel qui n’émet aucune particule fine, à l’instar de la région parisienne qui a d’ores et déjà fait l’acquisition de plusieurs de ces véhicules. Alain Pittavino, directeur métiers chez Transdev, nous précise que sur leur « flotte de près de 6 000 véhicules urbains en France, un millier d’entre eux circule au gaz naturel ».

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En mars, CITRAM et le Conseil Départemental de la Gironde ont testé un bus roulant au gaz naturel

Un bus fonctionnant quant à lui au bioéthanol raisin sera expérimenté en septembre 2017 en partenariat avec le département de la Gironde, une première en France selon le directeur de CITRAM, Nicolas Raud « qui traduit une volonté politique de proposer des solutions alternatives au diesel ». Anne-Laure Fabre-Nadler nous confirme que leur but est bien de renouveler « un transport public le plus propre possible, avant que le transfert de la compétence à la région soit effectif ».

 « Aujourd’hui, les élus ont une responsabilité d’aller toujours plus loin, vers l’excellence pour que nos transports soient plus propres » – Anne-Laure FaBre-Nadler


A noter que le conseil départemental va également mener un test cet été d’un véhicule fonctionnant avec un moteur à eau avec pour objectif d’équiper l’ensemble des bus de plage de cette technologie.


Un partenariat « gagnant-gagnant entre le département et CITRAM » qui a permis à un investissement « minime » de la collectivité puisque le coût des expérimentations était endossé par le partenaire économique, très engagé en faveur du développement durable.

« Le choix de l’option en matière de transition énergétique est lié à chaque territoire » – Alain Pittavino

Beaucoup d’autres territoires se lancent dans des démarches similaires comme à Nantes ou encore à Mulhouse où a été également exprimé le vœu de « mettre en place une politique globale avec une usine de méthanisation. Passer le réseau de bus au gaz correspond à une logique territoriale. D’autres collectivités sont plutôt dans la logique de privilégier la mobilité électrique » nous explique M. Pittavino.

Nouveaux carburants : des retombées écologiques…et également économiques

Gaz naturel issu de la méthanisation de déchets agricoles, bioéthanol produit grâce à certains résidus agricoles : ces nouveaux carburants ne sont-ils pas une opportunité d’offrir des revenus supplémentaires aux agriculteurs locaux et ainsi aider un secteur en difficulté ?

Alors que la loi sur la transition énergétique met l’accent sur la valorisation des déchets agricoles et donc du biogaz, Alain Pittavino nous explique que les véhicules fonctionnant au gaz naturel sont approvisionnés par le réseau standard. En effet, « quand on fabrique du méthane par la méthanisation, il est ensuite injecté dans le réseau et peut alors très bien être utilisé dans les bus au gaz ». Dès lors, « un certain nombre de collectivités locales qui ont des projets d’usines de méthanisation regardent en parallèle si le passage de leur réseau de bus au gaz naturel est possible parce que cela a un vrai sens territorial ».

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Valorisation des résidus viniques ou des déchets agricoles, bioéthanol raisin et gaz naturel permettent de donner un coup de pouce aux producteurs locaux

La réflexion est ainsi menée au sein du Conseil départemental de la Gironde, comme nous le confirme Anne-Laure Fabre-Nadler : « avec les différentes révélations sur la vigne et les pesticides utilisés, le secteur a besoin de redorer son image et montrer qu’il peut être partie prenante de l’économie locale de manière positive. Le fait de se dire que l’on peut faire un carburant à partir des déchets de la vigne et permettre à un certain nombre de véhicules de rouler, c’est formidable ! On est dans la parfaite illustration d’une économie circulaire et des circuits-courts ».

