Une commune rurale de l’Aude a acheté une voiture électrique pour la mettre en autopartage auprès de ses habitants, qui peuvent la louer selon des modalités simples. Cela permet de…
Une commune rurale de l’Aude a acheté une voiture électrique pour la mettre en autopartage auprès de ses habitants, qui peuvent la louer selon des modalités simples. Cela permet de désenclaver le territoire et proposer une solution alternative et plus écologique aux transports traditionnels.
Une voiture municipale en autopartage
Depuis cet été, les habitants de la commune de Villerouge-Termenès dans l’Aude peuvent profiter d’une voiture électrique mise à disposition par la mairie. « L’idée est venue de deux sources, se souvient Philippe Brulé, le maire de la commune, on a installé une ombrière photovoltaïque et une borne de recharge pour deux véhicules électriques, sur le parking d’accueil des touristes. Tout est parti de là. On a combiné les deux opérations. L’ombrière a pour fonction d’injecter en autoconsommation la borne de recharge. Elle alimente également une boutique paysanne. »
Mais cette borne de recharge n’était que peu mise à contribution. Villerouge est en effet un petit village de 150 habitants situé à quarante kilomètres de la première grande ville, comme l’explique le maire : « On est très isolés. Cette borne de recharge était très peu utilisée. Mais un jour, j’apprends que des habitants du village hésitent à acheter ensemble une voiture électrique. Je suis donc allé voir l’un des instigateurs du projet. Ils étaient alors en phase de réflexion. Je lui ai dit : “ton projet, je le trouve intéressant. Si tu veux bien, je te le pique.” Et je lui ai piqué le projet ! » Ainsi, l’idée ne pouvait qu’être une réussite : « la demande est réelle, elle vient directement des habitants. »
Des modalités de location favorables aux habitants de la commune
Pour profiter de la voiture électrique, les habitants doivent tout d’abord s‘acquitter d’un droit d’entrée de 25 euros par an. Ils peuvent ensuite réserver le véhicule, par demi-journée, pour 6 euros. Pour un particulier extérieur à la commune, il n’y pas de droit d’entrée à payer mais la demi-journée leur coûte 15 euros : « Il n’a pas besoin d’adhérer, il est considéré comme un ponctuel », confirme Philippe Brulé.
En revanche, il ne peut pas réserver le véhicule : « La voiture ne peut être prise par un habitant extérieur que si elle est libre. Il doit aller en mairie, demander si le véhicule est libre, fournir une caution, son permis de conduire qu’on va photocopier et il peut alors la louer une demi-journée voire une journée. Pas plus. »
Autre différence majeure, les horaires ne sont pas les mêmes pour tous : « Si les habitants du village rendent la voiture à minuit ou à une heure du matin, ce n’est pas un problème. Ils n’ont qu’à remettre les clés dans la boîte à clés. Pour les extérieurs, il doit y avoir un contrôle complet du véhicule, réalisé par un employé municipal. Un habitant peut la prendre à partir 5h du matin et doit la rendre, au plus tard, à 2h du matin. Minuit cela semblait trop tôt et à 4h ce sont les sorties de boîte. On a donc transigé pour 2h. »
Le fait que le système privilégie grandement les habitants de la commune est un choix parfaitement assumé par le maire : « Je voulais que ce soit la voiture des gens du village. » Dans tous les cas, il est impossible de louer la voiture plus d’une journée complète : « On ne peut pas partir en week-end avec la voiture. La règle, c’est : on la prend et on la rend le jour même. »
Un projet co-financé par l’Europe, la région et le département
Le projet a été monté directement auprès des habitants, comme l’explique le maire de Villerouge : « On a créé une commission extra-municipale. On a réuni une quinzaine de personnes autour de la table à la mairie et on a essayé de voir quelles allaient être les modalités de fonctionnement : prix de location, droit d’entrée, etc. Ensuite, ces propositions ont été soumises en conseil municipal, qui les a intégralement validées. »
Mais très vite, Philippe Brulé a compris que la commune, seule, ne pouvait financer un tel projet : ” J’ai pris des contacts extérieurs, je suis allé à la recherche de source de financement. En auto-financement, on aurait pu rien faire ! » Finalement, l’aide viendra de plusieurs échelons : ” Le projet est cofinancé par l’Europe, le département et la région. La plus grande part, c’est l’Europe, puisque le projet fait partie du programme FEADER. Les départements et la région viennent à la marge, pour servir de levier de financement. »
Le projet est établi sur huit ans et ne devrait pas être trop coûteux pour les finances de la mairie, comme l’explique Philippe Brulé : « On a fait un prévisionnel. L’investissement initial a été supporté à 80% par les fonds publics. Le fonctionnement pendant trois ans est aussi financé à 80%. Pendant les trois premières années, nous aurons donc des recettes, mais pour les cinq dernières années, ce ne sera plus le cas. Sur huit ans, le coup pour la commune sera de 1.000 euros par an ; ce qui est supportable pour nos finances. Mais nous n’aurions jamais pu mettre en œuvre ce projet si on n’avait pas mobilisé les fonds européens et nos partenaires départementaux et régionaux. »
Un succès déjà au rendez-vous
Le système d’autopartage de la voiture électrique, une Renault Zoé, a été installé à Villerouge cet été, en juillet 2018. Mais ce n’est qu’en août que les locations ont pu véritablement commencer. Progressivement les habitants se sont inscrits et la voiture est de plus en plus louée, preuve du succès de l’opération : « Actuellement, on est à 9 demi-journées d’utilisation par semaine. Concrètement, si vous voulez réserver le véhicule pour la semaine prochaine, c’est trop tard. Il faut s’y prendre 15 jours avant. L’idée est victime de son succès. » Au point que la mairie doit déjà anticiper de nouveaux problèmes : ” Nous avons encore aujourd’hui de nouvelles entrées des gens du village. L’utilisation devrait donc encore augmenter. On va être amenés à limiter le nombre de sortie par mois pour un foyer donné. Cela devrait permettre d’éviter que certains ne phagocytent l’utilisation de la voiture. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, mais nous aimerions éviter que cela n’arrive. On en arrive à devoir régler des problèmes qui n’était pas prévu au départ ; c’est la rançon du succès. »
Cette réussite s’explique par le fait que, pour la plupart des habitants de la commune, la voiture électrique fonctionne comme un véhicule de complément : quand la voiture familiale est utilisée par l’un, l’autre peut avoir recours à la Renault Zoé pour des trajets ponctuels.
L’idée, qui est en train de faire ses preuves, devait faire de nombreux émules. Pour le département de l’Aude, partenaire du projet, c’est une expérience très intéressante comme le confirme Philippe Brulé : « Son souhait, c’est que le projet inspire d’autres petites communes. » Et c’est compréhensible ; la mise à disposition d’un véhicule municipale en autopartage a l’avantage de proposer une solution alternative et simple aux campagnes qui ne peuvent avoir recours au transport en commun. L’idée a donc tout pour séduire.