A Quessoy, en Bretagne, c’est un partenariat unique qui a vu le jour entre le lycée La Ville Davy et deux agriculteurs afin de redynamiser le pôle laitier. Bernard David,…

A Quessoy, en Bretagne, c’est un partenariat unique qui a vu le jour entre le lycée La Ville Davy et deux agriculteurs afin de redynamiser le pôle laitier. Bernard David, directeur de l’établissement a bien voulu nous raconter les étapes de ce projet qui sort de l’ordinaire.

Un lycée et deux agriculteurs au cœur du projet

« A l’origine du projet, il y a un établissement agricole privé, La Ville Davy, qui a une exploitation agricole avec de la production laitière, porcine et 56 hectares de terres. » explique le directeur de l’établissement Bernard David. « Nous avons eu comme problématique de rénover complètement le bâtiment de production vaches laitières. Nous en avons 45 dans ce bâtiment, qui a une quarantaine d’années et qui doit être refait » Mais le lycée doit faire face à deux problèmes : le bâtiment est en bordure du village et les terres pour le pâturage des vaches sont morcelées. L’enjeu était de taille : « Si nous ne trouvions pas une solution pour recentrer notre élevage, dans un lieu plus favorable, on aurait dû arrêter alors que c’est un outil pédagogique important pour les élèves, que ce soit dans les formations professionnelles de niveau CAP ou bac professionnel parce qu’aujourd’hui plus de la moitié des élèves n’est pas issue du milieu agricole dans ces formations et ils ont besoin d’avoir un lieu d’apprentissage de la pratique, notamment avant d’aller en stage chez les agriculteurs. »

A seulement trois kilomètres de là, deux frères installés en groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) se retrouvaient eux aussi confronter à des problèmes importants, se souvient Bernard David : “Ils se posaient la question de la succession pour maintenir et pérenniser leur exploitation agricole et pour installer des jeunes afin de leur succéder. Ils ont 55 vaches laitières et 90 hectares de terres. Une structure qui compte deux personnes travaillant sur l’exploitation, c’est un peu juste en terme d’organisation du travail et sans doute pas très attractif pour des jeunes qui veulent avoir de meilleures conditions de travail et avoir la possibilité de prendre des vacances. »

Un partenariat unique en France

Les deux parties ont pu trouver une solution en se mettant en relation, se rappelle Bernard David : « Un des frères, qui est membre du conseil d’administration du lycée nous a proposé une association pour regrouper nos deux exploitations, nos deux troupeaux pour une exploitation de 110 vaches laitières et à peu près 150 hectares de terres basés principalement sur du pâturage ».

Chacun y a vu une opportunité à saisir pour surmonter les difficultés  : « Pour le lycée l’objectif est de maintenir un outil pédagogique et pour les exploitants de pouvoir installer deux nouveaux jeunes pour pérenniser leur exploitation. Donc nous avons créé cette société civile d’exploitation agricole (SCEA) avec trois associés : le lycée, comme personne morale, et les deux agriculteurs comme personnes physiques en tant qu’associés et gérants de l’exploitation. »

Cette association entre un lycée et deux agriculteurs est unique en France : « Il a fallu travailler sur le statut juridique, notamment à cause du caractère pédagogique car nous entrons dans le cadre d’un programme du conseil régional qui soutenait les investissements dans les exploitations agricoles annexées au lycée, donc avec une possibilité de subventionner les investissements dans ces exploitations. C’est le statut du SCEA qui nous a permis, nous en tant que structure morale, en ayant apporté chacun un tiers du capital, d’avoir deux fois plus de voix et d’être majoritaires au sein de cette structure et donc de pouvoir maintenir la vocation pédagogique de l’outil. »

agriculteur - laitier

Un enjeu pédagogique majeur pour le lycée

Cette nouvelle exploitation concerne les 120 élèves de la filière professionnelle du lycée La Ville Davy, mais pour son directeur : « c’est aussi un lieu de travaux pratiques ou de découvertes pour les autres élèves et les 520 élèves de l’établissement vont passer sur cette exploitation, certains pour découvrir ce qu’est une exploitation laitière, entre autres, et pour d’autres, dans le bac technologique notamment où il y a des travaux pratiques, d’observations de culture ou du bétail, c’est outil qui sera plus ponctuel pour les TP. Pour la filière professionnelle, il y a systématiquement deux jeunes en permanence sur l’exploitation qui vont tourner tout au long de l’année pour découvrir et pratiquer directement sur l’exploitation laitière. »

Née le 1er février 2016, la SCEA n’est pas prête de s’arrêter et tout sera fait pour maintenir son existence affirme Bernard David : « Le premier exploitant a pris sa retraite et l’objectif, qui n’est pas encore atteint pour l’instant, même s’il y a deux jeunes qui ont été recrutés comme salariés, c’est d’installer un jeune qui puisse prendre la succession de la personne qui est partie à la retraite, c’est-à-dire qu’il rachète le capital de cette personne pour s’installer. L’objectif, c’est bien d’avoir toujours ce partenariat ; le lycée comme personne morale et deux associés gérants agriculteurs qui gèrent l’exploitation comme leur propre ferme. L’objectif, ce n’est pas que ce soit le lycée qui reprenne à terme la gestion de l’ensemble de l’exploitation. »

Un partenariat qui a de l’avenir

Pour le directeur de l’établissement La Ville Davy, la SCEA est un succès : « Ce partenariat a répondu à une attente qui est celle de pérenniser notre exploitation agricole ». Même si le cas est unique en France, il ne doute pas que l’expérience soit renouvelable ailleurs : « elle pourrait très bien l’être mais je dirai que l’une des contraintes, c’est qu’il faut que le siège ne soit pas trop loin. La question de la proximité joue. Mais cela pourrait très bien être utilisé dans d’autres situations. »

L’enjeu pédagogique du projet est essentiel mais le partenariat a aussi montré qu’il pouvait résoudre le problème de la succession qui concerne de plus en plus de monde dans le milieu agricole : « Nous voulions aussi installer de jeunes agriculteurs, de pouvoir leur faciliter tout ce travail. Et là, un jeune s’installe, entre dans une structure qui fonctionne déjà aujourd’hui avec l’équivalent de quatre temps pleins, ce qui est une bien meilleure organisation de travail qu’au départ, et peut s’installer avec une mise de fonds de capital de départ de 100.000 euros, ce qui est aujourd’hui, pour une installation en agriculture, très faible. »

« Que ce soit pour nous comme pour les associés, l’objectif, c’est d’avoir une exploitation qui soit dans le développement durable, à la fois fiable économiquement et vivable socialement par rapport à l’organisation du travail. », conclut Bernard David.

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