Cependant, le développement de ces nouveaux carburants ne pourrait-il pas encourager certains agriculteurs à se focaliser sur la culture des produits dont sont issus bioéthanol et gaz naturel au détriment de l’agriculture alimentaire ; comme cela a pu se produire aux Etats-Unis ? Nicolas Raud désamorce la polémique en expliquant que « contrairement aux carburants issus du maïs, sur le bioéthanol raisin, on n’est pas sur des plantations dédiées mais sur la valorisation d’un déchet vinique ».

Encore de nombreux freins pour les transports propres

Si la volonté politique est clairement installée dans certaines collectivités, il arrive que les parlementaires entravent le développement de ces nouvelles technologies.

Alors que le bioéthanol est déjà utilisé depuis une dizaine d’années en Suède, « l’homologation en France n’est que très récente » nous explique Nicolas Raud. De la même manière, Alain Pittavino pointe du doigt certaines normes comme celle qui oblige le véhicule à être homologué en même temps que les carburants utilisés par celui-ci. Conséquences directes de cette réglementation : un coût plus important et un frein au développement de nouvelles sources de carburants.

Malgré l’implication des collectivités et des opérateurs comme Transdev, les constructeurs peinent à développer de nouveaux matériels. « C’est quand même malheureux que, pour l’expérimentation au bioéthanol, on doive faire venir le car de Suède.  Il n’existe à ce jour aucun véhicule électrique fiable pouvant assurer des liaisons interurbaines. Il faut que l’ensemble de la chaîne bouge » déplore Mme Fabre-Nadler.

Transdev explore la piste des véhicules à hydrogène, autre alternative aux combustibles fossiles. Pour autant, la « filière de production et de distribution d’hydrogène est quasiment inexistante aujourd’hui […] ; comme celle de production de véhicules ad hoc. Bien que la technologie soit éprouvée, il n’existe aujourd’hui que des prototypes de bus dont les coûts restent très élevés » nous confie Alain Pittavino.

Pourtant indispensable à la transition des flottes, multiplier les stations de recharge au GNV se heurte à un gros écueil : le coût

Enfin, les territoires manquent cruellement d’infrastructures nécessaires au déploiement de véhicules utilisant des carburants alternatifs ; infrastructures qui vont exiger des investissements conséquents. A titre d’exemple : « pour le bio-gaz naturel, l’implantation de stations de recharge en Gironde nécessite près d’un million d’euros. Objectivement, c’est cher ! » regrette la vice-présidente chargée des transports qui espère néanmoins montrer à ses partenaires que les carburants alternatifs sont l’avenir.

Transfert de compétences : quelles conséquences sur le renouvellement de la flotte ?

Le transfert de la compétence transport aux régions acté par la loi NOTRe va prendre du temps et peut potentiellement freiner les efforts entrepris. Anne-Laure Fabre-Nadler explique cependant « que le département met gentiment la pression sur la région dans la mesure où le dossier est déjà bien avancé et les expérimentations ont été médiatisées. Nous serons donc vigilants quant à la pérennité de nos actions ».

D’autant que les premiers retours sur les véhicules roulant au gaz naturel sont « positifs et l’expérimentation de mars nous a démontré qu’ils pouvaient tout à fait s’adapter à notre exploitation et nos services » nous certifie M. Raud. Cependant, les autres technologies n’en sont pas à ce stade de développement et présentent pour le moment un surcoût conséquent. Il faudra donc attendre que les progrès techniques permettent des baisses de coût pour voir se multiplier les véhicules « propres ».

« On sait qu’aujourd’hui, le prix du pétrole est aléatoire. Il vaut mieux préparer l’avenir que le subir » – Nicolas Raud

L’urgence est pourtant là. Les derniers épisodes de pollution aux particules fines prouvent que la démarche girondine n’est pas superfétatoire, d’autant qu’ils vont se multiplier.  « Il est donc temps que les acteurs publics et privés du transport se posent la question de ce qu’ils peuvent faire pour contribuer à l’effort général » prévient Anne-Laure Fabre-Nadler.

Cet article a été rédigé en partenariat avec Transdev.