Face au déclin des abeilles dans le monde, les initiatives se multiplient pour leur redonner une place au cœur des villes. Inspirée par le modèle d’Oslo en Norvège, la ville d’Epernay a mis en place un « chemin des abeilles » pour inviter les habitants à devenir acteurs de la biodiversité locale.
1 an et demi d’organisation
Au cœur de la Marne, Epernay est la 2ème collectivité au monde à proposer une carte interactive pour repérer les sites où les pollinisateurs peuvent s’alimenter. Jonathan Rodrigues, adjoint au maire en charge du développement durable, a pris appui sur l’exemple de la capitale norvégienne pour créer le site internet sparnacien (Ndlr : les sparnaciens sont les habitants d’Epernay) et sa carte collaborative. « Il s’agit d’un bon vecteur ludique et didactique qui donne l’occasion aux habitants d’être acteurs de la biodiversité locale. » Le service développement durable a entamé les démarches pour que le projet consacré aux abeilles devienne une réalité.
Les 5 500 euros nécessaires à la conception du site internet dédié et aux actions de communication à destination des habitants ont en partie été financés par une subvention du ministère de l’environnement. Reconnu territoire à énergie positive pour la croissance verte, Epernay s’est appuyé sur les compétences de son territoire. « Le service des espaces verts a accompagné la démarche mais nous nous sommes aussi concertés avec la fédération départementale des apiculteurs. Nous avons également pris les conseils du programme national Abeilles- sentinelles de l’environnement. En multipliant les concertations, nous avons réduit le risque d’oublier des informations et profiter des compétences présentes sur le territoire. »
Après un an et demi de concertation et de patience administrative, le chemin des abeilles d’Epernay a vu le jour en ligne mais ne se limite pas à indiquer les initiatives citoyennes sur une carte. « Les habitants peuvent y trouver des explications sur la pollinisation, des conseils pour jardiner durablement ou encore une liste des plantes mellifères adaptées aux abeilles mais aussi à notre climat. On découvre ainsi qu’une abeille, avec un rayon d’action de trois kilomètres autour de sa ruche, reste très localisée. »
Jouer le jeu des abeilles
Pour encourager les habitants d’Epernay à s’inscrire dans le chemin des abeilles, la municipalité a privilégié la présentation de plantes et arbres faciles d’entretien.
Conscient que la mise en place du site internet, bien que riche d’informations, ne soit pas suffisant, Jonathan Rodrigues met l’accent sur les vecteurs de promotion que la ville et les partenaires ont pu mettre en place. « Nous distribuons régulièrement des plantes mellifères aux habitants dans différentes occasions. Chacun plante ce qu’il souhaite et assure une diversité qui garantit l’alimentation variée pour les abeilles. »
Le marché aux fleurs devient prétexte à la distribution de graines tandis que les gagnants de la course des climats se sont vus récompensés par la traditionnelle bouteille de Champagne locale accompagnée cette année d’une plante mellifère en lieu et place du bouquet de fleurs coupées habituel.
Ailleurs, une entreprise, avec le soutien de la commune, a distribué des graines à ses salariés. « Les sparnaciens apprécient ces initiatives et se montrent enthousiastes à l’idée de planter ces fleurs. Les habitants comme les services municipaux ont adopté le réflexe en privilégiant les plantes adaptées à la biodiversité et chaque manifestation nous donne l’opportunité de rappeler l’existence de la démarche. »
Les mariages célébrés dans cette commune de 23 000 habitants sont l’occasion d’offrir aux jeunes mariés un pot de miel, une autre façon de promouvoir l’action, les abeilles et les 7 ruches municipales dont la production estivale a atteint 208 kilos en 2018.
Un projet qui évolue
Malgré un engouement manifeste et un retour des abeilles constaté à Epernay, l’adjoint en charge du développement durable reconnait que les habitants n’ont pas toujours le réflexe d’inscrire leurs contributions sur la carte. Difficile donc de quantifier les retombées précises de l’initiative. Toutefois, les équipes qui œuvrent sur le projet ont facilité la démarche de contribution pour les citoyens. « Avant, chaque initiative devait faire l’objet d’une validation avant de figurer sur la carte et demandait au contributeur de se reconnecter ensuite. Pour éviter la démotivation possible à attendre l’accord des services, il n’y a qu’une seule étape pour inscrire son action et y joindre une photo. C’est simple et valorisant pour les habitants qui mettent en lumière leur jardin ou leur balcon. »
Pour l’élu, pas besoin de grands espaces pour contribuer. Chaque citoyen peut agir et devenir acteur de la protection des abeilles en plantant les bonnes fleurs dans sa jardinière. Fière d’avoir obtenu notamment le trophée Eco – Actions 2018 pour son chemin des abeilles, la municipalité d’Epernay met sa démarche à la disposition des collectivités qui le souhaitent. « Nous avons mis en place un contrat de cession pour que d’autres suivent l’exemple et reprennent le principe ou même les textes s’ils le souhaitent. On donne nos idées si d’autres en veulent » conclue Jonathan Rodrigues.
Le chemin des abeilles d’Epernay pourrait ainsi devenir la première étape d’une autoroute qui sillonnerait tout le territoire national au profit de cet insecte indispensable.