La récente nécessité de légiférer afin d’imposer l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes à tous les échelons de notre société démontre un fait : en 2016, en France, nous…
La récente nécessité de légiférer afin d’imposer l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes à tous les échelons de notre société démontre un fait : en 2016, en France, nous sommes encore assez loin de l’égalité homme-femme.
Dans la ville, au sein des entreprises ainsi qu’au sein des collectivités, un réel diagnostic via le prisme du genre doit être effectué pour connaître le ressenti des femmes, leur situation réelle et donc tout ce qui pourrait être amélioré… De la même manière, réajuster ses budgets pour rééquilibrer les dépenses en faveur des filles, obligatoire en Belgique mais pas encore en France, le « gender budgeting », ne saurait être évité. Cette démarche, fortement recommandée par l’UE, porte un nom : le gender mainstreaming.
Derrière ce nom assez barbare se cache toute une philosophie politique qui pourrait bien enfin assurer une réelle égalité entre hommes et femmes au sein des villes françaises.
- De quoi parle-t-on ?
- Le gender management
- Le gender budgeting
- Le Test gender, outil de définition des lignes directrices
De quoi parle-t-on ?
Le gender mainstreaming, ou approche intégrée de la dimension de genre, est une stratégie qui a pour ambition de renforcer l’égalité des femmes et des hommes dans la société, en intégrant la dimension de genre dans le contenu des politiques publiques.
Le gender mainstreaming se veut bien différent des politiques spécifiques d’égalité : celles-ci partent du constat que, dans un domaine précis, il y a inégalité homme-femme et cherchent à la réparer (les lois sur la parité en politique en sont un bon exemple).
Le gender mainstreaming se veut préventif : suivant le vieil adage « mieux vaut prévenir que guérir », on demande à toutes les personnes impliquées dans la préparation et la définition des politiques publiques de tenir compte de l’égalité hommes-femmes afin d’éviter l’émergence ou le renforcement d’inégalités entre hommes et femmes. Ce n’est qu’une stratégie à long terme visant à atteindre cet objectif de renforcer l’égalité entre hommes et femmes (pas une approche visant à favoriser les femmes au détriment des hommes).
Le gender management
Les réflexions autour des nouveaux modes de déplacement dans la ville adaptés au développement durable, aussi louables soient-elles, semblent faire une désavantagée : la femme. En effet, essayer de supprimer les voitures en villes gênent considérablement les déplacements des femmes car elles sont très enclines à utiliser leur voiture, de par le sentiment de sécurité qu’elle apporte mais aussi car elles restent le plus souvent en charge d’amener les enfants à l’école, des courses ou d’aider les personnes âgées.
Les études le montrent, le vélo est utilisé par une majorité d’hommes (60 %, voire 80 % la nuit ou lorsqu’il pleut). De plus, diminuer l’éclairage publique pour des économies est peu apprécié par des femmes pour qui la rue reste un espace public en partie hostile.
Pourquoi la femme semble avoir été oubliée ? Tout simplement parce décideurs, architectes, urbanistes, directeurs des services d’équipement et concepteurs des programmes urbains sont presque exclusivement des hommes ! Dès lors, il apparaît indispensable d’intégrer davantage de femmes dans les organes de décisions qui les concernent. C’est là la but du gender management.
Il veille à une meilleure représentativité des femmes à la fois dans l’appareil de production économique et dans les instances décisionnelles de la société. Ce principe de management appliqué aux métiers qui font la ville, tels que l’aménagement et l’urbanisme, l’architecture et la recherche scientifique, permettrait d’établir une rupture avec la prédominance masculine de ces filières.
Le gender budgeting
Le gender budgeting est défini comme l’évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire, ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes.
En résumé, c’est l’analyse via le prisme du genre de toutes les formes de dépenses et de recettes publiques et l’inventaire de leurs conséquences directes et indirectes sur la situation respective des femmes et des hommes. Obligatoire en Belgique mais pas encore en France, il pourrait être un levier particulièrement intéressant afin de rééquilibrer les offres de loisirs municipaux entre filles et garçons (les études montrent sans équivoque que les offres de loisirs sont davantage destinées aux garçons).
L’analyse et l’élaboration de budgets (recettes comme dépenses) tenant compte des situations respectives des femmes et des hommes peut par exemple permettre d’identifier certaines dépenses inefficaces et, par conséquent, améliorer la qualité des dépenses publiques. Le gender budgeting fonctionne donc de manière optimale dans le cadre d’un processus budgétaire tenant compte du résultat, de la stratégie mise en œuvre et des ressources mobilisées.
