Les nouvelles réflexions entourant l’urbanisme néglige presque toujours la dimension artistique. Pourtant, l’art urbain peut dynamiser !
Au fil des années et des époques, la ville n’a jamais cessé d’évoluer. De nouvelles modes architecturales, de nouvelles aspirations des citadins, de nouvelles problématiques telles que le développement durable sont systématiquement venues bouleverser l’urbanisme.
Aujourd’hui à nouveau, nos villes sont en complète mutation : on utilise de nouveaux matériaux, les considérations environnementales sont bien davantage prises en compte que par le passé, les espaces verts se multiplient contre le rejet du tout-bêton, les rues piétonnées et les mobilités douces repoussent les voitures des centres-villes.
Bien souvent négligé dans les réflexions autour de la ville, l’art urbain est pourtant aussi facteur d’attractivité. En invitant des artistes à intervenir dans des réflexions initialement uniquement menées par des techniciens, on y instille de nouvelles façons de penser la ville, de nouvelles façons de l’embellir et d’ainsi améliorer son attractivité et son dynamisme.
Art et éclairage public, amener de la poésie dans votre ville
A Quimperlé, profitant de la nécessité des travaux consécutifs à de violentes inondations, la municipalité (aidée de la région et du département) a mené avec l’artiste plasticien mondialement connu Yann Kersalé une illumination des berges de l’Isole avec des végétalisations, parcours géopoétique invitant les passants à déambuler et à reconquérir leur espace public.
L’idée d’impulser un « choc esthétique pour effacer le traumatisme des inondations » (Cécile Peltier, élue de Quimperlé) s’est traduite par un projet motivant transversal, mobilisant de nombreux services autour de l’artiste chargé d’apporter une vision que les techniciens n’ont plus ou pas nécessairement, un projet fortement implanté dans le patrimoine historique et culturel de la ville. Un projet né d’une volonté municipale de ne pas se contenter « d’envisager l’espace public d’un point de vue urbain […] mais d’aussi aller chercher un lien avec la sociologie, avec l’histoire, avec la contemporanéité, de ce que cet espace évoque pour la ville ».
Pour que lier art et éclairage public ne constitue pas un projet un peu superflu, inaccessible à de nombreuses communes, peu importe la taille, du fait des restrictions budgétaires, il faut pouvoir profiter d’un budget déjà prévu pour rénover le parc d’éclairage de la ville. De plus, utilisant des diodes, des LED, des lumières douces, à basse consommation, ce type de projet concilie également urbanisme et développement durable.
Ville proche de plusieurs centres d’activités (Lorient, Quimper, Concarneau…), à Quimperlé, on veut surtout éviter que la ville ne devienne« un simple lieu de passage, une ville dortoir. Il est important que les résidents prennent plaisir à déambuler dans leur ville ». Ce projet répond donc à un objectif de recréer un lien affectif avec leur espace public, « leur rappeler que c’est le leur ». En filigrane, l’objectif est, en renforçant le lien entre les habitants et leur ville, d’encourager la citoyenneté. Et le succès semble grandement au rendez-vous.
Canalisez le street-art et embellissez votre espace public
Tout d’abord, c’est un fait indéniable, bien que beaucoup n’y fasse même plus attention, il y a un fort rejet de la publicité dans la ville. « Criarde », « tapageuse », « intrusive », « complexante », on parle souvent de véritable pollution de l’espace public. D’autre part, les citadins ne sont pas forcément très cléments avec le street-art sauvage, les nombreux graffitis qui habillent certaines devantures ou certains bâtiments, plus ou moins abandonnés, des villes. Dès lors, pourquoi ne pas inviter ces artistes à s’exprimer dans un projet concerté avec la ville afin de l’embellir ?
Plutôt que de laisser de vastes pans de façades vides, tristes, de nombreuses collectivités (Montpellier, Vaux-en-Beaujolais, Puy-en-Velay, Levallois…) ont par exemple fait appel à Patrick Commecy et son équipe de muralistes qui y ont peints de nombreux trompes-l ’œil. L’idée : transformer les façades ternes et ennuyeuses à travers la France en tableaux dynamiques pleins de vie. Se fondant dans les éléments du décor alentour (à l’image des fenêtres, balcons et tuiles), ses peintures hyperréalistes ressemblent vraiment à ce qu’on pourrait trouver dans un village ou un quartier. Au balcon ou en « plein air », Commecy y intègre souvent des personnages célèbres et influents de l’histoire de la ville où le trompe-l’œil est peint. Ces fresques apportent couleur et vie aux rues, laissant presque penser à des musées en plein air.
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En septembre 2015, les étudiants du China Studio de l’École de design Nantes Atlantique ont travaillé sur les applications de la smart city dans l’espace public, et notamment sur la conciliation entre art urbain et développement des espaces verts dans la ville de Shanghai. Pourquoi Shanghai ? La grande métropole (très polluée) cherche à multiplier les espaces verts et la volonté municipale de remplacer les friches industrielles et les usines abandonnées par des parcs et des promenades met en péril l’ancienne usine M50, véritable lieu d’expression, certes encadré, pour les artistes de la ville avec un mur sur lequel les graffeurs peuvent laisser libre cours à leur imagination. Le projet développé, Art Cell, est donc un parc laissant des espaces libres pour les artistes, des micro-architectures dans lesquelles les artistes pourraient exposer leurs œuvres. Les passants pourront noter les œuvres selon un barème de critères, plus elles seront populaires plus elles pourront rester visible longtemps.
Ce projet, dont les principes sont aisément transposables, apparaît comme une intéressante initiative d’urbanisme durable offrant une visibilité et un moyen d’expression à des artistes débutants.