Des lois sont créées concernant la transparence de la vie politique : chaque rencontre avec un lobby va devoir être répertorié

La question de la transparence a marqué la vie politique suite aux nombreuses affaires médiatiques qui ont touché des élus de premier plan. Depuis 2013, de nombreuses lois ont vu le jour et bientôt, chaque lobby va devoir être répertorié. Une initiative bienvenue, mais qui ne semble qu’effleurer le problème.

Un volet essentiel de la loi Sapin 2

La loi Sapin 2 sur la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique visent à la fois à moraliser la vie politique mais aussi contribuent à donner une image plus positive des hommes et femmes politiques. Adoptée par le Parlement en novembre 2016 et validée définitivement le mois suivant, cette loi se compose de trois volets, comme son nom l’indique.

Afin de « renforcer la transparence » de la vie politique, qui est « une conquête jamais achevée. », comme l’a déclaré Michel Sapin le 30 mars à Bercy, cette loi va créer “un répertoire numérique public des représentants d’intérêts auprès des personnes publiques », tenu par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Pour pouvoir entrer en contact avec les autorités publiques (collectivités, élus, etc.), les groupes d’influence devront s’inscrire sur ce répertoire et signaler leur rendez-vous. Ce registre doit entrer officiellement en application à partir de juillet 2018, mais déjà de nombreux représentants d’intérêts y sont répertoriés.

Paris crée un répertoire en ligne

Bien que la loi n’entrera en vigueur que dans quelques mois, la ville de Paris a déjà pris les devants en créant une plateforme en ligne où les habitants de la capitale peuvent consulter les rendez-vous pris par l’exécutif parisien et les maires de quartier avec les représentants d’intérêts. Votée au conseil de Paris en novembre 2017 et encadrée par la commission de déontologie, cette initiative va plus loin que le cadre initial de la loi Sapin 2 puisque ce sont les élus, et non les groupes d’influence qui doivent signaler les rendez-vous. La plateforme, disponible en ligne, donne accès à un répertoire géré par la HATVP et l’association ONG Transparency International. Elle liste les rendez-vous et permet même de faire une recherche par nom d’élu, nom du représentant d’intérêt ou objet du rendez-vous.

Fort de cette initiative, Mao Peninou, adjoint à la Mairie en charge du fonctionnement du Conseil de Paris, se félicite de la création de cette plateforme dans son communiqué de presse : « Nous sommes les premiers en France à rendre public les rendez-vous des élus locaux avec les représentants d’intérêts. Nous sommes convaincus que la transparence est indispensable à l’exercice de la démocratie par les citoyens et permettra de renforcer la crédibilité de l’action publique ».

Une loi sur la transparence encore insuffisante ?

Cette volonté de transparence de la vie politique sur la question des lobbies ne va plus se limiter aux rendez-vous entre élus locaux et groupes d’influence mais va bientôt concerner directement la présence de ces derniers dans les lieux de pouvoir. Actuellement, une proposition de loi envisage d’imposer un enregistrement des entrées et sorties de tout représentant d’intérêts à l’Assemblée nationale. Grâce à un badge d’accès, leurs allées et venues seront enregistrées puis diffusées en open data sur Internet.

La présence de lobby au sein du parlement ne fait pas l’objet d’un problème en soi, mais le manque de transparence qui en résulte, au point qu’il soit impossible de définir l’empreinte normative des groupes d’influence, c’est-à-dire leur impact sur les lois, est régulièrement dénoncé par l’association Transparency International. Mais, même s’il existe désormais une prise de conscience face à cette problématique, celle-ci demeure encore insuffisante et ne prend pas réellement en compte l’ensemble des pratiques de lobbying : la proposition de loi, par exemple, ne concerne pas les rendez-vous entre députés et représentants d’intérêts, alors que leurs relations dépassent le cadre du Palais Bourbon. En effet, ce sont les groupes d’influence qui doivent se déclarer mais rien n’indique quels parlementaires ils rencontrent. Et, pour le moment, il n’est pas non plus prévu d’enregistrer les entrées et sorties des représentants d’intérêts au sein des ministères, ni au Palais de l’Élysée, alors que ce sont les lieux où s’exerce le pouvoir exécutif.

Une association au cœur de la lutte pour la transparence en politique

La plupart des recommandations pour améliorer la transparence de la vie politique, provient de l’association Transparency International qui se présente comme un « mouvement mondial animé par une vision : un monde dans lequel les États, les entreprises, la société civile et les individus dans leur quotidien seraient épargnés par la corruption sous toutes ses formes ». L’association établit un indice de corruption pour chaque pays et publie un classement. Dans le dernier, révélé il y a seulement quelques jours, la France est de nouveau à la 23e place. Si elle reconnaît que des efforts considérables ont été faits depuis 2013, tout en déplorant que cette prise de conscience ne soit qu’une réaction aux affaires qui ont touché la classe politique, l’ONG regrette que la loi Sapin n’aille pas aussi loin qu’elle aurait pu le faire.

Le décret relatif au répertoire numérique des représentants d’intérêts symbolise les avancées et les limites de cette loi : l’ONG “se félicite que le décret voit le jour” mais regrette que les groupes d’influence n’aient pas “l’obligation de dévoiler l’identité des parlementaires, des ministres et des conseillers ministériels qu’ils rencontrent“. Transparency International rappelle que le lobbying est un outil du débat démocratique mais que celui-ci doit se fonder “autour de trois principes essentiels : intégrité, équité et transparence.” L’association espère que le Président Emmanuel Macron va renforcer le dispositif comme il s’est engagé à le faire. Et pourquoi pas, s’inspirer de la plateforme en ligne de la ville de Paris.