L’Echelle (procédure pour la durabilité de l’approche intégrée de l’égalité entre les hommes et les femmes, présentation au Conseil de l’Europe, 2007). Ce sont 8 échelons représentant une procédure à mettre en place.
- Échelon 1 : Compréhension fondamentale : le personnel est formé aux questions d’égalité entre les femmes et les hommes et en particulier à la politique nationale sur l’égalité entre les femmes et les hommes ;
- Échelon 2 : Examen des conditions : cette étape peut être assimilée à un exercice dans lequel le personnel étudierait les caractéristiques d’une organisation pratiquant l’égalité entre les femmes et les hommes, ainsi que les avantages d’une telle approche pour le fonctionnement de l’organisation et les groupes cibles dont elle s’occupe ;
- Échelon 3 : Planification et organisation : cette tâche incombe aux cadres supérieurs. Elle consiste en la mise en place d’une stratégie assortie d’objectifs clairement définis et de garde-fous appropriés ;
- Échelon 4 : Inventaire : il s’agit ici de faire le bilan des activités de l’organisation et de prendre des décisions concernant les points à améliorer ;
- Échelon 5 : Enquêtes et analyses : les résultats de l’inventaire servent de base à une analyse des questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans les activités de l’organisation ;
- Échelon 6 : Formulation d’objectifs et de mesures : l’organisation prépare un plan d’action en formulant des objectifs, indicateurs et mesures permettant de pratiquer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les activités ;
- Échelon 7 : Mise en œuvre des mesures : l’organisation met en œuvre les mesures requises pour réaliser l’égalité entre les femmes et les hommes dans ses activités ;
- Échelon 8 : Évaluation des résultats : un processus d’évaluation est entrepris pour examiner les résultats obtenus, les enseignements qui en ont été tirés, les difficultés rencontrées, les points à améliorer, etc.
La parité, valeur bien souvent avancée comme étendard de bataille, est critiquable et critiquée : de nombreuses féministes la dénoncent, avançant judicieusement que l’égalité entre les sexes ne se réduit pas à une égalité numérique entre hommes et femmes, ce que la parité impose pourtant…
Et c’est là que le gender budgeting propose une solution différente : il ne vise pas à une répartition budgétaire ou numérique 50-50 ou à favoriser tout simplement les femmes de par leur condition de femmes, mais à renforcer l’égalité entre femmes et hommes, et optimiser le degré d’économie, d’efficacité, d’efficience et d’équité des finances publiques par la prise en compte de la dimension de genre dans les politiques, mesures et actions des autorités publiques via une analyse budgétaire destinées à accroître leur efficacité. C’est un instrument permettant d’arriver à des finances publiques (recettes et dépenses) tenant compte des besoins et des attentes des femmes comme des hommes sur un pied d’égalité.
Le Test gender, outil de définition des lignes directrices
Si le gender mainstreaming propose de nombreuses lignes directrices afin de définir des politiques visant une réelle égalité femmes-hommes, il offre également un outil, 5 questions générales, grâce auxquelles on va pouvoir définir son projet (de loi, de règlement interne…).
- Question 1 – Quelles personnes sont (directement et indirectement) concernées par le projet et quelle est la composition sexuée de ce(s) groupe(s) de personnes ?
- Question 2 – Identifiez les éventuelles différences entre la situation respective des femmes et des hommes dans la matière relative au projet de réglementation.
- Question 3 – Certaines de ces différences limitent-elles l’accès aux ressources ou l’exercice des droits fondamentaux des femmes ou des hommes (différences problématiques) ?
- Question 4 – Compte tenu des réponses aux questions précédentes, identifiez les impacts positifs et négatifs du projet sur l’égalité des femmes et les hommes.
- Question 5 – Quelles mesures sont prises pour alléger / compenser les impacts négatifs ?
Les questions 1, 2 et 3 visent à connaître schématiquement la situation respective des femmes et des hommes dans la matière concernée par le projet. Elles nécessitent le recours à des statistiques ventilées par sexe.
Sur base des réponses à ces trois premières questions, la question 4 concerne l’évaluation de l’impact du projet sur l’égalité des femmes et les hommes.
La question 5 vise à mettre en évidence les éventuelles mesures compensatoires en cas d’impact négatif sur l’égalité entre hommes et femmes.
Pour être utile et correctement réalisé, cette analyse doit être entamée dès les premières étapes de la réflexion qui mène à la définition d’un acte législatif ou réglementaire.